Volume unique par Scott Snyder et Sean Murphy, édité en VF par Urban Comics en janvier 2015, 185x285mm, 240 pages, 22,50€.
Après leur collaboration sur le premier tome d’American Vampire Legacy, Scott Snyder et Sean Murphy se retrouvent pour une mini-série de 10 chapitres à découvrir chez Urban comics, The Wake.
2014, au large des côtes de l’état de Washington. Lee Archer, cétologue, discute avec son fils quand un hélicoptère de la sécurité intérieure vient la chercher. L’agent Astor Cruz veut l’emmener sur une base au large de l’Alaska pour lui faire étudier un signal sonore capté dans les profondeurs. Mais le signal n’est que la partie émergée de l’iceberg et ce qu’elle va devoir affronter est plus invraisemblable que tout ce qu’elle avait pu imaginer…
Pas évident de chroniquer ce titre sans trop en dire. Car l’intrigue est fournie, passionnante et mérite d’être découverte au fil de la lecture. On peut tout de même dire qu’il y a deux parties bien distinctes.
La première lorgne du côté de Abyss (film que je connais par cœur alors forcément…) mais en version plus horrifique. Un huis-clos océanique sous deux kilomètres d’eau, blindé à l’adrénaline, où ce qui ne devait être qu’une étude sur une extraordinaire découverte devient une course contre la mort, où le sang gicle dans les couloirs d’accès d’une station sous-marine, où les personnages tombent comme des mouches, où l’espoir ne concerne pas la survie mais la manière dont on va y passer. Le rythme est haletant l’ambiance sombre, la lumière ne filtre pas si profond et le danger est permanent, inconnu, illimité, et totalement incompris.
Au milieu de cette course-poursuite pour quelques minutes de vie en plus, les auteurs intercalent alors des scènes d’un très lointain passé, aux origines de l’Humanité. Et au lieu de casser le rythme de lecture, ces petits bouts d’histoire à côté créent un suspense supplémentaire, permettent un rebond une reprise de souffle pour courir encore plus vite la page suivante.
Cette première partie est du grand art, de bout en bout, narrativement, scénaristiquement, graphiquement, nous plongeant à fond dans une histoire intense où les questions s’enchaînent avec quelques bouts de réponse, sans jamais pour autant perdre ou égarer, tenant le lecteur en haleine.
Comme il est dit dans la préface, The Wake, ça peut vouloir dire Le deuil.
Mais ça peut aussi vouloir dire L’éveil.
Ouverture de la deuxième partie, 200 ans plus tard (le spoiler est minime, on le sait dès les toutes premières pages), où on quitte cette fois-ci le récit haletant horrifique pour passer plutôt dans un style aventure SF. À l’air libre, ce qui est plutôt agréable après 120 pages dans le noir des profondeurs.
Une deuxième partie qui nous propose de reprendre toutes les pièces du puzzle savamment dispersées dans les pages précédentes, tout en ajoutant de nouvelles, pour petit à petit les placer, et donner forme à l’idée maîtresse du récit.
Forcément, cette partie est peut-être moins prenante, un peu brouillonne même côté narration sur certaines pages (je pense à la partie Écumeurs avec le capitaine Sainte Croix qui me paraît un peu bancale) mais face à une telle montée en puissance dans la première moitié, les auteurs ont préféré changer totalement de style pour révéler les réponses. Donnant alors lieu à une mise en images d’une autre Terre, portant les stigmates des siècles passés, avec tout de même une bonne dose d’originalité et d’imagination, surtout sous le crayon de Sean Murphy, incroyable dessinateur qui sait donner vie à l’impossible, comme on a déjà pu le voir dans Joe l’aventure intérieure ou Punk Rock Jesus.
Et si les scénarios de Scott Snyder ne m’ont pas toujours séduite, je pense à Severed, son apparente fascination pour les créatures issues de nos cauchemars a tout de même de quoi accrocher, tant il sait créer des êtres intrigants, perturbants et pourtant vraisemblables.
L’histoire mise en scène par Snyder et Murphy est très ambitieuse, s’attachant notamment aux origines de l’Humanité, sujet assez casse-gueule et en soi longuement rabâché par divers auteurs de SF depuis des années. Voilà qui apporte un défi supplémentaire et si tout n’est sans doute pas parfait dans The Wake, je trouve les idées proposées par le duo particulièrement intéressantes et originales, avec même une part de poésie absolue dans l’utilisation d’une de nos spécificités corporelles.
Cela donne un ensemble particulièrement riche et plutôt cohérent, alliant plusieurs genres, du gore, du stress, du huis-clos, de la SF, de l’aventure, avec toujours des personnages travaillés et complexes – même si on aurait aimé pour certains aller un peu plus loin – tout cela mis en scène avec efficacité, dynamisme, même quelques pointes d’humour, et un fond qui donne envie de réfléchir, de jouer avec les idées proposées, d’imaginer un peu plus loin, de laisser l’esprit vagabonder en s’accrochant à ce que cette histoire peut nous faire ressentir.
Inutile de dire que ce serait dommage de louper ça…
À noter que dans une interview d’avril 2013, les deux compères ont laissé entendre qu’il y avait possibilité qu’ils retournent dans ce monde qu’ils avaient créé, qu’il y avait largement de quoi faire. Please, guys !!
Pas aussi conquis que toi mais content que ça t’aie plu.
Les prochains albums de Sean Murphy devraient être Chrononauts avec Mark Millar au scénario (qui débute actuellement aux EU) et ensuite Tokyo Ghost avec Rick Remender.
Deux projets de sf dont les previews sont graphiquement à tomber.