Volume unique par Simon Hureau, édité par Dargaud en juin 2020, 210x282mm, 116 pages, 19,99€.
Disponible en version numérique à 13,99€.
Ma compagne et moi avons la chance d’avoir pu acquérir une petite maison avec un jardin de 300 m2 il y a quelques années. Si j’apprécie la verdure, je ne suis pas pour autant une grande adepte du jardinage, contrairement à ma copine qui peut y passer ses journées.
(Aparté : on dit “un jardinier” pour l’homme qui jardine, mais “une jardinière”, c’est un pot pour planter des fleurs ou un mélange de légumes…)
Alors, c’est un peu pour elle au départ que je me suis laissée tenter par L’oasis, cette BD de Simon Hureau, dont je ne connaissais pas les précédentes œuvres. Mais un soir, face à mes étagères mal rangées à la recherche d’une BD un peu détente (j’ai beaucoup trop de BD sur des sujets déprimants), je me suis lancée dans la découverte de cette oasis et j’y ai retrouvé énormément de ce que j’ai découvert au quotidien.
Cela commence par la fameuse interview de Nicolas Hulot, alors ministre de l’environnement, qui annonce à la radio sa démission par ras-le-bol d’un système politique parasité par les lobbys et qui se moque totalement de la destruction du vivant comme nous en sommes témoins depuis des décennies. Simon en profite alors pour montrer comment sa famille et lui, à leur petite échelle, ont œuvré pour aider à la biodiversité.
Il y a plusieurs années, ils ont emménagé en Touraine dans une maison à rénover avec un jardin de 500 m2. Un machin vert tout triste et tout mort, avec ses habituels buissons-parpaings comme le thuya ou le cotonéaster. Et c’est la transformation de cette surface sans vie en une oasis de plantes, d’insectes, de batraciens et autres animaux qu’il nous met en image dans les 116 planches de cette BD.
Simon Hureau le dit d’entrée : ce n’est pas un spécialiste. Juste un amoureux, un jardinier amateur plein de bonne volonté, prêt à tester, découvrir, apprendre avec humilité et curiosité. Alors il cherche, tente, apporte petit à petit de la diversité dans ce bout de terre jusque-là peu habité. Il découvre qu’une rivière passe sous leur quartier et qu’ils y ont accès en souterrain. Il décrasse et retire toute la saleté humaine accumulée au fil des années. Il ne fait pas la bonne morale, il agit, ne voulant pas exploiter ce terrain mais y cohabiter avec d’autres êtres vivants qui ont autant le droit d’y être que lui.
Il s’énerve contre les chats – y compris le sien – qui font des ravages dans ces espaces. Il recycle, replante, remodèle un peu tout en laissant la vie y trouver sa place comme elle l’entend, sans avoir besoin de demander la permission.
Si L’oasis ne fait “que” 116 pages, elle en paraît en fait beaucoup plus, car elle regorge d’informations. L’auteur y dessine moult animaux avec quantité de détails et une précision qui pousse à bien tout regarder attentivement, à admirer chaque page de longues minutes. Sans jamais donner une impression de “trop” mais apportant un équilibre entre pédagogie, récit et humour.
Il semble particulièrement fasciné par les insectes et je retrouve là exactement mon sentiment depuis que j’ai la chance d’avoir moi-même accès à un jardin : alors qu’ils sont souvent négligés voire haïs, les insectes sont passionnants à observer, de par leur diversité, leur incroyable beauté, leur mode de vie, la place toute particulière qu’ils occupent dans le vivant. Pas toujours visibles mais absolument fondamentaux là où l’humain n’y voit souvent que des parasites à éliminer sans chercher, provoquant alors une réaction en chaîne qui menace tout l’équilibre écologique qui nous entoure.
L’oasis est une belle et instructive lecture, enrichissante et enthousiasmante, tranquille et rassérénante, tendre et drôle.
Evidemment, comme l’auteur le dit lui-même, on ne sauvera pas le vivant avec juste des jardins, aussi biodiversifiés soit-il. Tout comme on ne le sauvera pas non plus en pissant sous la douche, en arrêtant l’eau en se lavant les dents ou en faisant dans le “zéro déchet”. Le problème de la destruction du vivant, des éco-systèmes ne se résoudra que par des décisions politiques, collectives, une remise en question de toute notre société, aujourd’hui totalement irresponsable, mortifère, gloutonne, préférant dévorer maintenant pour le confort de quelques-uns tout en se moquant des conséquences.
Mais cela n’empêche pas pour autant chacun de faire des choses à son échelle, juste parce qu’on a la chance de pouvoir le faire. Genre ce voisin de Simon qui pourrait simplement éviter de jeter toute sa poubelle ni vu ni connu dans la rivière du quartier ou mes innombrables voisins qui devraient se demander si aujourd’hui, on a encore le droit moral de se faire construire sa piscine, dans un monde où l’eau douce devient une denrée rare.
Non, la nature n’est pas sale, elle n’a pas à être nettoyée de ses “mauvaises” herbes ou de ses “nuisibles”, elle n’a pas à être tondue frénétiquement, débarrassée de la moindre feuille qui dépasse, ça doit grouiller, gigoter, piailler.
Vivre, tout simplement.
Lors de la sortie de “L’Oasis”, j’ai beaucoup apprécié cette lecture en son temps. Par contre, dans mon cas, c’est parce que c’est une BD de Simon Hureau (je suis très fan de l’auteur) que j’ai acheté le titre. En effet, la nature, les jardins, tout ça, ce n’est pas vraiment mon truc. Et pourtant, ça c’est révélé être très intéressant à lire, l’auteur réussissant à tenir un propos fluide, facile à comprendre. Une œuvre réussie, à lire.