Volume unique par Ingrid Chabbert et Carole Maurel, édité par Steinkis en février 2017, 200x260mm, 88 pages, 18,00€.
Début d’année 2017 chargé pour Carole Maurel puisqu’elle a vu la parution de son album Collaboration horizontale scénarisé par Navie et d’Écumes, avec Ingrid Chabbert pour l’histoire a priori très personnelle, dont on va parler ici.
Elles essaient d’avoir un bébé depuis des années. Tant d’échecs pour finalement le coup de fil libérateur : elle est enceinte. Passée la joie du moment vient le temps de la grossesse. Et celle-ci est difficile. Jusqu’à ce séjour à l’hôpital, fatidique… Comment vont-elles s’en remettre ?
Écumes est de ces beaux ouvrages, courts et sobres, qui transportent tant d’émotions au travers de leurs images, souvent sans paroles. Pas besoin de mot pour définir l’indéfinissable, dire l’indicible, la souffrance de cette perte, la douleur de cet enfant qui ne grandira jamais. Chacune doit alors faire son chemin, son deuil. Ici on se focalise plutôt sur celle qui le portait et qui continue de porter ce poids d’avoir “failli”, là où il n’y a pourtant d’autre responsabilité que celle de la fatalité. Sa compagne, dont le rôle n’est pas évident non plus, mère sociale difficilement reconnue encore aujourd’hui, la soutient coûte que coûte, sans pour autant lui mettre la pression.
La douleur de la situation est suffisante, pas besoin d’ajouter dans le pathos avec un couple qui se déchire, que la perte brise. Ici, elles font front ensemble tout en laissant à chacune le temps de faire son propre chemin sur la route du deuil, de l’acceptation, de la vie qui continue malgré tout.
Si on suit un couple de femmes, j’aime qu’il soit considéré comme un couple parmi d’autres, avec ses propres particularités, sans avoir besoin d’en faire plus juste parce que c’est un couple “différent”. Ainsi, d’autres parents endeuillés croisent leur route, sans jugement, sans regard moralisateur. Juste une reconnaissance de leur situation commune, de leur deuil à partager et à intégrer malgré tout.
Le trait de Carole Maurel transporte parfaitement les mots et les émotions d’Ingrid Chabbert. C’est une histoire qui a besoin de sobriété et de pudeur, de sensibilité et de justesse, pour ne jamais en faire trop, pour réussir à toucher délicatement, sans tire-larmes. Le récit se suffit à lui-même et les images l’accompagnent, jouant avec les couleurs. Ainsi la tristesse des premiers jours est dépeinte en noir et blanc et petit à petit, quelques petites touches de couleurs refont surface. Ces petits moments de bonheur, ces petits détails qui permettent d’avancer malgré la douleur, l’abattement et l’envie de tout arrêter.
Écumes est une belle œuvre, simple et profonde, pudique et élégante, douce et délicate. Si son sujet est difficile mais hélas connu de beaucoup de couples, il est abordé avec finesse et beaucoup d’amour.