Film d’animation de Keiichi Hara, 1h30.
Sortie prévue au cinéma en France le 2 septembre 2015.
Site officiel français
Après Un été avec Coo et Colorful, déjà présenté au Festival d’Annecy édition 2011 (où il a reçu la mention spéciale et le Prix du Jury); Keiichi Hara revient avec cette fois-ci Miss Hokusai.
Edo (l’ancien nom de Tokyo), été 1814. Ei, 23 ans, vit avec son père, le peintre Hokusai, qu’elle assiste, étant elle-même une peintre de grand talent. Mais elle aime aussi prendre le temps de s’occuper de sa petite sœur Nao, aveugle de naissance, que leur père semble avoir du mal à accepter. Comme tout ce qui ne touche pas directement à la peinture, en fait…
Miss Hokusai est à la base un manga de Hinako Sugiura datant de 1983 sous le titre Sarusuberi, la mangaka étant décédée en 2005. Depuis une vingtaine d’années, Keiichi Hara souhaitait adapter une de ses œuvres et quand Production I.G. a dit vouloir sortir Sarusuberi, le réalisateur a saisi l’occasion.
Pendant toute la conférence de presse, il insistera sur le fait qu’il voulait adapter le plus fidèlement possible le manga, respectant les cadrages, la mise en scène, le style graphique, tout en ajoutant certaines scènes qui devaient rester dans la droite ligne du reste du film. Qui plus est, le manga est une succession d’histoires indépendantes, mêlant fantastique et vie quotidienne au XIXe siècle à Edo, ce qui ne facilite pas l’écriture d’un script de long métrage, travail entrepris par Miho Maruo (a prioril, la femme de Keiichi Hara)… et explique sans doute mon ressenti sur le film.
En effet, si l’ensemble est efficace et divertissant, il lui manque une véritable unité narrative puisqu’on assiste effectivement à un enchaînement de petits événements du quotidien, parfois dramatiques, parfois fantastiques, parfois drôles, sans qu’il y ait vraiment ni début ni fin. Et plus précisément pas de finalité. Ce qui peut être totalement voulu par le réalisateur, qui insiste également sur les quatre saisons qui s’enchaînent éternellement, qu’on voit de façon subtile (peut-être un peu trop, du moins pour un point de vue occidental vu qu’on ne ressent pas les saisons sur les mêmes points qu’au Japon) tout au long du film, permettant ainsi aux spectateurs d’avoir la sensation qu’ils vivent dans la continuité des personnages. Cela peut donc être un choix mais je trouve pour ma part que ça empêche quelque peu à un rythme narratif de s’installer et de jalonner le film, de donner des repères et des étapes concrètes au public. J’ai l’impression que l’ensemble est un peu trop éthéré et manque d’épaisseur, de profondeur sur laquelle appuyer son ressenti.
Autre point m’a, disons, déstabilisée : la musique. Le film commence et termine sur une musique rock de guitare électrique. Ce qui a de quoi décontenancer pour un film historique. Là aussi, le réalisateur s’en est expliqué : Ei, l’héroïne, même si elle vit au XIXe siècle, est un personnage fort, peu conventionnelle pour son époque, assez “rock’n’roll”. Qui plus est, la mangaka écoutait justement ce type de musique quand elle travaillait sur ses mangas pourtant historiques.
Effectivement cela fait sens dans l’absolu mais au niveau du rendu, je trouve ça un peu maladroit. Mais Keiichi Hara voulait de toute façon surprendre, c’est au moins réussi là-dessus.
Pour une édition du Festival notamment concentrée sur les femmes, le film a évidemment toute sa place, avec le caractère volontaire et plutôt moderne d’Ei (d’ailleurs, la première cible du film, c’est justement le public féminin entre 20-40 ans qui pourra se retrouver dans ce personnage indépendant et actif dans sa vie professionnelle). De plus, et c’était un souhait de la productrice Keiko Ando-Matsushita, une bonne partie de l’équipe (dont l’assistante réalisatrice Masato Sato) était également féminine, ce qui a sans doute influé sur le résultat.
Côté dessin et animation, il n’y a évidemment aucun problème, c’est propre et efficace. Le style graphique ne reprend pas du tout la patte du travail d’Hokusai ou des œuvres de l’époque puisque le réalisateur voulait rester fidèle au style du manga (ce qui explique que son héroïne soit sans doute plus jolie dans le film qu’en vrai, elle était surnommée “le menton” à l’époque…). Il a tout de même tenu à insérer la célèbre vague de l’artiste au cœur du film, chose permise grâce à l’animation, sachant qu’il voulait utiliser cette fois-ci toutes les techniques habituelles de ce médium, là où avec Colorful par exemple, il avait plutôt joué la carte du style d’un film de prises de vues réelles.
Les quelques scènes fantastiques s’intègrent plutôt bien, faisant sens par rapport au regard d’artistes d’Ei et de son père, qui voient ainsi ce que les autres ne peuvent pas voir. Il y a sans doute là, si on prend aussi en considération le handicap de Nao, aveugle de naissance, pas forcément un message en lui-même mais du moins une intention de vouloir en quelque sorte mettre en avant les sens, avec donc cette vue qui permet à certains de voir au delà d’une basique réalité ou cette ouïe qui remplit la vie de la petite sœur, aimant les multiples bruits (et odeurs également) qu’elle capte sur les ponts là où le manteau neigeux floute tout son paysage sonore. Tous ces sons également là pour retranscrire finement les saisons, le bruit du vent et le tintement des fûrin (clochettes) qu’il fait bouger, les crissement des insectes.
Au final, je reste un peu sur ma faim sur l’histoire en elle-même, manquant d’un fil rouge, d’une continuité narrative qui donne corps à l’ensemble, mais cela reste un film intéressant, notamment dans ses descriptions d’Edo et son soin apporté à certains détails.