8 décembre 2022

Bêtes de somme

Série par Evan Dorkin et Jill Thompson, éditée en VF par Delcourt, 192x282mm, 160 pages, 19,99€.

Qui ne connaît pas Hellboy et ses camarades du B.P.R.D. ? Eh bien il y a quelques années, le géant rouge au sale caractère a vu débarquer une rude concurrence à 4 pattes sous la plume d’Evan Dorkin et les pinceaux de Jill Thompson dans Bêtes de somme (Beasts of Burden en VO). Dans ce premier, et unique tome pour le moment, nous sont présentés certains chiens et chats de Sommers Hills, confrontés régulièrement à des phénomènes aussi surnaturels que peu engageants. Tout commence par une niche hantée qui n’a pas grand-chose à envier à un manoir à la Stephen King. C’est petit une niche et on s’y sent vite à l’étroit…

betessomme01Cador le nordique, Bégueule le Beagle, Dobey le doberman, Terry le terrier, Carlton le carlin ou Sans-Famille le chat… Quelques-uns des membres de la petite troupe qui doit faire face à des fantômes, démons, sorcières, zombies et autres loup-garous que leurs Humains ne semblent pas remarquer, ne pouvant alors que découvrir après coup les résultats souvent sanglants et salissants du passage de ces sympathiques créatures dans leur quartier. Heureusement, même les canidés ont leurs magichiens pour les aider face aux forces du Mal qui semblent apprécier la forêt environnant Sommers Hills.

Je suis de ces personnes un brin trop sensibles, ne supportant guère la souffrance animale ne serait-ce que dans un film. Je vous laisse imaginer le cauchemar qu’a été la projection de L’ours de Jean-Jacques Annaud à la gamine de 11 ans que j’étais à l’époque, vu le sort plutôt brutal qui attendait certains animaux au cours du film. Genre le traumatisme face à la maman ourse qui se fait écraser la tête à coups de rochers. Je craignais donc quelque peu que la lecture de Bêtes de somme me réserve ce genre de mauvaise surprise, la chasse aux forces du Mal ayant tendance à faire quelques victimes. Et pourtant…
Certes, des victimes, il y en a bien quelques-unes, mais l’ensemble ne se veut ni gratuitement gore ni complaisamment malsain et le sort peu enviable de certains badauds à 4 pattes, s’il n’est pas silencié, n’est jamais clairement et cruellement montré. On s’intéresse plutôt aux actes de la joyeuse troupe en prise avec les démons qu’elle souhaite ardemment combattre, même si Dobey a parfois un peu de mal avec la notion de courage – et on le comprend bien ! – ou que Carlton ne voit pas toujours pourquoi ils devraient risquer leur truffe à courir après un démon.

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Bien sûr, on pourra peut-être craindre un peu trop d’anthropomorphisme dans tout ça mais les auteurs parviennent à garder un équilibre entre le statut de chiens ou de chats de leurs personnages et leur comportement, leurs relations, leurs conversations. Les dialogues sont même souvent assez drôles, chaque animal ayant bien son propre petit caractère, jouant habilement, parfois en les détournant, avec les caractéristiques de leur race respective.
Chaque chapitre les amène face à un nouveau danger, permettant de développer leurs talents tout en mettant à mal leurs nerfs… et un peu les nôtres aussi. Ainsi que nos émotions car certaines histoires sont particulièrement touchantes et émouvantes – ah la dernière page du sixième chapitre !!
On sent énormément d’amour et de tendresse des auteurs pour ces intrépides chasseurs du paranormal, qui sont avant tout des chiens et des chats avec tout ce qu’ils peuvent nous apporter. Tout amoureux de ces boules de poils ne pourra que partager ce sentiment, en retrouvant ici et là des comportements qui lui feront regarder ses compagnons d’un autre œil.

Signalons enfin le superbe travail d’illustration de Jill Thompson, à l’aquarelle si j’ai bien compris, sachant donner énormément d’énergie et de beauté à ses dessins, beaucoup d’expressivité à ses personnages tout en gardant bien leur côté animal sans jamais leur donner un côté trop humain qui sonnerait faux. L’ensemble est magnifique et mérite une belle place dans ma bibliothèque.

Un seul volume est pour l’instant paru aux USA, en 2010, en 2012 en France, mais vu la fin du tome, on ne peut qu’espérer que les deux auteurs puissent s’y replonger pour nous faire connaître la suite des aventures drôles, rythmées et un peu flippantes de cette attachante troupe où chacun parvient finalement à trouver sa place, même la plus inattendue.

3 réflexions sur « Bêtes de somme »

  1. Bêtes de Somme est un petit bijou, ma plus belle découverte comics de 2012-2013.

    Signalons un crossover avec Hellboy qui est introuvable.

    En parlant de comics animaliers, il y a les Légendes de la Garde qui m’ont l’air géniales (il faut que je les chope en bibliothèque).

  2. Y a juste le format que je n’aime pas 😀
    Sinon, c’est très poignant et beau. Il y a un côté épique alors que ça se passe dans un quartier.
    Et comme toi, je redoute toujours les histoires avec des animaux anthropomorphisés, mais non, c’est très bien dosé.
    Enfin, je suis ravie de retrouver Jill Thompson, qui m’avait bluffée dans Sandman.

  3. Alice > Si tu aimes Jill Thompson, je ne peux que te conseiller “Scary Godmother”, un album que je trouve vraiment très mignon et superbement illustré ! 🙂

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