Série par Brian K. Vaughan et Fiona Staples, éditée en VF par Urban Comics, 185x282mm, 15,00€.
C’est peu de temps avant la sortie du premier volume chez Urban Comics en mars 2013 que j’entends parler de Saga, de Brian K. Vaughan et Fiona Staples, sur le forum de Mangaverse. Une série qui semble avoir déjà bien marqué son lectorat aux USA. J’évite néanmoins de trop me renseigner dessus, histoire de garder la fraîcheur de la découverte. Je sais juste que Brian K. Vaughan est également le scénariste de Y, le dernier homme, autre série que je compte tester…
Saga, ça commence comme Star Wars. Dans une galaxie fort fort lointaine, une guerre fait rage entre les ailés de la planète Continent et les cornus de la lune Couronne. Les accro à la technologie d’un côté, les adeptes de la magie, vus comme des animaux par leurs ennemis, de l’autre. Une bonne grosse guerre, bien barbare, bien gore, que chaque camp a pris soin d’éloigner de sa propre planète vu que les deux astres étant liés, si l’un disparaît, l’autre a du souci à se faire. Donc on se bousille la gueule ailleurs tout en en profitant pour aller pourrir d’autres planètes qui n’ont rien demandé.
Et au milieu de ce bourbier, Alana l’ailée et Marko le cornu. Roméo et Juliette avec des pisto-lasers ? Pas vraiment… Aucun des deux n’a spécialement l’intention de mourir, surtout depuis la naissance de leur fille. Leur but est plutôt de survivre ensemble aussi longtemps que possible, même avec des chasseurs des deux camps aux trousses, n’appréciant qu’assez moyennement le copinage sexuel, ou pire, amoureux, avec l’ennemi et sa progéniture hybride (toute ressemblance avec des éléments existants ou ayant existé est évidemment fortuite…).
Il est toujours difficile de juger une série sur le premier tome. Mais celui-là assure déjà sacrément pour un début. Base a priori classique – guerre raciste, amour impossible – mais qui part très vite dans un délire jubilatoire et grisant. Les personnages sont accrocheurs et attachants, que ce soit Alana la grande gueule qui n’a pas son flingue dans sa poche, Marko le guerrier pacifiste, Prince Robot IV qui doit se taper le sale boulot de chasse alors que la guerre le gonfle, ce qui ne l’empêche pas de bien cogner, le Testament tueur à gages atypique avec son Chat Mensonge à la mine désabusée poilante, etc. Une sacrée galerie originale, que ce soit physiquement – attendez-vous à quelques petites surprises, le modèle bêtement anthropomorphique d’individus non terrestres a droit à son petit coup de jeune – comme moralement, les dialogues sachant particulièrement bien retranscrire le caractère complexe de chacun.
Des dialogues d’ailleurs souvent drôles, mêlés à des scènes assez critiques, tragiques, régulièrement riches en action. Notons d’ailleurs que la série est plutôt à réserver à un public averti, certaines scènes étant du genre explicites. Forcément, quand on se retrouve sur le vaisseau Sextillion, le bordel où toutes les créatures de la galaxie vont se défouler, on ne s’étonne pas spécialement de voir plein de gens tout nus faire plein d’exercices physiques dans des positions des plus acrobatiques…
Le plus frappant dans ce premier tome, c’est le décalage constant entre le côté très space-opera – guerre, races différentes, combats, traques sans relâche – et le côté très terre-à-terre du quotidien des personnages : Alana et Marko qui s’engueulent pour le prénom de leur bébé, trouver une baby-sitter ou sur leurs ex, Prince Robot IV qui a une petite panne face à Madame (« le décalage horaire, chérie… »), les soucis de belle-familles… Autant d’éléments qui enrichissent aussi bien les personnages que l’aventure en elle-même, pouvant alors partir dans tous les sens sans qu’on puisse le prévoir.
Inutile de préciser que la lecture de ce premier tome est un régal, drôle, prenant, attachant, accrocheur, sans oublier un très beau dessin tout à fait maîtrisé, énergique, une parfaite gestion des couleurs, une narration rythmée qui sait faire monter la tension… et un cliffhanger qui rend évidemment indispensable l’achat du volume suivant. Nul doute qu’on devrait en apprendre un peu plus sur la rencontre de nos deux tourtereaux, très certainement pleine de chants d’oiseaux et de délicatesse… ou de poings dans la gueule et d’injures en tout genre.
Au USA, un chapitre sort chaque mois, le douzième vient de paraître et le tome 2 est prévu pour juillet 2013. Espérons qu’on n’attende pas trop pour sa version française…
Oh non, je n’aurais pas dû lire cette chronique, mon porte-feuille va encore en prendre un coup alors que j’avais vaillamment résisté jusque là 😉
Mais c’en est trop, le mélange space opera/vie quotidienne, ça me botte vraiment trop.
Un grand merci pour cette critique super intéressante 🙂