Film d’animation de Benoît Philippn et Alexandre Heboyan, 1h26.
Sortie prévue au cinéma en France le 14 octobre 2015.
Venus à l’édition 2014 pour présenter l’avancement de leur projet, Benoît Philippon et Aton Soudache reviennent cette année avec toute l’équipe pour une avant-première de Mune, en compétition officielle.
Voici un monde unique, où le soleil et la lune se partagent la planète, grâce à leurs gardiens respectifs qui les guident depuis leur temple. Il est temps pour la nouvelle génération de prendre la relève de l’ancienne. Le charismatique Sohonne est désigné gardien du soleil. Mais là où tout le monde attendait Leeyoon comme gardien de la lune, c’est en fait le jeune et espiègle faune Mune qui est choisi contre son gré. Commence alors le difficile apprentissage des nouveaux gardiens, finalement pas du tout préparés à ce qui les attend…
Sept ans. C’est le temps qu’il a fallu pour monter le film. Au départ, il y a Benoît Philippon, venant du cinéma de prises de vues réelles, qui envoie les 100 pages de son scénario à Aton Egoyan producteur. N’y connaissant rien en animation, il ne se voit pas réaliser le film mais vu l’univers particulier développé, il lui est conseillé de prendre aussi cette casquette. Il propose alors à Benoît Philippon, qu’il connaît par des amis communs au Gobelins, de quitter Dreamworks où il travaille alors sur Kung Fu Panda pour coréaliser avec lui. Tout ça date de 2008…
Sept ans plus tard donc, le film est enfin fini, déjà sorti en Italie et en Russie et prévu pour le 14 octobre en France. Est-ce que tout cela valait la peine ?
Très clairement, oui ! J’étais l’année dernière un peu perplexe face au scénario du film qui me paraissait très binaire : le soleil d’un côté, la lune de l’autre. Mais à partir de cette base, ils réussissent à proposer une lecture nettement plus nuancée. Car si effectivement, cette planète ne semble avoir que deux “facettes”, ne serait-ce que la présence de Cire, l’élément féminin du film (le seul, certes, mais qui a son importance), habitante de l’aube et du crépuscule (la chaleur du jour la fait fondre, le froid de la nuit la gèle), apporte d’office un peu plus de finesse.
Qui plus est, le manichéisme n’apparaît que si on se la joue basiquement gentil contre méchant. Or, ici, le jour et la nuit ne s’opposent pas mais apportent un équilibre, une harmonie à la planète, et la mission des gardiens est surtout de veiller à ça.
Tout est d’ailleurs question d’équilibre dans ce film : si Sohonne est le playboy grande gueule arrogant, on oublie vite l’antipathie qu’il pouvait évoquer au départ grâce à sa vaillance, sa force, son engagement, sa sincérité (et il faut reconnaître que la voix d’Omar Sy, que les réalisateurs rêvaient d’avoir, remplit parfaitement ce rôle). Et le voir tout dépité parce que la seule chose qu’il a bossé pour son rôle de gardien, c’est le lancer de harpon et qu’on lui parle de physique quantique est hilarant…
Mune, lui, pourrait être le gamin frêle tout timide qui n’ose rien, c’est surtout un jeunot facétieux qui n’a encore eu aucune responsabilité à affronter, n’a jamais eu personne pour l’encourager vers quelque chose et va au travers de ce nouveau rôle de gardien dont il ne voulait pas découvrir l’importance de se battre pour ce qui compte. Cela peut sembler très classique dit comme ça, mais c’est amené efficacement, graduellement, avec suffisamment de péripéties en cours de route pour que le tout passe sans souci, sans impression de déjà-vu ou de réchauffé.
Mais il faut reconnaître que le tout premier point fort du film, c’est son univers, notamment visuel. Une merveille. Les réalisateurs appellent ça de la 3D stylisée, jouant plus sur les couleurs et les textures que sur les volumes. Le monde de Mune est coloré, inventif, détaillé, bourré d’idées. Chaque personnage a son propre style, sa propre texture, la roche, la fourrure, la cire, la lave, avec un rendu personnel pour chaque et un design accrocheur et travaillé (signé notamment Nicolas Marlet, character designer de Dragons). Et pourtant, s’il y a des personnages si différents, certains plus cartoon, d’autres plutôt volumes (très très belle 3D), tout garde sa cohérence, son homogénéité, par un très bon travail sur les lumières, les couleurs. Cela ne choque absolument pas, tout est fluide et agréable à l’œil.
Les temples également, de la lune et du soleil, sont magnifiques, majestueux, impressionnants. Ils souhaitaient le même genre d’impact visuel que pour la scène d’ouverture du Château ambulant de Miyazaki où la demeure de Hauru sort de la brumes. Et cette idée de les faire tirer leur astre respectif est simple mais brillante.
Évidemment, l’univers de Miyazaki est une référence. Mais une référence qui enrichit plutôt qu’elle étouffe. Le but était de proposer tout de même leur propre touche personnelle. Bien sûr, dès qu’on voit les araignées de la lune, on pense immédiatement aux noiraudes de Totoro ou Chihiro. Ils le concèdent bien volontiers et voulaient ainsi rendre hommage à un des maîtres de l’animation japonaise.
Ainsi, le film est extrêmement rythmé et si sa trame reste classique, elle est développée avec beaucoup d’idées et d’inventivité qui permettent de plonger dans le film. Ils souhaitaient garder les fondamentaux des contes pour enfants, Mune étant destiné à toute la famille. On a ainsi un méchant qui pour une fois ne se la joue pas comique. Pour ça il y a deux diablotins dont c’est précisément le rôle sans qu’ils soient une gêne ou un détail répétitif qui plombe le rythme.
Car oui, bien évidemment, il y a des méchants… mais pas si manichéens que ça non plus. Ils ne sont pas méchants par essence, c’est plutôt né du ressentiment, de la jalousie, de la colère, comme des petites graines qui peuvent germer chez tout le monde pour peu qu’on titille un peu nos mauvais côtés. Ainsi personne n’est vraiment à l’abri de basculer…
L’ambition était de proposer un film grand public ET créatif. Deux facettes de l’animation qui ont souvent du mal à cohabiter. Le pari est ici entièrement réussi et on passe un excellent moment, drôle, attachant, tendre, touchant, avec ses moments de bravoure, d’autres terriblement mignons (entre les araignées et l’espère de mouton de la lune, mon cœur balance) sans oublier une musique de Bruno Coulais qui s’accorde parfaitement au style fin et élégant du film.
Le design des personnages, les décors colorés et vibrant d’énergie, l’animation parfaite, l’univers développé passionnant et foisonnant, touchant à l’enfance, à l’onirisme (le design du monde des rêves est très bien trouvé !), le traitement de la transmission entre les générations (les anciens gardiens sont poilants), d’un équilibre à trouver et faire perdurer… tout concourt à faire de ce film une réussite qui a de la gueule.
Il est d’ailleurs vendu déjà partout dans le monde, et devrait sortir aux États-Unis par exemple en janvier 2016.
Toute l’équipe parlait de coup de cœur de leur part pour ce projet et désormais, je partage ce point de vue. Oui un coup de cœur pour un joli film.
Donc à partir du 14 octobre, si vous voulez passer un bon moment, y compris avec vos bambins, vous devriez trouver de quoi satisfaire votre curiosité…