Depuis plusieurs mois, je n’arrive plus à lire d’essais. Alors que mes étagères en regorgent et que je continue d’en acheter régulièrement (en illustration, une photo d’une de mes étagères un peu chargée…). Des essais sur le féminisme, le sexisme, le racisme, la question queer, etc. De même, je n’écoute plus de podcasts sur le même genre de sujets. Mais pas par manque d’intérêt…
Puis je commence la lecture du livre d’Alice Coffin, Le génie lesbien. Et je comprends pourquoi je ne me nourrissais plus de ces réflexions militantes. Parce que je n’en ai plus le temps.
Oui, il faut du temps pour ça. Pour lire/écouter, d’abord. Mais aussi ensuite pour digérer. Et surtout pour gérer le flot de pensées que ça entraîne. Cette envie irrépressible de les agencer en les écrivant, de développer sa réflexion mot après mot. Je ne suis à l’évidence pas la nouvelle Simone de Beauvoir et un nouveau billet sur le net sur le sujet n’apportera rien… mais cette nourriture de l’esprit, c’est ce qui me tient éveillée et me donne l’impression d’avancer, d’apprendre, d’évoluer.
Or, je m’en suis éloignée. Notamment parce que je n’avais donc plus le temps pour ensuite m’asseoir devant un clavier histoire de faire sortir tout ça. Trop de boulot. Plus de temps de cerveau disponible.
De plus, nous sommes désormais deux en permanence à la maison et la moindre interruption, aussi minime soit-elle, me fait perdre le fil de mes pensées et me coupe net. J’ai besoin d’être seule dans ces moments-là, entièrement tournée vers l’intérieur, sans aucune interaction avec autrui et c’est compliqué quand on vit à deux 24h/24 même si ma chère et tendre n’est pas franchement envahissante.
Alors j’ai arrêté de lire, de me nourrir de ces paroles militantes passionnées autant que passionnantes. Mais épuisantes. Qui consomment une énergie folle. Je n’en avais plus le temps, ni la force. Accaparée par un travail qui me consume autant qu’il me plaît, mais ainsi m’enferme et me dessèche un peu l’esprit à force de ne plus penser qu’à lui.
C’est sans doute aussi pour ça que je galère autant à écrire de nouvelles chroniques (9 seulement en 2020). Parce que cette écriture nécessite un cerveau tourné vers cet exercice et nourri par les mots de livres hors BD. Les mots ne viennent plus, les pensées ne s’articulent plus aussi bien quand je n’ai pas eu ma dose de lecture depuis un moment. Comment voulez-vous partager quelque chose avec d’autres si vous ne trouvez ni le temps ni l’énergie de les partager avec vous-même ?
Mais j’ai envie de m’y remettre. Je dis ça alors que je vais certainement crouler sous le boulot ces prochains mois, mais j’aimerais réussir à me fixer des temps de lecture et des temps d’écriture, juste pour faire bouger un peu tout ça (je vieillis, il faut que j’entretienne un peu la machinerie…).
J’aimerais aussi voir si je peux intégrer ces textes plus ou moins longs, peu illustrés, dans le format un peu rigide du site. Revenir à de vrais billets d’humeur en fait, de l’écriture spontanée où je ne pèse pas chaque mot pendant une semaine. Et petit à petit, peut-être, relancer la machine à écrire…
Pour ma part, je lis toujours pas mal, même hors BD. Pas de livres militants, qui ne m’intéressent pas vraiment, mais plutôt des livres d’histoire, matière que j’apprécie toujours depuis mes études (un peu de littérature classique aussi : en ce moment, je suis sur les oeuvres de Conan Doyle, qui n’a pas fait que du Sherlock Holmes ; et il y a des trucs assez barrés).
Il faut dire que les trajets en RER aident pas mal : j’en ai pour 2 heures chaque jour, ce qui laisse du temps pour avancer. Je ne ressens pas le besoin d’être seul et au calme pour lire, et je peux faire autre chose en même temps (marche, vélo d’appartement…). Quand je suis chez moi, il y a davantage la concurrence des autres loisirs (internet, dvds, jeux vidéos…). Si, comme toi, je travaillais chez moi, paradoxalement, j’aurais peut-être moins le temps de lire.
Ah mais très clairement, on a paradoxalement moins le temps de lire quand on bosse chez soi… Beaucoup lisent sur le trajet pour aller bosser. Ou à la pause de midi au boulot.
J’ai en effet beaucoup moins lu en 2020 à cause du télétravail et du fait que je lisais majoritairement dans les transports en commun. A la maison, c’est plus compliqué de trouver le temps.
Pour ce qui est des essais, bon ben, je dirais que je ne suis pas un lecteur d’essais malgré tout l’intérêt qu’ils peuvent revêtir. Et je m’éloigne autant que possible de toute lecture militante.
Ce qui m’intéresse et ce à quoi je veux consacrer mon temps, c’est ce qui est magnifiquement décrit dans le roman graphique L’accident de chasse comme la “vérité de l’imagination”. Une manière d’être au monde qui se transmet par “le langage secret des poètes”.
Comme le dit son auteur David Carlson, “L’imagination est aussi authentique que n’importe quel fait descriptible. Cette histoire est une tentative pour raviver la magie et le merveilleux de l’expérience humaine.”