16 septembre 2021

Arte vol. 1

Série en cours (3 tomes) par Kei Ohkubo, éditée en VF par komikku, en VO par Tokuma shoten.
Sens de lecture japonais, 130x180mm, 7,90€.
Premier tome sorti en août 2015, 192 pages.

Nouvelle série chez komikku qui continue de dénicher des pépites très diversifiées, Arte est la première œuvre de Kei Ohkubo. Difficile face à la couverture et au style graphique de ne pas penser à Bride Stories ou Gisèle Alain même si ici, l’éditeur japonais n’est pas Enterbrain mais Tokuma shoten.

Arte vol. 1Italie, XVIe siècle. Arte est une jeune fille de 16 ans issue de l’aristocratie dont le père est mort il y a peu. Si sa mère n’imagine aucun autre avenir possible pour sa fille qu’un rapide mariage tant que leurs finances le leur permettent encore, elle ne rêve que d’une chose : devenir artiste-peintre ! Mais l’existence d’une femme à cette époque de la Renaissance est des plus limitées et aucun atelier ne souhaite l’accepter comme apprentie. Son obstination finira-t-elle par payer ?

Difficile encore plus, face à ce résumé, de ne vraiment pas penser à Gisèle Alain : la petite fille riche qui se dresse contre sa famille pour vivre pleinement sa vie selon ses propres choix et pas ceux imposés par sa condition… Et les deux personnages sont d’ailleurs assez proches de caractère : énergiques, déterminées, bosseuses, intrépides, sincères et optimistes, elles sont prêtes à relever tous les défis, parfois avec beaucoup de candeur qui leur permet de ne pas partir battues d’avance, pour parvenir à atteindre leur objectif. Être une femme autonome pouvant vivre de son travail sans besoin d’un homme à ses côtés.
Car Arte, avec son caractère bien trempé, a quelques petits côtés féministes, manifestement pas héritées de sa mère, enfermée dans ses certitudes qu’une femme ne peut rien seule. Comme le dit la jeune fille, sans pouvoir se l’expliquer : “Le sentiment qui m’anime, c’est la rage”.
Elle ne supporte pas qu’on la voit d’abord comme une femme, synonyme pour beaucoup de faible créature incapable et inférieure, avant de la voir comme individu à part entière, avec ses forces et ses faiblesses. Elle ne supporte pas ce perpétuel discours de rabaissement de sa condition, même quand l’intention semble louable. Comme ce garçon qui veut porter des choses lourdes à sa place parce que la pauvre, c’est trop dur pour une femme. Forcément, incompréhension totale de la part du garçon qui ne voit rien de mal dans son raisonnement largement encouragé par tout le monde sauf par cette fille qui ne veut pas de cette vie de pauvre chose incompétente, limite nuisible, comme un mal nécessaire dans un monde dominé par des hommes ayant bien compris comment garder la main-mise sur le pouvoir : empêcher la femme de tout et la persuader que c’est normal (ami.e.s féministes, ça ne vous rappelle rien ?).

arte02
Arte est donc un personnage très attachant, pas du genre à se morfondre longtemps sur son sort, habitée par l’envie de créer et d’exister au delà des conventions et des convenances quoiqu’il arrive.
Mais la petite aristo qui a toujours grandi dans son cocon va devoir par la même occasion découvrir le monde que personne n’avait jugé bon de lui montrer – pourquoi faire, son avenir devait se limiter aux bras de son mari et aux murs de son logis – et perdre sa naïveté, notamment dans son rapport aux hommes. Elle n’a que 16 ans et tout à apprendre au travers de son apprentissage où son regard de peintre devra fixer sur les toiles la réalité de son époque.

Bien évidemment, on est ici dans un manga, plutôt optimiste et léger, et les épreuves que doit surmonter Arte ne sont jamais mises en scène de manière plombantes ou lourdes. S’il y a clairement eu des recherches sur l’époque, les techniques, les vêtements, côté langage et relationnel, on est dans le très (trop ?) moderne, pas dans le pur récit historique, ce qui choque un peu tout de même.
Et sans doute que la mangaka vit une situation assez similaire à celle d’Arte avec la création de sa première œuvre reliée, ses contraintes, ses deadlines, ses échecs, ses craintes et ses doutes sur ses capacités. Cela nourrit certainement la psychologie de ses personnages, donnant une note de sincérité touchante et rafraîchissante à Arte.

Voilà en tout cas un premier volume plutôt attachant, drôle et tonique, chaleureux et touchant, avec une narration parfaitement maîtrisée et un dessin très fin et élégant. Un bon début pour cette nouvelle série dont on devrait découvrir le tome 2 le 19 novembre 2015. Avec environ 2 volumes par an au Japon, 3 sortis pour le moment, il ne faudra toutefois pas être trop pressé…

© 2013 by KEI OHKUBO / NSP Approved Number ZCW-41F

2 réflexions sur « Arte vol. 1 »

  1. Je pense que la mère nous réservera des surprises 🙂 (enfin, rien d’extraordinaire, mais je la vois bien conter son passé où elle voulait aussi faire ce qu’elle voulait mais étant une femme, etc.).

    Sinon, même si je ne trouve pas que ce soit une « pépite » (pas encore, du moins ^^), j’ai bien aimé quand Arte laisse voir un côté plus sombre quand elle dévoile que c’est la rage qui l’anime. Enfin, ce n’est pas sa rage qui est sombre, mais le fait qu’elle se cache sous sa personnalité « j’adoooore dessiner ».

    Par contre, l’histoire d’amour qu’on voit naître ne m’intéresse absolument pas. J’attends de voir si on en apprend plus sur l’art de cette époque avant de me décider à poursuivre cette série ou pas.

    Et je sais que la comparaison n’a pas lieu d’être mais… quelle différence avec Cesare, au niveau de la représentation d’une époque et d’une culture différentes ! Là où Cesare est très fin, Arte sent bon la transposition de questions (hélas) contemporaines à un autre monde un peu embelli.

    Enfin, c’est vrai que c’est très rafraîchissant alors j’arrête de faire mon grognon et je me laisse porter ^^

    1. Hum, c’est vrai que la mère pourrait bien aussi avoir de quoi raconter… Et j’aime beaucoup ce côté rageur qui anime Arte (ça me parle :)).
      Après, oui, l’histoire d’amour peut vite tourner à quelque chose d’assez basique et ennuyeux… à voir.
      Et c’est sûr qu’on reste là face à un titre léger, très différent d’un Cesare. Personnellement, c’est plutôt quelque chose qui me plaît justement parce que le côté souvent assez sombre et tragique de certains titres peut me casser l’envie de les lire 🙂

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