Film d’animation de Mamoru Hosoda, 1h58.
Sorti en salles en France le 13 janvier 2016, en DVD/BluRay le 27 mai 2016.
Trois ans après le formidable Les enfants loups, Ame & Yuki, Mamoru Hosoda revient avec son quatrième long métrage d’animation, Le Garçon et la Bête. La version masculine de La Belle et la Bête ? On peut voir ça comme ça…
À Jutengai, le monde des Bêtes, le vieux Seigneur va bientôt laisser sa place. Il a un héritier idéal, Iozen, aimé de tous, valeureux, intelligent, posé et père de deux enfants. Quelqu’un d’aguerri qui saura gérer le pays. Mais il a un challenger, Kumatetsu. Fort et courageux mais colérique, égoïste, arrogant et incapable de rester calme plus de cinq minutes. Pas pour rien s’il n’a jamais pu garder un disciple plus d’un jour… Personne ne le soutient, en quoi serait-il capable de gouverner ?
Un jour, dans le monde des hommes, à Shibuya plus exactement, il croise le chemin de Ren, un garçon de 9 ans qui n’a nul part où aller. Voilà peut-être le disciple parfait, aussi borné et explosif que l’ombrageux Kumatetsu !
Pour son quatrième film, Hosoda nous propose cette fois-ci dans une histoire plus tournés vers l’action que son précédent, même s’il en reprend des éléments. Ainsi, Ren pourrait facilement être comparé au père d’Ame et Yuki avant sa rencontre avec sa future femme, personnage en équilibre entre deux mondes, n’appartenant finalement à aucun des deux mais qui va devoir se créer sa propre place un peu en marge des autres.
Ici, Ren, devenu Kyuta dans le monde des Bêtes, reste avant tout un humain, une espèce connue pour sa faiblesse et son instabilité, capable d’être envahie par les ténèbres les plus noires et les plus dangereuses. L’enfant perdu ne peut alors que se retrouver dans le personnage de Kumatetsu, aussi solitaire et abandonné que lui, ne connaissant que la colère, ne pouvant compter que sur lui-même. Bien évidemment, chacun des deux a quelque chose à apporter à l’autre et si les débuts de leur relation sont agités, ils parviennent petit à petit à s’adapter l’un à l’autre, trouvant leurs marques et leur rythme, s’apprivoisant au fil des disputes et des entraînements. Leur relation explosive est drôle et bourrée de tendresse au delà des mots doux qu’ils s’envoient à longueur de journée et le réalisateur parvient à créer quelque chose de fort sans avoir besoin de nous égrainer toutes les années qui passent. Mais la relation maître à élève ne peut être éternelle et vient évidemment un moment où l’enfant devient un adulte désireux de s’émanciper et de trouver sa propre voie.
On retrouve ainsi ce que le réalisateur avait déjà en partie exploré dans Les enfants loups. Mais là où c’est la mère qui avait le premier rôle dans ce précédent film, avec Hana prête à tous les combats pour donner un avenir à ses enfants, c’est ici plutôt la relation père-fils, que Ren n’a jamais connue et qu’il trouve en quelque sorte en tant que Kyuta dans une famille qu’il s’est choisi, qui est explorée, avec ses ratés, ses failles, ses doutes et ses épreuves à surmonter pour que le fils devienne un homme à son tour, prêt à sortir de l’ombre d’un père jamais parfait, parfois absent, souvent maladroit mais aimant à sa façon.
Au delà de ces thèmes familiaux, Le Garçon et la Bête est avant tout un film fun et énergique, où Hosoda peut s’amuser à mettre en scène des combats, bagarres et autres bastons où le susceptible Kumatetsu fait son possible pour enfin triompher de son adversaire idolâtré de tous là où lui n’a jamais eu personne pour le soutenir.
L’ensemble est rythmé, efficace, souvent drôle, avec quelques petites pointes d’émotion, une belle galerie de personnages attachants et bien développés (il y a toujours un personnage féminin fort chez Hosoda par exemple).
Pour le coup, si le monde des Bêtes et celui des hommes sont liés, ce sont les humains, pas du tout au courant de la proximité de leur voisinage Bestial, qui passent pour les faibles et les fragiles, porteurs d’une faille sombre pouvant les transformer à tout moment en danger pour le reste de leur communauté. Raison pour laquelle les Bêtes évitent de les fréquenter histoire de se tenir loin de leurs accablants et éternels problèmes de haine.
Si les Bêtes connaissent la colère comme le prouve constamment Kumatetsu, elle n’est jamais teintée de méchanceté contrairement à la rage humaine, capable des pires horreurs là où leurs homologues poilus savent se retenir et ne pas franchir les limites. On peut évidemment se demander qui est le plus à même d’être qualifié de monstre bestial ici…
Le Garçon et la Bête joue donc moins sur le registre de l’émotion que Les enfants loups, mais plutôt sur l’action et l’aventure. Mais le chemin de vie de Ren et les choix qu’il doit faire font écho à ceux d’Ame et Yuki, comme si le réalisateur traitait un peu du même sujet mais d’un autre point de vue avec un autre style.
Voilà un film sympathique, attachant, équilibré et plutôt riche, prouvant une fois encore que Mamoru Hosoda sait raconter de belles histoires avec intelligence, humour et inventivité.