Volume unique par Giacomo Bevilacqua, édité par Vents d’Ouest en septembre 2017, 200x265mm, 192 pages, 20,00€.
C’est intriguée par la couverture et le résumé que je me laisse tenter par Manhattan Murmures de Giacomo Bevilacqua. Bien m’en a pris.
Sam, photographe au cœur brisé, profite d’un travail pour sa revue pour se donner deux mois de solitude volontaire à New York. Il s’est lancé comme défi de n’adresser la parole à personne et passe ses journées à errer dans Manhattan à saisir des instants avec son appareil photo. Mais après un mois de travail, un événement va bouleverser ses plans.
Après avoir lu Prends soin de toi de Grégory Mardon, le résumé de Manhattan Murmures me semblait y faire écho et proposer sa propre version d’une même histoire : un homme en pleine introspection après un deuil amoureux. En fait, c’est plus compliqué que ça…
Difficile de parler de cette BD sans en révéler des éléments importants qui construisent son récit au fil de la lecture. Mais c’est une règle à laquelle se tenir pour ne pas gâcher la découverte des futur.e.s lecteurs/trices. Et des règles justement, Sam en a plein. Elles rythment sa vie. Pour tenter de contenir le hasard et ses bouleversements, la douleur et sa morsure constante, le monde et son vrombissement permanent. Tout en sachant qu’il n’est guère maître de son destin et que tout peut changer sur un coup de coude ou simplement avec le temps qui passe. Alors il installe des barrières entre le monde, les gens qu’il croise et lui. Il s’isole dans une bulle, cherchant à simplement devenir observateur, spectateur de la vie des autres. Immortalisant des instants fugaces sur une photo et dans sa mémoire. Tout pour ne plus ressentir sa propre douleur.
Mais New York, qu’il arpente sans cesse, a ses propres règles, son langage, ses mécanismes cachés qui imposent leur rythme à tous, qu’ils en aient conscience ou pas. Et même isolé dans sa douleur au milieu d’une foule, ses pensées, sa peur de reprendre pied dans sa vie, Sam va devoir s’y confronter.
Manhattan Murmures est une belle œuvre. Que ce soit par son dessin, ses couleurs, tout est très doux, très tendre, avec également de très belles doubles pages qui scotchent par l’émotion qu’elles dégagent de manière très subtile. Sa narration joue avec les plans, les cadres, les effets miroir d’une page à l’autre. Le tout raconte plusieurs histoires, jouant sur les narrations, les points de vue. C’est un jeu qui pousse à relire la BD une fois la première lecture achevée pour tenter de saisir les détails à la lumière de ce qu’on l’on comprend à la fin.
Même après deux lectures successives, je ne pense pas avoir tout saisi, des miettes que je n’ai pas vraiment identifiées. Mais Manhattan Murmures dégage une telle sensibilité, une justesse, une pudeur qui touche même sans tout comprendre, comme une mélodie en arrière-plan qu’on n’entend pas vraiment mais qui nous interpelle inconsciemment.
Manhattan Murmures, c’est l’histoire d’un homme qui souffre mais préfère garder cette douleur brûlante pour ne pas oublier, quitte à y perdre encore de nombreux mois de sa vie. Mais la ville qu’il a choisie pour sa quête d’isolement ne l’entend pas ainsi…