Volume unique par Cullen Bunn, Vanesa Del Rey et Michael Garland, édité en VF par Glénat Comics, 185x283mm, 160 pages, 15,95€. Sorti en août 2016.
C’est en me renseignant sur Harrow County que je découvre une autre création du scénariste Cullen Bunn, The Empty Man, avec Vanesa R. Del Rey au dessin. Ayant bien apprécié le premier tome de la revisite des sorcières tout en n’ayant pas accroché à son autre série The Sixth Gun, je retente ma chance avec ce volume dont je découvre qu’il s’agit en fait d’un one-shot à quelques pages de la fin de ma lecture. Cullen Bunn, tu as de bonnes idées mais tu galères à les laisser se développer !
Il y a un an, le virus de l’homme vide a fait sa première victime. Depuis, les cas s’enchaînent, laissant dans leur sillage des hectolitres de sang et des corps mutilés. On parle de suicides entraînés par d’obsédantes hallucinations. Mais quand deux enfants disparaissent après la mort de leurs parents affectés, deux agents du CDC et du FBI unissent leur force pour tenter de les retrouver…
En fait, le résumé est assez trompeur. On croit partir sur une histoire de virus mortel et de course contre la montre pour arrêter la contagion… et les premières pages nous amènent dans une chapelle de fortune avec un révérend guérisseur comme il en y a tant aux Etats-Unis (ou du moins dans les fictions américaines). Et le récit n’a rapidement plus grand chose à voir avec une épidémie virale, se focalisant plutôt sur la foi et ses excès.
En soi, ce changement de sujet ne serait pas un problème si l’auteur ne voulait pas trop en faire. Religion, foi, fanatisme, pouvoirs parapsychiques, démences, manipulations sectaires, beaucoup de sujets sont abordés et s’ils sont intéressants, on passe trop rapidement de l’un à l’autre pour que ça ne soit pas frustrant de ne pas les laisser prendre toute leur ampleur. Car c’est en découvrant que le volume s’auto-conclue que je comprends que tout ce qui a été mis en branle sur 160 pages n’ira pas plus loin et ne laissera pas l’intrigue se développer plus avant. Et c’est d’autant plus dommage car il y avait un tel potentiel pour une quête à la X-Files de plusieurs volumes, permettant d’explorer chaque piste correctement. Surtout que les sujets méritaient de vrais approfondissements et pas juste d’être utilisés en prétexte on ne sait trop pour quoi, d’ailleurs.
La lecture en soi est agréable, sachant jouer sur les nerfs mais apporte trop vite des réponses pour permettre une réelle interrogation, une véritable enquête où les questions se succèdent face à l’horreur vécue par les “atteints” et la panique et ses conséquences sur la société : le retour à la foi pour être sauvé, ou au contraire sa fuite face à son inutilité manifeste; les manipulations mentales d’un homme face à son image du paradis à partager avec autrui, quitte à choisir la manière forte; les limites qu’on s’autorise à franchir sous prétexte de noble but à atteindre; la bascule entre l’envie d’aider et de soulager la souffrance d’autrui et la perte de tout libre arbitre et de toute critique possible face à un dogme potentiellement meurtrier.
Bref, il y avait beaucoup à développer sur la base de l’idée, géniale et intéressante, de l’homme vide. Une chronique aussi bien sur la spiritualité, le besoin d’appartenir à un groupe, de communiquer, sur la solitude et ses effets, sur la foi et ses limites, sur la peur et le besoin de croire. Et le dénouement est d’autant plus frustrant qu’il intervient avant la fin, comme pour donner l’impression que tout n’a pas été réellement révélé alors que le mystère est des plus limités.
Bref, une lecture potentiellement intéressante mais au développement beaucoup trop rapide, qui aurait mérité nettement plus de temps pour l’installation, l’exposition et l’enquête. Dommage car le dessin rugueux et maîtrisé de Vanesa R. Del Rey et la colorisation sachant jouer sur la profondeur des teintes sombres de Michael Garland apportaient une touche supplémentaire à l’ensemble et auraient là encore mérité plus.