Volume unique par Julie Delporte, édité par Pow Pow en janvier 2018, 160x210mm, 26,00€.
Je ne sais plus trop comment j’ai entendu parler de Moi aussi je voulais l’emporter de Julie Delporte puisque publiée par une maison d’édition québécoise, Pow Pow, en 2017. Mais une BD féministe a toujours le don d’éveiller ma curiosité…
Moi aussi je voulais l’emporter est une sorte de journal, de carnet mêlant dessin et pensées de l’autrice par rapport à son statut de femme qu’elle a du mal à accepter de par les limitations et le poids qu’il fait peser sur les épaules d’une grosse moitié de la population.
Il n’y a donc pas à proprement parler d’histoire, pas de cases, de bulles, mais un ensemble de pensées jetées sur le papier au fil des réflexions de l’autrice, au gré de son histoire, avec en arrière-plan le modèle de Tove Jansson, la créatrice finlandaise des Moomins (que j’ai pour ma part découverte dans les Culottées de Pénélope Bagieu).
Ainsi en 2014, Julie Delporte est partie en Finlande sur les pas de cette femme refusant les limites et les obligations de son genre et de son époque. Refusant de se marier, d’avoir des enfants, de se couler dans le moule de la sage femme docile.
Au fur et à mesure de son parcours, tandis qu’elle met ses pas dans ceux de la créatrice finlandaise, au fil des rencontres, des projets amoureux avortés, des ruptures, des histoires qui ne se font pas, elle évolue et interroge les divers aspects de sa vie en tant que femme.
Décider ou non d’être mère et de devoir porter le poids de s’occuper d’un enfant là où un homme peut sans problème s’en décharger. Interroger l’histoire de sa famille, de ce que ses aïeules ont pu subir. Questionner la relation hétérosexuelle, ce qu’elle signifie, de qu’elle sous-entend, ce qu’elle fait porter aux femmes, ce que les hommes en attendent. Apprendre à dompter la solitude plutôt que céder à la compagnie masculine qui finit par l’agacer. Trouver dans l’expérience des autres femmes la force et l’envie d’avancer plutôt que de devoir constamment se confronter aux attentes et à la potentielle violence des hommes.
Et finalement parvenir à embrasser et assumer pleinement son statut de femme, sans y associer tant de douleur, de perte, de peur, de poids, face à un monde sans cesse en mouvement, traversé par la mort, la maladie, le temps qui file et qu’on perd à force de devoir suivre des obligations et des normes.
Les pages en elles-même ne sont pas forcément très remplies : quelques dessins croqués, en lien plus ou moins clair avec une réflexion ou un souvenir, une anecdote (parfois en référence avec des artistes québécois donc inconnus en France). Mais en enchaînant la lecture des pages se dessine un propos sur le féminin, sa place dans le monde, dans la culture, la place que les femmes doivent constamment se battre pour obtenir au delà des limites qu’on leur impose.
Comme dans n’importe quel journal de pensées, tout ne nous parle pas forcément mais c’est l’accumulation, petit à petit, qui apporte une certaine richesse, permettant au fil d’événements, a priori sans lien, de tisser l’évolution d’une réflexion plus globale qui nous interroge à notre tour sur ces mêmes questions.
Sans doute pas une BD forcément facile d’accès malgré la simplicité des dessins et des phrases inscrites en gros au crayon de couleur… mais touchante et pleine de réflexions pertinentes sur la question du féminisme. Une lecture forte et poignante.
Ça me donne envie de le lire. Je recherche des récits intimes sur ces questions en ce moment. Mais j’ai parfois l’impression de retrouver les mêmes cadres même quand le propos est féministe. Je ne sais pas vraiment ce que j’entends par là hein !… Merci