Volume unique par Pauline Aubry, édité par Les Arènes BD en avril 2018, 170x240mm, 168 pages, 20,00€.
C’est en furetant dans ma librairie BD préférée que la libraire décide d’exploser mon porte-monnaie en me conseillant quelques jolies nouveautés, dont Les Descendants, ou l’appel de la Pampa de Pauline Aubry.
En septembre 2005, alors âgée de 24 ans, l’autrice part sur les origines de sa famille en s’envolant pour Buenos Aires en Argentine. Depuis toujours, elle est bercée par le récit de la rencontre de Louis et Gabina, ses arrières-grands-parents, sur le bateau qui les a conduits dans ce pays d’Amérique du sud en 1904. Un récit devenu légende familiale au fil des générations et qui pousse Pauline à partir à l’aventure dans le pays de ses aïeux…
C’est donc à un récit autobiographique que nous invite l’autrice dans cette BD, la quête de ses origines durant l’année qu’elle a passé en Argentine. Si l’histoire de ses arrières-grands-parents l’a conduite dans ce pays dont elle ne savait rien de plus que ce qu’en montrent les cartes postales pour touristes, c’est avant tout son envie d’amour qui l’a poussée à franchir le pas.
Car dans la famille, ce sont de grands romantiques. Pas pour rien si la rencontre de Louis et Gabina, Pauline nous la dessine en mode “Titanic, je suis le roi du monde, je vole”, tout en sachant parfaitement qu’elle se raconte des films. Mais voilà, elle ne peut pas lutter, bercée toute son enfance par sa grand-mère et ses grandes tantes adeptes des romans d’amour, elle se retrouve sur les routes avec son sac à dos pour… trouver un mec. L’homme de sa vie, le prince charmant, le bon qui lui fera connaître le coup de foudre.
Mais comme le dit le philosophe Boulet, “Lourd est le parpaing de la réalité sur la tartelette aux fraises de nos illusions”.
Et si partir à l’autre bout du monde dans un pays dont on ne sait pratiquement rien et dont on parle moyennement la langue est déjà une sorte d’aventure, ça ne suffit pas pour échapper au quotidien qui nous rattrape toujours. Là voilà avec ses rêves de midinette remplis de beaux barbus enfermée à Buenos Aires dans les mêmes bureaux qu’elle peut trouver à Paris ou à Londres.
Obsédée par sa quête de l’âme sœur, elle le dit elle-même “A 24 ans, j’étais en quête d’un monde idéal, j’étais romantique, entière, rebelle ou juste très immature…”.
Et là voilà repartie avec son sac à dos à jouer les baroudeuses sur les routes chaotiques d’Amérique du sud, découvrant les joies des nourritures locales qui rendent malades, des compagnons de route qui collectionnent les tampons sur leur passeport comme des images Panini, des auberges de jeunesse miteuses, des moyens de transport bien éloignés de nos standards européens et autres aléas propres aux circuits trouvés dans le Lonely Planet. Son rêve d’aventures, de globe-trotter, finit rapidement par se heurter aux limites d’une réalité moins glorieuse et plus vide de sens. Peut-être n’est-ce pas ça qu’elle recherche finalement…
Là voilà alors, à 25 ans, de retour dans le pays de ses fantasmes, l’Argentine, à chercher quel sens donner à son existence, une fois qu’elle a pu se débarrasser de ses illusions sur le voyage. Cette plongée dans ses racines familiales, dans l’histoire qui la berce depuis toujours, peut-être est-ce ce dont elle a besoin pour s’approprier sa vie et lui faire accepter un âge adulte dont l’apparente austérité la glace, elle qui ne se voit pas rentrer dans le moule qui semble si inévitable une fois qu’on choisit de se poser. Une parenthèse en mode “Auberge espagnole” est peut-être son moyen à elle de se débarrasser définitivement du poids de l’héritage de la légende familiale pour qu’elle puisse enfin elle aussi ajouter sa patte à cette histoire, trouver sa place dans l’arbre généalogique et créer ses propres souvenirs que ses descendants pourront eux aussi s’approprier le moment venu.
Si la recherche de son prince charmant est un peu gonflante – tant de dégâts générés par ces fichus contes de fée en mode Disney… -, on se rend compte que c’est plus un prétexte utilisé inconsciemment par la jeune femme pour tracer sa route et se motiver à bouger, à franchir les lignes, à regarder autour d’elle et simplement vivre.
Et rien de mieux qu’un pays peuplé principalement de descendant de grosses vagues d’immigration (“Et pourquoi il n’y avait personne ? Parce que les Espagnols avaient tué tous les Indiens !”), où chaque Argentin a lui aussi une histoire familiale liée à divers pays du monde, pour permettre à Pauline de se sentir à sa place suffisamment pour qu’elle puisse savoir d’où elle vient et qui elle est.
Une quête libératrice où le voyage est autant géographique que psychologique…