Volume unique par Elodie Durand, édité par Delcourt en mai 2010, 165x230mm, 221 pages, 15,50€.
Réédité en juin 2018, 18,95€, ainsi qu’en version numérique, 12,99€.
Continuant ma découverte des BD témoignages médicaux, je plonge cette fois-ci dans l’enfer de l’épilepsie avec La parenthèse d’Elodie Durand.
C’est à l’âge de 21 ans que Judith commence à avoir des malaises étranges. Elle-même ne s’en rend pas vraiment compte, c’est son entourage qui lui rappelle après coup qu’elle a été absente, pâle, avec des convulsions, des paroles incohérentes. Mais elle ne se souvient de rien. Elle finit par aller voir un neurologue qui lui annonce qu’elle est épileptique. Ces malaises sont des crises, de plus en plus fréquentes, qui finissent par l’empêcher de continuer ses études. Et les médicaments, qui la font dormir constamment, n’arrangent rien. Une IRM finit par expliquer l’origine de cette épilepsie…
Cette histoire, terrible, c’est celle d’Elodie, l’autrice, qui continue d’avoir du mal à l’assumer, même dix ans après.
D’abord, cette épilepsie, qui chamboule toute sa vie, stoppe net ses projets d’avenir, la rendant vulnérable à tout, l’engloutissant petit à petit dans une prison de plus en plus petite d’où elle ne cherche même plus à partir car elle perd tout contact avec la réalité. La découverte de la raison de ses crises ne résout rien dans un premier temps. Elle finit par haïr tout l’univers médical qui devient son seul interlocuteur.
Et si d’un côté, elle refuse de voir la maladie, de reconnaître ses effets, ses conséquences sur son quotidien, elle n’est rapidement plus en mesure d’affronter quoi que ce soit. Perdant la mémoire, ses capacités, ses connaissances, perdant même toute possibilité de décisions et d’initiatives, devenant un simple pantin vide qui ne fait que dormir ou rester debout près de sa mère sans réagir à rien, elle plonge. Son récit est terrifiant, oppressant : sa personnalité est comme annihilée, effacée, vidée de toute substance. Le monde continue de tourner, sans elle, coquille vide secouée par des crises de plus en plus fréquentes.
Elle décrit ces quelques années de sa vie avec une efficacité et une sobriété percutantes. On ressent aussi bien la lente et terrible plongée dans la maladie, que son refus de l’accepter, d’y faire face. Comment assumer ces années perdues, où le temps semble avoir été suspendu, dont il ne lui reste que quelques vagues souvenirs, d’hôpitaux, d’examens, de rendez-vous avec des neurologues ?
On a donc non seulement le récit, terrible et effrayant, de son combat face à cette perte d’une partie d’elle-même que son ressenti après coup, cette difficulté à l’intégrer à son histoire, à accepter cette souffrance qui l’a clouée sur place dans son existence pendant tant d’années. En la couchant sur le papier dans cette BD, Elodie Durand met en quelque sorte un point final à sa convalescence, fixant définitivement ses souvenirs et ceux de son entourage sur une période sombre de sa vie, pleine de trous noirs, de peurs, de doutes, d’incompréhension.
La parenthèse est une œuvre forte, touchante, prenante, parfois terrible dans sa description de sa perte d’elle-même, mais finalement lumineuse dans sa remontée vers l’autonomie et la reprise en main de sa vie.
Belle chronique, qui m’a rappelé combien j’avais apprécié cette lecture (j’ai mis en son temps les petits cœurs sur bulledair, la mémoire de mes lectures) , effectivement très touchante et enseignant aux gens comme moi d’être plus compréhensif et plus patient envers les personnes malades…