Quatrième jour, je commence à bien sentir la fatigue malgré le peu de séances que je fais.
9h : N’étant pas hyper pressée ce matin, je prends le temps de commander un petit rooibos à emporter au Largo avant de prendre ma place par terre aux petits dej du court. Je trouve toujours assez rigolo d’établir comme ça une routine sur le Festival et d’y retrouver régulièrement les mêmes têtes.
Pas grand-chose à dire sur ces rencontres, je garde juste en mémoire ce qui pourrait m’être utile pour mon billet récap des courts métrages intéressants.
Et comme ma première séance est à 11h15, j’ai largement le temps d’écouter les réalisateurs jusqu’au bout, avec les habitués (toujours à peu près les mêmes) qui posent leurs questions, avec un en particulier qui, à chaque fois, a des questions tellement longues que les réalisateurs galèrent comme pas possible pour répondre.
Et pendant ce temps, le tableau se remplit des dessins des invités…
Je sors tranquillement, pour une fois, pas besoin de courir. Petit tour à BD Fugue, ah tiens, il a l’air bien ce bouquin. Puis je vais me prendre un jus d’oranges pressées et un bout de cake aux fruits confits, histoire de tenir encore un peu. Je ne sais pas trop quand je mangerai alors dans le doute… Direction, la salle Pierre Lamy pour un Work in progress, c’est-à-dire une conférence des membres de l’équipe d’un long métrage qui nous parle du travail en cours.
J’arrive, oh cool, personne ne fait la queue ? Ah non, je regardais du mauvais côté. Oh… OK. Bien fait de sortir le chapeau aujourd’hui.
Dans la file, une tête ne m’est pas inconnue, même si je suis la pire physionomiste du monde. Je me lance quand même… “Euh, Cloneweb ?” “Oui ?” “Mangaverse !!” “Ah !!”. On discute quelques minutes, lui aussi commence à sentir la fatigue mais il en fait nettement plus que moi et a des nuits très courtes depuis quelques jours.
OK, je suis une mauviette. And so what ?!
Je repars faire la queue, profitant du Thiou qui passe juste en dessous de nous pour avoir un peu de frais, regardant les hirondelles en pleine chasse et observant que ce fichu foulque a ENCORE fait son nid dans un coin qui va être dézingué au prochain gros orage. Chaque année…
11h10, on commence à bouger, et la file avec réservation va effectivement très vite. Me voilà rapidement installée, et bien en plus de ça. Deuxième rang, en bout de rangée (TOU-JOURS !).
Arrivent les intervenants, Seiji Okuda producteur et Yohann Comte de Gaumont International, ainsi que la traductrice et le modérateur Dimitri Granovsky, qui sont là pour nous présenter Bakemono no ko – The Boy and the Beast, le prochain film de Mamoru Hosoda (La traversée du temps, Summer Wars, Les enfants loups, Ame & Yuki) qui devrait sortir le 13 janvier 2016 en France.
Seiji Okuda commence par se présenter. Producteur, il a beaucoup travaillé avec le studio Ghibli. Et nous livre une anecdote concernant Le voyage de Chihiro : le père qui se transforme en cochon, c’était plus ou moins lui, tandis que sa fille Chiaki a servi de modèle pour le personnage de Chihiro. Miyazaki disait qu’avec un père pareil, la pauvre enfant était mal partie dans la vie et qu’il lui fallait bien un film pour la guider dans son éducation 🙂 (Heureusement, Chiaki a 26 ans et va très bien…).
Il travaille avec Mamoru Hosoda depuis quelques années et a notamment déjà produit Ame & Yuki.
Yohann Comte est lui un grand fan d’animation japonaise depuis toujours. Il y a deux ans, il a contacté Mamoru Hosoda pour voir s’il y avait moyen de travailler avec lui, sachant que jusque-là Gaumont ne s’est jamais impliqué dans le cinéma d’animation asiatique. Ce sera avec The Boy and the Beast la première fois qu’ils distribuent ce genre de films (il y avait eu certes un précédent, quand Gaumont avec Disney distribuait Ghibli sous le nom Gaumont Buena Vista). En fait, il explique voir dans le partenariat entre Gaumont et le studio Chizu de Hosoda, à une autre échelle, le même type de relation qu’entre Disney et Ghibli.
Après cette présentation, on commence à en savoir plus sur le film. Notamment visuellement avec des model sheets des personnages.
The Boy and the Beast, c’est l’histoire d’un garçon de 9 ans, abandonné par son père tandis que sa mère décède (remarquons que les enfants chez Hosoda commencent bien leur vie). Refusant d’aller en famille d’accueil, il erre dans Shibuya et découvre Jutengai, un autre monde, celui des Bêtes, ou Bakemono. L’une d’entre elles, Kumatetsu va faire du gamin, prénommé Kyuta, son apprenti et lui apprendre l’art du combat. Ce n’est pas totalement innocent car Kumatetsu veut devenir le seigneur de Jutengai et pour ça, il doit enseigner. Mais son rival, Iozen, brigue le même poste et c’est lors d’un grand combat dans une gigantesque arène qu’ils doivent se départager.
Autant Iozen est noble, charismatique, beau gosse (même s’il a une tête de sanglier), autant Kumatetsu est rustre, impoli, bourru. Ainsi, l’apprentissage se fera dans les deux sens : si la Bête apprend au garçon à se battre et à survivre, ce dernier lui apporte stabilité et contrôle de lui-même.
Il semble ainsi y avoir tout un pan de l’histoire basé sur cette idée de transmission de savoir et d’apprentissage au delà de la hiérarchie et des âges.
Il faut dire que Mamoru Hosoda a eu un fils récemment, voilà qui lui a donné la motivation pour ce film.
De plus, c’est un grand fan de Karaté Kid et il voulait reprendre ce côté de l’histoire de l’apprentissage d’un enfant qui finit par dépasser son maître.
Mais l’enfant grandit, les années passent, les saisons défilent et quand commence à se profiler l’âge adulte, Kyuta devra sans doute choisir…
Niveau décor, ce qu’on nous présente semble vraiment beau.
D’un côté, Shibuya, le monde des humains, des adultes, sombre, pressé, rude, technologique. On le voit au travers du regard de Kyuta, donc celui d’un enfant, qui craint et fuit cet univers.
De l’autre, Jutengai, en fait le monde des enfants, de la famille, bien plus lumineux, coloré. L’équipe est allée à Marrakech pour s’inspirer. Le Maroc pour les Japonais, c’est exotique, les lumières et les couleurs y sont très intéressantes à utiliser dans un film.
On nous explique que le storyboard a été fait entièrement par Mamoru Hosoda, seul, sur près de 650 pages. Il n’y a pas encore de titre français de décidé, ils devraient pouvoir d’abord voir le film avant. Mais le titre anglais The Boy and the Beast est une référence directe à La belle et la bête, que Hosoda apprécie beaucoup.
Nous avons alors enfin la chance de pouvoir voir le film promotionnel (qui, si j’ai bien suivi, a été présenté lundi au Japon). On retrouve le style Hosoda et impossible d’ailleurs de ne pas penser à Ame & Yuki. Okuda le reconnaît d’ailleurs après la projection : on retrouve une famille atypique (dans A&Y, une veuve qui élève ses enfants-loups, dans TB&TB, un garçon élevé par une bête), et il y a de nouveau confrontation entre les animaux et les humains. D’ailleurs, Kyuda adulte ressemble beaucoup au père loup dans Ame & Yuki.
Le film devrait faire 1h50. Gaumont prévoit une bonne distribution, dans les 200 copies, 6 fois plus que pour Ame & Yuki (on est en effet loin des 30 copies de certains films d’animation japonais en France). Ils sortiront évidemment en priorité la version doublée pour attirer le grand public, qui ne connaît pas encore forcément Mamoru Hosoda (Seiji Okuda expliquait que selon lui, le réalisateur était actuellement au Japon au niveau de popularité qu’avait Miyazaki juste avant Princesse Mononoke). Mais comptent également proposer un certain nombre de copies en VOST par respect pour le réalisateur.
Voilà qui clôt ce WIP très intéressant et prometteur. Je ne louperai évidemment pas ça à partir du 13 janvier (si possible).
12h35, je sors et pars manger de bonnes petites potatoes/salade. Simple et efficace.
Décidément, j’ai bien fait de changer mes réservations hier soir. Normalement, je devais avoir une séance à 14h et une à 16h mais j’ai finalement annulé un film vendredi matin pour me permettre de rentrer plus tôt cet après-midi. Sage décision.
Je retourne sur Bonlieu, me ruine à BD Fugue, hallucine sur la queue pour la dédicace de Pierre Coffin et Kyle Balda (Les Minions sont diffusés en avant-première ce soir) et décide de prendre quelques minutes au calme à la bibliothèque. En plus, il y a un bon wifi, ça pourrait me permettre d’envoyer des pho… Ah non. Jamais réussi à me connecter à ce fichu réseau. Décidément, le wifi et Annecy, c’est pas ça !!
13h45, autant aller s’installer dans la grande salle pour mes courts métrages n°4. Ah ? Je pensais que la salle serait déjà remplie, je suis presque la première à y entrer. Bien fait d’y aller tranquille.
Et bien fait d’y aller tout court !! 33 points sur 45, et même le premier 5/5 que je donne cette année ! En fait, s’il n’y avait pas eu ce fichu court métrage polonais de 18 minutes pour casser l’ambiance, ça aurait été assez génial. Et 18 minutes, je peux vous dire que ça semble TRÈS long, surtout avec un foutu violoncelle qui grince tout le long et des flash lumineux qui vous bousillent les yeux.
Mais en dehors de ça, si certains courts étaient passables, d’autres étaient vraiment très bons et j’en parlerai sans aucun doute dans ma récap. Tout en espérant qu’au moins un reçoive un prix samedi soir… J’ai hâte en tout cas d’aller aux petits dej du courts demain matin pour en savoir plus (dommage que mon préféré soit passé en premier, je vais louper une bonne partie du passage de sa réalisatrice).
Je sens néanmoins que ma résistance aux stimulations commence à se fissurer : je ressens bien plus la chaleur qu’hier, les lumières m’agressent très vite, et mes voisins de siège, avec leur rongement d’ongles et leur addiction au portable, me tapent sur les nerfs en moins de 30 secondes. Allez plus qu’une journée (et peut-être une séance samedi matin), ça devrait aller !!