1 février 2023

FIFA 2016 : un récap des courts métrages

Petit billet récap pour revenir sur mes cinq séances de courts métrages en compétition vues pendant le Festival d’Annecy 2016 (il y en a une sixième, Off Limits, que je ne fais pas, souvent avec des horaires plus compliqués pour moi). En tout, 43 courts métrages, je vais revenir sur ceux qui m’ont marquée et dont je recommande le visionnage.

Le bruit du gris de Vincent Patar et Stéphane Aubier (Belgique, France) : j’ai hésité à en parler car il s’agit évidemment d’un court métrage de la série Panique au village, déjà bien connue. Néanmoins, ça fait toujours plaisir de retrouver une nouvelle aventure de L’indien, Cow-boy et Cheval, toujours aussi hilarants, excessifs, allumés.

Caminho dos gigantes “Chemin des géants” d’Alois di Leo (Brésil) : la petite Oquirá vit dans une forêt d’arbres géants, entourée des membres de sa tribu. C’est dans une jolie fable colorée et rythmée que nous entraîne le réalisateur brésilien, avec ce court de près de 12mn sans paroles. Très beau, profond. Site web

Celui qui a deux âmes de Fabrice Luang-Vija sur une histoire de Néfissa Bénouniche (France) : c’est en découvrant ce conte raconté par sa créatrice que le réalisateur a voulu le mettre en image, en utilisant directement la bande-son de la conteuse. Nous voilà plongés pendant 17mn dans une communauté inuit, auprès de celui qui a deux âmes : beau comme une femme, beau comme un homme. Il chassait, il cousait. Allait-il trouver quelqu’un pour partager sa vie, quelqu’un qui le comprendrait ? A priori, cela peut paraître un peu binaire, c’est voulu, jouant sur le symbolisme yin et yang, avec ce personnage qui hésite et ne sait pas trop s’il doit choisir. Le réalisateur joue beaucoup sur la symbolique et la répétition, parvenant qui plus est à ne pas répondre de manière trop “genrée” aux interrogations de son personnage. Jolie technique, joli film.

How Long, Not Long de Michelle et Uri Kranot (Danemark) : le titre fait référence à un célèbre discours de Martin Luther King de 1965, qui sert de bande-son à ce court, Il n’y a pas d’histoire à proprement parler, juste une succession de scènes pour développer le caractère artificiel et dangereux des frontières, utilisées pour exacerber la xénophobie et l’intolérance. Je ne suis pas fan du discours “On est tous humains” qui ne veut rien dire et gomme en général les rapports d’oppression et les vécus spécifiques, mais ce court me semble dépasser ça et simplement appeler à reconnaître le droit à la diversité et au respect de la culture de chacun. Sachant que les deux réalisateurs sont d’origine israélienne et que l’année dernière pour un autre court, ils avaient dit que vu les circonstances, ils auraient sans doute de moins en moins de liens avec leur terre de naissance… Un court de 5mn30 donc plutôt fort et touchant.

Mamie de Janice Nadeau (Canada) : c’est l’histoire d’une vieille dame dont la petite-fille se demande pourquoi elles n’ont jamais été proches, pourquoi elles n’ont jamais rien partagé. Pourquoi sa grand-mère ne s’est jamais intéressée à elle. Un court de 6mn touchant et très personnel tout en restant pudique. Sur ces liens dont on rêve mais qui ne se créent jamais…

Moms on Fire de Joanna Rytel (Suède) : dans ce court de 12mn en pâte à modeler, la réalisatrice s’intéresse à deux voisines enceintes jusqu’aux dents qui n’en peuvent plus de leur quotidien de mères avec des conjoints ennuyeux au possible. Esthétiquement, je ne suis pas méga-fan mais le propos totalement irrévérencieux, provoc, bien loin de l’image de mères parfaites quasi saintes, vaut le coup d’œil.

Peripheria de David Cocquard-Dassault (France) : un court de 12mn sans dialogues qui sait faire monter la tension comme jamais. Une troupe de chiens errants erre dans une barre d’immeubles vide, on se croit dans un monde post-apocalyptique d’où l’humain a été effacé. Seuls résonnent au gré des couloirs quelques bruits de voix accrochées aux murs tandis que les chiens cherchent, se battent, jouent. Dans ce décor ravagé et en même temps totalement familier, le réalisateur fait monter une pression incroyable, on s’attend à tout moment à une catastrophe. Une sacrée baffe.

Planemo de Veljko Popovic (Croatie) : on appelle planemo un objet céleste de la masse d’une planète mais qui n’est lié à aucune étoile, flottant simplement dans l’espace. Dans ce court de 13mn, c’est un individu lambda qui d’un coup se retrouve éjecté de sa vie. Les autres lui apparaissent alors déstructurés, suivant leur routine qu’il perçoit par fragments tandis que lui est attiré sporadiquement par la gravité du quotidien de ceux qu’il croise. Court totalement génial, très original, visuellement bourré d’idées, utilisant avec intelligence le principe de corps éjectés de leur trajectoire. Un gros coup de cœur !

La soupe au caillou de Clémentine Robach (Belgique) : les habitants de cette petite ville n’ont plus grand-chose à se mettre sous la dent. Et quand leur émission culinaire préférée leur explique la recette de la soupe au caillou, un souci technique les empêche d’en profiter. Qu’importe : la solidarité peut aider à remplir les estomacs ! Il s’agit d’une adaptation d’un conte aussi connu sous le nom “La soupe de pierre”. 7mn de joie et de bonne humeur, de chaleur et de tendresse avec des personnages drôles, des couleurs chaudes… Un vrai bol d’air frais (et de soupe).

Spoon de Makus Kempken (Allemagne) : dans ce récit autobiographique de presque 4mn, le réalisateur revient sur son enfance traumatisante avec une mère qui piquait des crises et le frappait alors avec ce qu’elle trouvait, cuillères, spatules et autres ustensiles qui lui ont laissés des cicatrices sur le crâne et dans l’âme. Ce film est un témoignage sobre et direct, sans aucun jugement, aucune recherche d’explication, il ne fait qu’exposer les faits. Lors des petits dej du court, le réalisateur a raconté que son père avait vu le film, assez choqué, parce qu’il n’était jamais là quand cela se passait. Quant à a mère, elle ne l’a pas vu et même si elle le voyait, Makus Kempken explique qu’il se moque de sa réaction… Un court efficace, marquant, simple.

Stems d’Ainslie Henderson (Royaume-Uni) : un petit court de 2mn30 où un bric-à-brac prend vie sous nos yeux pour créer un petit orchestre éphémère. Fun, imaginatif, énergique.

Une tête disparaît de Franck Dion (Canada, France) : quand je vois le nom de Franck Dion, je sais déjà qu’on va avoir droit à un beau court métrage. J’avais adoré L’inventaire fantôme en 2004 et Edmond est un âne en 2012. Là encore, il ne déçoit pas. Jacqueline veut aller au bord de la mère. Mais elle en a marre de cette femme effrayante qui la suit en permanence en l’appelant “Maman”, elle est bien assez grande pour aller à la mer toute seule ! Eh oui, Jacqueline n’a plus toute sa tête. Mais où est-elle, sa tête, d’ailleurs ? Un très beau film sur la vieillesse, le flou qui s’installe dans la tête, les souvenirs qui s’effacent tandis que d’autres restent si marquants… Délicat, émouvant, tendre…

Vaysha, l’aveugle de Theodore Ushev (Canada) : utilisant l’ordinateur pour simuler un court en gravure sur bois, le réalisateur nous conte sur 8mn l’histoire de Vaysha : son œil gauche ne voit que le passé, son œil droit que le futur. Elle n’est jamais dans le présent. Pas fan de l’aspect graphique, que je trouve trop fouillis, mais totalement enthousiasmée par l’idée de ce double regard qui ne peut jamais lui permettre de voir son présent. Non seulement l’idée est géniale, mais elle est très intelligemment mise en scène et interroge directement le spectateur sur sa vision du monde. Brillant !

Waves ’98 d’Ely Dagher (Liban) : pour une première œuvre, le réalisateur ne fait pas dans la facilité avec un court de près de 15mn qui se déroule à Beyrouth. Mêlant photos de sa ville natale et animation, il explore la relation complexe qu’il entretient avec elle, maintenant qu’il vit à Londres et qu’il finit par se sentir étranger dans sa propre cité d’origine. Omar, le personnage principal, est un ado désabusé, rêvant d’autre chose, scrutant les autres quartiers de Beyrouth après guerre. Si j’ai bien compris ce que j’en ai lu ensuite, le réalisateur superpose l’enthousiasme de reconstruction des années 90 et la désillusion actuelle, où tout semble vouloir se répéter, comme une vague qui vient et repart constamment, sans jamais rien réellement changer. Je découvre qu’il a reçu la Palme d’or du court métrage à Cannes en 2015, ce qui est très rare pour de l’animation, et je ne m’en étonne pas. Le graphisme est attachant, l’ambiance profonde et subtile, surfant entre la réalité brutale et l’onirisme d’évasion. Vraiment un film très marquant !

14 courts métrages sur 43, ce n’est pas si mal. Je ne dis pas qu’il n’y avait rien d’intéressant dans les 29 autres, mais ils m’ont sans doute moins touchée, moins marquée, voire totalement déplu. Je pense notamment à certains qui valaient le coup d’êtres vus, vraiment, mais que je ne souhaiterais pas revoir, comme Beast! de Pieter Coudyzer, intelligemment désagréable mais quand même, ou Accidents, Blunders and Calamities de James Cunningham, et son humour noir face à l’homme si destructeur.
Cette sélection est donc bien personnelle, pas forcément très joyeuse parfois, mais bourrée d’idées, d’originalité, de techniques et d’histoires intéressantes.Ne reste plus qu’à attendre le palmarès pour découvrir les préférences du Jury…

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