Il y a déjà quelques années est apparue dans les rayonnages des librairies ce qu’on a appelé la BD-reportage. Joe Sacco, Guy Delisle, Emmanuel Guibert, Emmanuel Lepage… Quelques noms en vrac des contributeurs du genre, faisant découvrir un autre regard sur le monde, au cœur des conflits, des événements, des bouleversements de notre époque.
Dans le même temps, alors que la presse de kiosque va mal, que le fait divers devient un gros remplisseur de pages de journaux et qu’on n’arrête pas d’entendre que le public ne veut plus que de l’info rapide et plus de longs articles et analyses à lire, boudant le papier pour le tout numérique, un autre journalisme se fait sa place en librairies, comme la revue XXI, sans pub, chargée en mots et même en BD.
Débarque alors La Revue Dessinée, la rencontre de ces deux courants. Début 2012 commence la campagne de communication sur cette nouvelle et ambitieuse idée. En janvier 2013 est lancé un projet sur Ulule pour aider au financement. Enfin, c’est en septembre 2013 que sort en librairies le premier numéro de cette revue trimestrielle.
La Revue Dessinée, comme le dit son sous-titre, ce sont des enquêtes, reportages et documentaires en bande dessinée. Sur les 228 pages de ce premier numéro, vous trouverez 13 bandes dessinées différentes, chacune consacrée à un sujet précis, certaines s’étalant sur plusieurs numéros, signées par 22 contributeurs, mêlant journalistes et dessinateurs.
Cela va du plus léger, des chroniques de quelques pages, sur l’histoire de la musique ou de l’informatique ou encore la découverte d’un sport, à des enquêtes plus poussées comme sur l’installation des jeunes agriculteurs en France ou encore sur le gaz de schiste (qui s’étalera d’ailleurs sur trois numéros), un récit de voyage sur une frégate de la marine nationale ou la visite d’un zoo, les derniers jours d’Allende ou un reportage sur l’histoire du Congo Belge. On peut a priori ne pas se sentir intéressé par le sujet mais le média bande dessinée aide forcément à s’y plonger malgré tout.
Ainsi, on passe d’un sujet à l’autre, d’un style graphique et narratif à l’autre, au fil des pages, avec parfois à la fin des plus gros morceaux une petite page de chiffres et d’infos qui permet d’autant mieux comprendre et contextualiser ce qu’on vient d’apprendre. Le tout est parfaitement orchestré, géré, organisé pour qu’on arrive à s’immerger dans chaque sujet avec intérêt, le tout étant servi par une charte graphique sobre, simple et efficace donnant d’office une personnalité à l’ouvrage. Qui se termine d’ailleurs avec une page présentant une sélection de BD à découvrir, susceptibles d’intéresser les lecteurs de La Revue Dessinée. Enfin, la dernière page présente une partie du programme du prochain numéro, là encore très alléchant (en librairies à partir du 9 décembre).
L’objet en lui-même est vraiment réussi, jolie couverture, papier agréable au toucher, impression nickel, un beau bouquin qui se prend bien en main.
Et comme les auteurs ne rejettent pas le web pour autant, ils proposent un double numérique, hélas uniquement sur Ipad pour le moment, je ne sais donc pas à quoi il ressemble. Une petite version Androïd de prévue ? Ce serait chouette… (Sur leur page FB, ils expliquent que c’était un départ plus simple sur Ipad mais qu’ils envisagent toutes les possibilités dans l’avenir en cas de succès de la revue).
Bref, vous l’aurez compris, j’ai été totalement séduite par ce premier numéro de La Revue Dessinée, à tel point que je m’y suis abonnée pour un an histoire de soutenir l’aventure. L’idée de base était intéressante mais ambitieuse et finalement le résultat est à la hauteur, vivant, drôle, malin, sans prétention hautaine, permettant d’apprendre et de découvrir efficacement et intelligemment, poussant à garder l’esprit ouvert sur le monde et le regard curieux. Franchement, que demander de plus ?
L’accueil public a d’ailleurs été bon puisqu’il y a eu lancement d’une réimpression une semaine après la sortie du numéro 1…
La Revue Dessinée, c’est tous les trois mois, 15€ le numéro de plus de 200 pages (sans un gramme de pub qui plus est, on respire).