Film d’animation de Nora Twomey, 1h33.
Sortie en salles en France prévue le 27 juin 2018.
En 2009 est projeté à Annecy Brendan et le secret de Kells (qui reçoit d’ailleurs le Prix du public), réalisé par Tomm Moore et Nora Twomey. En 2014 sort dans les salles Le Chant de la Mer, réalisé par Tomm Moore sur lequel travaille également Nora Twomey.
Enfin, au Festival 2017 s’est déroulé le WIP consacré à The Breadwinner, réalisé cette fois par Nora Twomey, dont on peut enfin découvrir le résultat cette année. Le film étant adapté d’un roman de Deborah Ellis, la version française sortira sous le titre français du livre, Parvana, une enfance en Afghanistan.
Kaboul, 2001. Parvana est une jeune fille d’une douzaine d’années qui tente de survivre dans une Afghanistan déjà ravagée par les nombreuses guerres passées et désormais sous le pouvoir des talibans. La vie y est difficile, surtout pour les femmes, qui n’ont droit à rien. Interdiction de sortir sans homme et sans être entièrement couverte. Parvana désespère de cette vie et son père tente d’alléger sa peine au travers d’histoires liées à la riche culture de leur pays.
Mais ayant déplu à un jeune taliban, le père finit arrêté et envoyé en prison. Parvana, sa mère Fatima, sa grande sœur Soraya, son petit frère Chazik se retrouvent alors seuls pour survivre. Sachant qu’elles n’ont pas le droit de sortir d’acheter des provisions sans homme. Parvana n’a d’autre choix que de devenir un garçon…
Ce Festival a définitivement une touche féministe. Après Seder-Masochism hier, la réalisation de Nora Twomey enfonce le clou face à une société patriarcale ici élevée au paroxysme du non-sens et de la cruauté avec le pouvoir taliban.
Les femmes, même ado, doivent rester à la maison, cachées des regards, et même accompagnées d’un homme, elles ne sont pas à l’abri de l’excès de zèle d’un fanatique galvanisé par son petit pouvoir qui haussera le ton pour le moindre bout de peau qui dépasse.
Parvana n’a que 12 ans et est déjà désespérée par la vie qui lui semble promise. Une vie de recluse, dont la survie ne dépendra que du bon vouloir d’un homme, sans aucun espoir de pouvoir améliorer les choses. Toute rébellion, même minime, est immédiatement sanctionnée par des coups de bâton ou de fouet, si ce n’est la prison dont peu ressortent.
Dans ces conditions impossibles, le seul réconfort de la jeune fille sont les histoires que se raconte sa famille, même si elle clame être désormais trop âgée pour ça. Des contes où le courage et la bonté finissent toujours par vaincre l’horrible adversité, aussi puissante soit-elle.
Les premières minutes donnent des frissons, tant elles sont insupportables, tant tout semble totalement sans espoir. La religion n’est qu’un prétexte utilisée par un groupe puissant pour assujettir tout un peuple et empêcher toute velléité de rébellion.
Mais Parvana continue d’avancer, même face au pire, se relevant toujours pour faire face, malgré la peur. Son père disparu, elle découvre une nouvelle vision du monde en devenant un garçon, gagnant des droits qu’elle n’imaginait même pas. On adopte son regard et on voit par ses yeux tout ce champ des possibles qui s’ouvre à elle, le droit de sortir, d’aller où elle veut, d’acheter des provisions, d’être non plus juste à peine tolérée mais pleinement acceptée parce qu’on la prend pour un garçon. Même si ça ne solutionne pas tout pour autant : la brutalité des hommes plus âgés reste la même.
Nora Twomey parvient à insuffler beaucoup de force et de courage dans son récit. Même face à une situation désespérée – la famille est condamnée à mourir en silence ou à se vendre à des cousins éloignés qui pourront leur faire subir ce qu’ils veulent – elle montre toute la puissance de femmes obstinées qui gardent la tête haute pour aider les leurs.
Les décors sont particulièrement beaux, même si des années de guerre et un climat plutôt aride n’aident pas spécialement. Lors du WIP de 2017, l’équipe avait expliqué s’être beaucoup documentée pour reproduire aussi précisément que possible le Kaboul de 2001 (difficile car les photos étaient interdites), pour représenter le plus fidèlement la vie des afghans et surtout des afghanes sous un régime d’interdictions. On sent une réelle volonté de montrer tout en restant pudique, sans chercher à faire dans le pathos ou le glauque. Le résultat est superbe et poignant. D’ailleurs, le film est, si j’ai bien compris, censé être diffusé en Afghanistan à la TV après le Ramadan.
La partie conte du récit, l’histoire que la famille se raconte pour se donner du courage et s’évader un peu, est animée différemment et l’ensemble rend parfaitement cohérent. Nora Twomey explique d’ailleurs que l’éléphant du conte représente notre ignorance, notre indifférence face aux horreurs que d’autres vivent, et qu’il faut se battre contre ça.
Côté doublage, le casting vocal a été fait dans la communauté afghane de Toronto. Alors certes, c’est en anglais pour la VO, histoire de rester accessible au plus grand nombre, dont les enfants, mais les intonations et l’accent gardent cette touche d’authenticité recherchée sur tout le film.
En français, Parvana est doublée par Golshifteh Farahani, actrice franco-iranienne qui a d’ailleurs connu une expérience similaire à celle de la jeune afghane : elle aussi s’est coupé les cheveux pour passer pour un garçon en Iran…
Parvana, une enfance en Afghanistan est un très beau film, mettant en scène le courage et la résilience face à l’horreur et l’injustice. Si cela se passe à Kaboul au moment de l’invasion américaine, dans un contexte donc très spécifique, l’utilisation de l’animation permet un rendu universel, qui pourra parler aussi bien aux plus jeunes, surtout les filles confrontées un monde qui reste dominé par les hommes, qu’aux adultes.
Les épreuves que traverse Parvana, avec obstination et persévérance, touchent justes, ne cherchant pas l’apitoiement, et l’ensemble résonne face à un monde aujourd’hui de plus en plus bouleversé par les inégalités et les violences multiples. Nécessaire et bienveillant.
A découvrir dans les salles françaises à partir du 27 juin 2018.