1 février 2023

My Girl

Série en 5 tomes par Mizu Sahara, éditée en VF par Kazé Manga, en VO par Shinchosha, prépubliée dans le Comic Bunch.
Sens de lecture japonais, 127x182mm, 7,99€.

C’est en juin 2010 que Kazé Manga nous fait découvrir le travail de Mizu Sahara avec sa série My Girl, suivie en août 2011 de son recueil Un bus passe…. Une mangaka que les amateurs de Boy’s love connaissent également sous le nom de Sumomo Yumeka, même s’il aura fallu attendre février 2012 pour la lire avec le one-shot À l’unisson chez Taifu Comics.
mygirl01J’avais déjà écrit une blog-chronique lors de la sortie du premier tome de My Girl, je reprends l’exercice après lecture de la série complète.

Masamune Kazama est un jeune employé à peine sorti de l’université. Il n’a que 23 ans mais n’est déjà plus guère enthousiaste concernant sa vie. Cinq ans auparavant, Yôko, la femme qu’il aimait, l’a quittée pour étudier à l’étranger. Depuis il a fini par abandonner l’idée d’avoir un jour des nouvelles… jusqu’à ce coup de fil lui annonçant sa mort. C’est lors de ses funérailles qu’il apprend que la jeune femme laisse derrière elle une petite fille de presque 5 ans, dont il est le père.

Le départ de cette histoire pourrait être celui d’un téléfilm mélo du début d’après-midi sur M6. Et il est vrai que les allergiques aux bons sentiments ont tout intérêt à en éviter la lecture pour ne pas risquer tout incident fâcheux. Mais pour les autres, ceux qui n’ont pas peur d’entendre battre leur petit cœur de grands sensibles, voilà une série qui mérite qu’on lui donne sa chance.

Masamune pourrait n’être que le typique loser façon manga, le binoclard définitivement célibataire sans aucune confiance en lui, sans atout particulier a priori. Oui mais voilà, il a ce petit truc en plus, cette petite étincelle d’humanité qui le rend immédiatement sympathique, cette tristesse désespérée d’avoir perdu son grand amour au milieu de laquelle surnage tout de même une toute petite lueur de force et de courage qui ne demande qu’à tout embraser. Pour peu qu’il accepte d’être heureux. Qu’il accepte ses doutes, ses échecs passés, ses mauvaises décisions, ses mots qu’il n’aurait pas dû garder pour lui. Qu’il accepte tout simplement d’avoir loupé certaines choses, pour enfin pouvoir profiter de la suite du voyage.
Oui mais il est difficile de se décrocher d’un passé certes banal mais aussi pesant que sécurisant car on le connaît parfaitement. Un passé qui fait mal, qui garde les blessures ouvertes, mais dont on sait tout, aucune surprise possible, aucun nouvel échec en vue. On reste immobile, figé par ses peurs et ses doutes, et on ne fait rien, on ne risque rien… et on n’attend plus rien.
Et le débarquement totalement inattendu de cette petite fille, seul lien qu’il lui reste avec son amour perdu, s’il va évidemment bouleverser son morne quotidien, ne va pas par magie lui permettre de dépasser sa douleur. Au contraire, si les premiers pas de la fillette dans sa vie permettent de contrebalancer un peu le chagrin d’avoir définitivement perdu Yôko, ses nouvelles fonctions de parent le mettent d’autant plus face à des responsabilités qui risquent de lui rappeler continuellement qu’il ne se sent pas capable de grand-chose. Après cinq ans de séparation, forcément, il idéalise quelque peu son ex et se sent totalement incompétent face à elle, face à ce qu’elle a choisi de supporter par amour pour lui… à moins que ce ne soit par peur d’affronter la vision de l’autre. Mais petit à petit, à force d’amour, d’échanges, de rencontres, le jeune homme pourra peut-être faire un peu la paix avec lui-même et simplement vivre.

Du côté de Koharu, les premières pages donnent un peu l’impression de se retrouver face à la gamine idéale. Gentille, souriante, ultra-compréhensive, très mature, elle ne rechigne devant rien, ne fait aucun caprice et s’adapte tout de suite à sa nouvelle vie. Un peu invraisemblable ? Peut-être mais son caractère reste parfaitement cohérent par rapport à l’ensemble de la série, à son ton, extrêmement chaleureux avec des touches de mélancolie. Après tout, cette maturité extrême n’est peut-être qu’un réflexe de survie pour éviter de perdre encore une fois ceux qu’elle aime. S’oublier soi-même pour plaire, ne pas faire de vague.
Le jeune adulte et la petite fille s’apprivoisent, se consolent, se soutiennent face à la disparition de l’être qui comptait le plus pour eux et la très tendre complicité qui s’installe entre eux est profondément touchante sans pour autant avoir à jouer la grosse patte du mélo larmoyant. Yôko est toujours là, en arrière-plan et on découvre la jeune femme par petites touches, au gré des souvenirs de chacun, mais sans qu’on en sache vraiment beaucoup, son image précise s’estompant au fil du temps pour plutôt laisser son empreinte, son essence, pleine d’humour et de force, ce que ses proches retiennent d’elle.

Koharu et son père souffrent en fait un peu du même problème : à force de vouloir ménager les autres, ils s’empêchent d’être vraiment eux-mêmes, de vivre, de s’investir, de peur d’être égoïstes, injustes et de faire du mal. Des choses certes désagréables mais inhérentes à toute relation humaine qui connaît des hauts et des bas, des joies et des crises, des mots doux et d’autres trop forts. Là encore, les multiples rencontres qu’ils feront au fil de leur quotidien leur permettront d’évoluer.
Car le duo père-fille est loin d’être seul dans cette histoire, la mangaka proposant au contraire une jolie galerie de personnages, comme la mère de Masamune, aux paroles parfois bien décourageantes mais aux actes maladroits débordant d’une tendresse mal cachée, ou Shû, le copain de classe de Koharu, à la famille éclatée et qui va trouver dans son amie la gentillesse stabilisante qui lui fera dépasser son amertume de gamin délaissé.

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Au gré de leur quotidien sans grand bouleversement mais aux milles petites découvertes, tous ces personnages profondément attachants passent par bien des émotions, subtilement décrites et mises en scène avec simplicité, au fil des regards, des cases sans dialogues, des visages très expressifs. Le coup de crayon de Sahara est élégant, maîtrisé, sachant exprimer sans en faire des tonnes, captant l’énergie, le caractère de chaque individu en quelques traits.

Difficile alors de ne pas s’attacher à toute cette joyeuse tribu, si proche, si touchante, à ses personnages, drôles, fragiles, complexes, tous différents mais dégageant tous une même douceur et une même simplicité, avec cette part de mélancolie qui finit par se transformer en énergie pour avancer, en acceptant de vivre avec les conséquences de ses choix et de ses doutes. Voilà assurément une belle lecture qui laisse des traces…

Une réflexion sur « My Girl »

  1. J’aimais beaucoup Sumomo Yumeka (que j’avais découvert grâce à ses titres BL il y a plusieurs années) et ça a été un véritable plaisir de pouvoir lire My girl en français.

    Comme tu le dis, la tribu de persos est très attachante et le trait de la mangaka est toujours aussi agréable. Un titre touchant avec de très jolies scènes.

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