Volume unique par Mariko Tamaki et Rosemary Valerio-O’Connell, traduit par Fanny Soubiran, édité par Rue de Sèvres en mai 2020, 185x255mm, 304 pages, 18,00€.
Disponible en version numérique à 8,99€
En mai 2020 sort chez Rue de Sèvres une nouvelle BD, Mes ruptures avec Laura Dean, scénarisée par Mariko Tamaki, qu’on connaît déjà pour Skim ou Cet été-là notamment. Cette fois-ci, côté dessin, elle ne collabore pas avec sa cousine Jillian Tamaki mais avec Rosemary Valero-O’Connell qu’on retrouvera ensuite pour sa BD Tout ce qui reste de nous.
Freddy, lycéenne californienne de 17 ans, connaissait évidemment Laura Dean avant qu’elle ne lui adresse la parole au cours de gym. Après tout, Laura était déjà la fille la plus populaire du lycée. Alors elle ne s’attendait pas à ce que cette dernière l’invite bien vite à sortir avec elle et n’allait évidemment pas dire non.
Quand Laura Dean a rompu une première fois puis est revenue comme si de rien n’était, elle n’a pas dit non. La deuxième fois non plus. Ni la troisième. Même en la voyant dans les bras d’une autre. Même devant les regards effarés de ses amis. Parce qu’après tout, c’était Laura Dean !
Il y a toujours chez Mariko Tamaki cette capacité à prendre une trame de base archi-classique – une simple romance lycéenne avec son lot de drama et de ruptures – pour en faire ressortir quelque chose d’unique. Une authenticité, une profondeur, une texture bien à elle.
Freddy est une lycéenne classique dans un XXIè siècle où l’homosexualité n’interroge plus personne (oui, on est quasiment dans de la science-fiction en fait…). Ce n’est plus la question. C’est juste un fait parmi d’autres.
Freddy est bien entourée, par sa meilleure amie Doodle, et son couple de potes Buddy et Eric. Mais elle-même n’est pas forcément une très bonne amie. À cause de Laura Dean, qui la fascine et l’obsède. Un seul mot d’elle et elle accoure. Un seul SMS qui reste sans réponse et elle se ronge les sangs. Elle sait que sa copine n’est pas spécialement une spécialiste de la monogamie mais serre les dents, parce que c’est ELLE. Et elle encaisse, perdant petit à petit de vue l’existence de ses proches.
Freddy n’est pas une mauvaise personne pour autant. Elle est juste amoureuse d’une ombre qui ne se préoccupe guère d’elle. Elle sent bien que ça ne peut pas vraiment continuer comme ça, ce n’est pas pour rien si au début du récit, elle écrit un premier message à un courrier du cœur pour trouver des conseils.
Freddy pourrait facilement être désagréable à la lecture. Une imbécile éplorée qui refuse de voir que sa copine ne l’aime pas vraiment et ne se sert d’elle que quand elle a besoin de compagnie, pour s’occuper, sachant qu’elle sera toujours là bien sagement à l’attendre. Lui faisant même la morale quand elle la voit s’approcher d’autres bras, alors qu’elle-même doit avoir autant de copines qui l’attendent qu’elle le veut.
Mais Freddy a 17 ans. Elle est attachante. Certes, on la voit faire souffrir ses amis, surtout Doodle qui aurait bien besoin d’une épaule pour pleurer ses propres malheurs. Mais Mariko Tamaki sait nous faire comprendre son point de vue d’ado amoureuse aveuglée qui souffre en fait elle-même profondément de cette relation dont elle ne sait pas comment vraiment sortir. Espérant à chaque fois que Laura revient que cette fois, ce sera la bonne.
Ce scénario vu et revu du « Je t’aime, tu me quittes et tu reviens, et je t’aime donc j’accepte tout » pourrait agacer mais on se focalise bien plus sur les répercussions sur Freddy et ses amis que sur sa relation avec Laura elle-même, qu’on voit finalement bien moins qu’on en entend parler. C’est l’évolution de Freddy et sa prise de conscience, au fil de rencontres, de discussions, d’interrogations qui importent. Au fil de ses messages à la chroniqueuse du cœur, qui lui permettent de mettre des mots sur sa relation toxique, sur ce qu’elle lui vole, ce qu’elle ne lui apporte jamais.
Alors si Freddy ne semble avoir d’yeux que pour sa Laura Dean, elle est en fait entourée de beaucoup de monde qui apporte une profondeur, une fraîcheur et une tendresse énorme. Aidé en cela par le dessin de Rosemary Valerio-O’Connell, très rond, doux, délicat, avec ses personnages hors des standards des teen show, racisés, maigres ou en rondeurs. Un trait net, précis, avec des aplats noirs et quelques touches de rose pour faire ressortir des détails, mettre en avant des émotions, des ressentis. Une très belle mise en scène, qui prend le temps d’installer son ambiance, laisse des respirations pour que Freddy absorbe et digère puis grandisse.
Mes ruptures avec Laura Dean aurait pu n’être qu’une énième romance adolescente parmi d’autres. Mais par la finesse et la subtilité de ses deux autrices, elle touche juste et creuse dans les émotions, interroge sur l’amour, qui étourdit, épuise, exalte, ou détruit, qu’on ait 17 ou 43 ans, qu’on soit homo ou hétéro. Laissant alors une belle empreinte toute en douceur dans l’âme quand on referme ce beau pavé de 304 pages.
(Par contre, la qualité de la version numérique sur Izneo est assez moyenne, avec plein de traits construction des images qui apparaissent… Préférez donc la version papier !)
J’ai beaucoup aimé ce titre, avec un bon scénario de Mariko Tamaki (il y a quelques longueurs quand même) et surtout avec le dessin de Rosemary Valero-O’Connell. D’ailleurs, la dessinatrice a un titre sorti chez Dargaud en 2021. Je vais m’y intéresser.
Je parle justement du nouveau titre de Rosemary Valero-O’Connell au début de la chronique 🙂
Tout à fait, c’est comme ça que je l’ai appris. J’ai juste mal formulé ma phrase 🙂
D’ailleurs, ça confirme que j’ai un gros soucis d’information sur les sorties, que ça soit en manga, en FB, en indé ou en comics. J’ai complètement décroché des sites de news et de planning (ça n’arrive plus à m’intéresser), et je compte trop sur les tablettes de nouveautés des quelques librairies spécialisées que je fréquente le samedi pour me tenir au courant, ce qui me fait rater des titres… Par exemple, en lisant ton billet sur les nouveautés de janvier, je n’avais pas fait attention à Tout ce qui reste de nous dont tu parles pourtant. Et je ne l’ai pas remarqué à Album Dante (pourtant, il était sorti)…
Déçu pour ma part.
Tamaki m’avait habitué à beaucoup plus convaincant. J’ai trouvé dans cet album beaucoup trop de prêchi-prêcha qui alourdit le récit et qui m’a tenu à l’écart des personnages et de ce qui leur arrive. Le propos est certes louable mais amené avec trop peu de finesse pour me convaincre.
J’aurais voulu apprécier cet album mais au final mon constat est que je pense que cet album n’est tout simplement pas fait pour moi.
Rien à dire par contre sur le travail de Rosemary Valero-O’Connell.