Volume unique par Julie Maroh, édité par Glénat en janvier 2017, 198x265mm, 304 pages, 25,50€.
Quatre ans après Skandalon, Julie Maroh revient chez Glénat avec Corps Sonores, un recueil consacré à l’amour.
Au fil des 21 histoires qui composent cette œuvre, Julie Maroh explore le sentiment amoureux sous toutes ses formes, loin de l’unique cliché du couple hétéro monogame. Que ce soit sur 3 ou 20 pages, elle s’intéresse aussi bien à la relation même pas encore commencée, à la rencontre, aux premiers regards, au désir qui s’inscrit sur les visages, mais aussi aux couples qui se déchirent, qui se cherchent, qui s’interrogent, qui se brisent tandis que d’autres durent, à leur rythme.
Si l’amour est quelque chose d’aussi complexe, fuyant, incompréhensible, incontrôlable, illogique, intangible, comment imaginer qu’il ne pourrait se loger que dans un seul et unique modèle, érigé par notre société comme le saint graal que nous devrions tou·te·s désirer trouver ?
Ainsi Maroh ne s’embarrasse pas d’une quelconque limite et explore l’attirance du premier regard, le désir du premier contact, la passion des premières étreintes, la routine du quotidien, les disputes pour rien, les déchirures, la jalousie, le manque de l’autre, les retrouvailles, les doutes des sentiments, la peur de la perte, la reconstruction. Que l’autre soit homme, femme, cis ou trans, hétéro, homo ou sans étiquette. Qu’il/elle soit seul·e ou plusieurs, trouple, polyamoureux/se, marié·e ou pas. Blanc·he, noir·e, natif/ve américain·e (les histoires se déroulent à Montréal, avec le français du Québec en prime). Valide ou handicapé·e, sourd·e, en fauteuil…
Bref, une exploration de l’amour sans limite (en dehors de celle du consentement), sans jugement, juste des êtres qui se cherchent, se trouvent… parfois, ou se loupent, parce qu’il y a aussi de grandes histoires qui ne voient jamais le jour.
En si peu de pages pour chaque histoire, l’autrice parvient à toujours toucher juste, avec quelques mots, parfois uniquement quelques images, des regards, des expressions. Son dessin est d’une extrême sensualité – ces visages, si beaux !! – et dégage une infinie poésie dans la danse de ces corps qui se frôlent et parfois se touchent, parfois se ratent, s’accrochent, s’imaginent, se fantasment. Au delà de toute convention, elle interroge nos propres rapports à l’autre, celui d’un instant, celle de toute une vie.
Exubérance du trait, intimité des mots, interrogation de la place de chacun·e dans cette aventure humaine parfois totalement incompréhensible, terrifiante, piégeuse comme elle peut être aussi si simple et totalement évidente.
Se débarrassant des normes et des obligations, interrogeant aussi nos conventions sociales parfois si rigides et étouffantes, Julie Maroh nous livre ici un superbe titre, tout en finesse, en humour, en subtilité, en sincérité et en sensualité… 300 pages de pure magie.