Volume unique par Joe Hill et Charles Paul Wilson III, éditée en VF par Milady, 175x265mm, 204 pages, 19,90€, sorti le 23 octobre 2015.
Après l’excellente série Locke & Key, Joe Hill revient chez Milady Graphics avec un one-shot illustré par Charles Paul Wilson III, Sans issue : Bienvenue à Christmasland. Oui, c’est une chronique de circonstance mais évitez peut-être la lecture du comics en question pendant le réveillon : ça n’ouvre pas trop l’appétit à moins de s’appeler Hannibal Lecter…
Si vous croisez cette voiture, une Rolls Royce Wraith début XXe siècle, ne montez pas dedans. L’homme qui la conduit vous fera peut-être mille promesses sur le monde enchanteur où il vous emmène mais ce sera un aller simple. Et les habitants de Christmasland ont un sens de l’hospitalité assez particulier : ne cherchez pas le Père Noël, le seul bonhomme en rouge que vous croiserez sera en fait couvert de sang !
L’univers de Sans issue est à la base une création de Joe Hill dans son roman Nosfera2 (sorti chez J’ai lu le 11 novembre 2015). Un univers ici transposé en version comics pour une histoire complète mettant en scène le fameux Charles Manx et sa Wraith…
Christmasland est censé être le nom d’un parc d’attractions tel qu’en rêvent les enfants : joie et bonheur partout, manèges et bonbons à gogo. Mais tout le monde n’a pas les mêmes rêves et ceux qui se forment dans l’esprit de Charles Manx depuis bien trop longtemps ne pourront plaire qu’à lui vu ce qu’il y fait subir à ses invités.
Pour autant, on n’est pas là face à un “méchant” ordinaire : il a un sens de la justice très développé quoiqu’un peu excessif. Il ne ferait pas de mal à un enfant et gare à celui ou celle qui croisera son chemin avec un passif un peu chargé avec la jeunesse : même l’enfer lui paraîtra doux par rapport à ce que Manx lui réserve.
Les enfants sont ses protégés mais oubliez tout de suite l’innocence et la candeur du jeune âge : les bambins de l’univers onirique de Manx ont la fâcheuse habitude d’aimer jouer avec des objets tranchants, surtout si c’est pour l’enfoncer dans le corps d’adultes peu recommandables. Ainsi, les prisonniers qui se retrouvent presque par hasard dans la Rolls Royce Wraith bien aimée de l’imaginatif chauffeur risquent de rapidement regretter les murs froids de leur cellule et la légendaire convivialité de leurs compagnons de fortune. Leur survie est des plus incertaine et même la fuite semble impossible dans un univers fantasmé par un tel esprit démoniaque adepte des punitions expéditives.
Il faut dire que Manx n’a pas eu la vie facile et que très jeune, il a dû faire face à l’horreur. Le sang et le meurtre ont vite fait leur apparition dans son existence et même s’il semblait avoir réussi à remonter la pente et trouver une certaine stabilité en tant qu’adulte, la mesquinerie et la médiocrité de ses congénères humains ont eu tôt fait de le plonger dans une spirale sans retour possible vers la réalité.
Sans issue porte bien son nom. Une fois malheureusement arrivé à Christmasland, vous n’avez à peu près aucune chance de pouvoir en sortir. Le sang coule à flot et le dessinateur Charles Paul Wilson III n’a pas son pareil pour faire ressentir la douleur et la folie qui s’infiltrent petit à petit et ressortent par bouffés délirantes lors des courses poursuites des personnages face à une horde de gamins armés jusqu’aux dents… Dents qu’ils ont très aiguisés qui plus est.
Bref, Christmasland est au parc d’attractions ce que Chucky est à la poupée : un cauchemar né de la rencontre de l’enfance et de l’horreur, de l’innocence et de la pourriture humaine. Car les monstres ne sont pas forcément ceux qu’on croit : tout ce qui sort de l’esprit dérangé de Manx n’est que le fruit pourri de l’humanité, dans tout ce qu’elle a de violent, de mauvais, de malsain, de perverti et de sombre. Christmasland n’existerait pas si l’humain ne se laissait pas si facilement emporter par ses faiblesses et ses démons en se fichant royalement des conséquences de ses actes.
Le rythme est intense, prenant, et si l’histoire et l’ambiance sont plutôt glauques et pesantes, certains personnages moins damnés que d’autres apportent une petite touche d’humour et de lumière dans cette grande mare de sang.
L’épilogue est une nouvelle illustrée qui apporte son lot de révélations et de liens entre divers protagonistes, rendant le personnage de Manx encore plus diabolique et impitoyable.
Voilà en tout cas un one-shot d’horreur impressionnant et viscéralement prenant, qui saura vous effrayer et vous questionner sur l’âme humaine et ses travers, ses failles et son pouvoir. Jusqu’où serez-vous prêts à plonger aux côtés de Charles Manx ? Les chérubins de Christmasland sont-ils des victimes ou des bourreaux ? L’âme humaine la plus pourrie mérite-t-elle la moindre rédemption ?
Le « hasard » de mes listes a fait que je l’ai lu le 23 😀 Je ne me suis pas tout de suite rendu compte du lien avec Noël et en tout état de cause, cet horrible monde n’a pas hanté mes rêves. La lecture était donc « plaisante », j’aime beaucoup les personnages d’Agnes et du professeur dont j’ai oublié le nom (bon, c’était les 2 seuls recommandables et vivants) ainsi que l’humour noir et absurde. J’ai un peu redouté la nouvelle illustrée mais en fait, elle est très fine, se lit bien et apporte beaucoup d’éclairage.
Je n’ai pas lu que du bien sur ce one-shot, censément trop obscur quand on ne connaît pas Nosfera2 mais j’ai bien aimé. Ce n’est pas du niveau de Locke & Key et ça ne m’a pas plongée dans une réflexion infinie, mais c’était chouette et intelligent.