Volume unique par Vanyda, édité par Dargaud, 170x240mm, 208 pages, 17,95€.
Sorti en janvier 2014.
Il y a un peu plus de deux ans s’achevait l’histoire de Valentine. Janvier 2014, Vanyda revient, toujours chez Dargaud, avec cette fois-ci un recueil, Un petit goût de noisette. Au programme, douze prénoms, douze personnages que l’on rencontre pour faire un bout de chemin avec eux, que ce soit sur une ou trente pages.
Il y a Corentin, le bachelier photographe amateur et sa petite voisine, Manon la voyageuse mal tombée, Benoît le lecteur grincheux aux idées bien arrêtées, Barnabé en mal d’amour… Car c’est justement d’amour dont il est question ici. Un sentiment qui va et qui vient, mouvant, émouvant, perturbant, entrechoquant les existences sans logique ni raison ni limite. Tous ces personnages se croisent, se rencontrent, se troublent, se draguent, se jaugent, se séduisent, se rejettent… Tous rêvent d’amour, d’un soir ou d’une vie, au gré des coups de cœur et des coups de blues. Mais rares sont les chanceux qui dépassent le simple béguin sans lendemain.
Pour la première fois, Vanyda nous propose un travail en couleurs. Pas des couleurs franches et nettes comme on trouve habituellement, mais plutôt une ambiance colorée différente pour chaque histoire, chacune ayant sa teinte dominante, leur donnant une intensité et une personnalité propres. Le trait est toujours aussi sympathique, léger et maîtrisé, parvenant à donner une autonomie à chaque personnage rencontré.
Si certains dialogues m’ont semblé couler moins naturellement que d’autres, ça n’empêche nullement de se plonger dans les histoires de cœur de chacun. Mais qui dit amour ne dit pas forcément conte de fées, oiseaux qui chantent et pluie de pétales de fleurs sur des couples béats et mièvres. Ainsi, on assiste aux premières rencontres, aux premiers échanges de regards, aux premiers rougissements, aux sous-entendus timides et craintifs ou au contraire aux invitations claires et franches, aux déclarations pleines d’absolu et de détermination, mais aussi aux déceptions, aux désillusions, aux doutes, aux interrogations, aux malentendus, aux premiers mots qui commencent mal et qui n’augurent rien de glorieux, aux tromperies – rares sont les adeptes de la fidélité ici – et à leurs conséquences.
Les histoires ici sont plutôt des rencontres manquées, des rendez-vous mal tombés, des existences qui se voient mais ne se trouvent pas vraiment. Mauvais timing, mauvais feeling, l’étincelle ne donne pas forcément naissance à un grand feu mais peut rapidement s’éteindre, malgré les attentes des uns ou des autres. Des attentes pas forcément compatibles. Ne pas trouver le bon mot au bon moment, ne pas réussir à communiquer, à se faire comprendre, à trouver le rythme pour capter l’attention de l’autre.
Peut-être dommage que tous ces couples ou du moins ces coups de cœur, plus ou moins réciproques et consommés, restent très hétéronormés, surtout avec la variété de personnages rencontrés. Dommage aussi que certains personnages ne soient qu’entrevus, on aurait bien aimé en savoir davantage sur eux tant ils semblent intéressants en quelques mots, quelques cases. Mais il faut bien faire des choix et chacun pourra trouver ici une histoire qui lui parlera plus que les autres. Il est en tout cas amusant de les retrouver au fil des nouvelles, découvrant les liens qu’il peut y avoir entre untel et untel, apportant une profondeur supplémentaire à l’ensemble. Ce n’est pas un recueil d’histoires totalement indépendantes.
(Hum, d’ailleurs, n’y aurait-il pas caché des personnages de L’immeuble d’en face ? Il m’a semblé apercevoir Fabienne, Béatrice et Rémi, non ?)
Comme souvent chez Vanyda, on retrouve des cases voir des planches muettes, souvent bien plus parlantes et touchantes que celles qui dialoguent, surtout quand il s’agit d’attirance et de séduction où les mots sont souvent de trop par rapport au langage des yeux et du corps. Certaines cases expriment beaucoup de douceur, de tendresse, parfois de douleur, de tristesse, de mélancolie, de solitude.
Ces histoires de vie sont tour à tour touchantes, émouvantes, drôles, et même parfois frustrantes ou désolantes car humaines et donc forcément imparfaites, avec les mauvais choix ou les mensonges, les trahisons… Bref, des histoires de cœur dans tout ce qu’elles ont d’universel, parfois belles et évidentes, souvent foireuses et mal parties.
À noter que trois histoires, celles de Manon, Benoît et Christophe ont été écrites respectivement par Anne Duteurtre, Abdé et Kris.
J’ai raté Vanyda en dédicace au Festival d’Angoulême sur le stand Dargaud (et aussi à la Boite à Bulle), du coup, je n’ai toujours pas acheté Un petit goût de noisette. Alala, je suis un mauvais fan !
En tout cas, ta chronique me fait un peu regretter de ne pas avoir plus fait d’efforts pour passer plus de temps dans les bulles. Mais il y avait tellement de monde…
PS : Par contre, j’ai pu acheter et me faire dédicace la dernière œuvre du compère de Vanyda : Space Kariboo de François Duprat ! Mais ce n’est pas le même genre 🙂
Il m’a bien semblé avoir vu des personnages de L’immeuble d’en face oui ^^
Comme j’ai lu ta chronique avant la BD, à la lecture j’ai souvent repensé ce passage où tu dis qu’on “retrouve des cases voir des planches muettes, souvent bien plus parlantes et touchantes que celles qui dialoguent”. La case-page sur le ciel de l’île de Schiermonnikoog m’a beaucoup marqué par exemple. A priori on peut ne pas voir l’intérêt d’une page complète sur le ciel (avec les personnages en tout petit en bas qui marchent sur la plage), mais pour moi la lumière dans les nuages ou l’éclairage particulier d’une pièce font partie intégrante du souvenir. Ça m’a donc beaucoup plu que les aquarelles illuminent parfois la beauté d’un feuillage ou du soleil qui se couche.
J’ai aussi repensé aux recueils de nouvelles de Kiriko Nananan mais… en mieux. On retrouvait aussi des jeunes adultes qui se croyaient et chez qui – effectivement – la fidélité était une notion un peu flottante. Par contre les histoires de Nananan formaient un tout vraiment morose avec toutes ces illustrations de la médiocrité de la vie ou des gens. La vie gris souris comme dirait une amie. Là, beaucoup d’histoires ne se concluent pas forcément mieux, mais l’atmosphère est nettement moins plombante et désabusée. Je pense à nouveau que certains choix de couleur ne sont pas étrangers à cette impression… (bon OK, le fait que les personnages voyagent un peu plus que les citadins de Nananan doit jouer aussi).
Bref, merci pour cette chronique (qui en plus d’être très bien écrite remplit un objectif très essentiel : me rappeler que les choses sortent hahahahaha. Ha.)
Je ne suis pas une fan absolue de Vanyda mais j’apprécie son travail. Et j’ai appris à aimer les nouvelles au fil du temps. Donc je pensais être convaincue par Un petit goût de noisette.
A mon grand regret, encore une fois, j’ai “bien aimé”, mais pas adoré, pas dormi avec, pas rêvé des personnages. Sûrement un manque de liant et la sauce qui n’a pas pris, alors qu’à la base, j’aime assez les histoires de rencontres fugitives. Celle entre Corentin et la gamine, ou le monsieur chauve en mal d’amour, m’a bien plu. Le reste est plus aléatoire et a dépendu de mon humeur.
Quelque part, je dois avoir un cœur d’artichaut puisque j’ai eu du mal avec les histoires de tromperie ^^;;
Autrement, ayant également lu ta chronique avant d’acheter la BD, j’ai tilté sur le côté hétéronormé. A la lecture, ça m’a aussi frappée, puis à la réflexion, je me suis dit qu’il vaut mieux ne parler que de ce que l’on connaît (même si je ne connais pas Vanyda). Je comprendrais tout à fait qu’un auteur mette en scène toutes sortes de couples (hétéro, homo, bi, mixte, duo, trio… oh et puis à quoi bon catégoriser) au nom de l’égalité, mais je comprends aussi qu’il n’ait pas envie de s’aventurer sur des terrains inconnus et de donner dans l’artificiel.
En fin de compte, j’ai surtout aimé la virtuosité graphique, un sourire en quelques traits, un regard plein de tristesse, les belles couleurs… 🙂
PS : J’ai aussi repensé aux recueils de nouvelles de Kiriko Nananan mais… en mieux.
Kouâ ! Je ne trouve pas Nananan, ou ses nouvelles, morose. Ni ses personnages médiocres. Gloups, ça en dit long.
Ah ben faut développer maintenant 🙂