Volume unique par Tetsuya Toyoda, édité en VF par Ki-oon, en VO par Kodansha.
Sens de lecture japonais, 170x240mm, 14,00€.
Après avoir découvert le travail de Tetsuya Toyoda avec Undercurrent chez Kana, Ki-oon a pris la relève pour nous proposer le recueil Goggles et désormais Coffee Time, autre recueil sorti en 2008 au Japon. Cette collection Latitudes de l’éditeur me plaît décidément toujours autant…
Là où Goggles comptait 6 histoires pour 230 pages, Coffee Time en propose 17 sur 200 pages. On a donc droit à des chapitres souvent très courts, qui s’étalent sur quelques minutes bien souvent, le temps d’une tasse de café. Il ne faut donc pas s’attendre à des histoires complètes très construites, mais plutôt à de petites pages du quotidien, parfois très légères, d’autres fois plus dramatiques, voire totalement surréalistes, absurdes, qui nous font juste entrevoir au delà de la surface des choses, pendant un bref instant.
Au fil des pages, on assiste à la rencontre, aux discussions brèves de divers personnages, dont le détective Yamazaki, déjà vu dans Undercurrent ou Goggles. C’est une récurrence chez Toyoda, il aime créer une galerie de personnages qu’il fait revenir de temps à autre au fil de diverses histoires, créant des liens entre eux, renforçant d’autant plus le côté chaleureux, presque familial de ses œuvres. Même lorsqu’il décrit des moments difficiles, il distille toujours un brin d’humour, de dérision, un peu de tendresse qui évitent toute lourdeur, toute tentative de pathos.
Il y a un petit quelque chose de frustrant à la fin de chaque chapitre vu qu’il s’arrête souvent d’un coup, laissant alors ses personnages continuer leur vie sans témoin, sans que leur conversation ne soit forcément finie, sans que les questions aient forcément eu leur réponse. Mais il y a également en contrepartie quelque chose de profondément poétique qui se dégage de ces quelques minutes que l’on partage avec eux, presque à la sauvette. L’image de ces tasses de café partagées en est d’autant plus bien trouvée qu’elle correspond tout à fait à l’impression laissée : on assiste juste à quelques minutes “volées” à l’intimité de ces gens, comme ça, comme le temps d’une pause quand on s’arrête quelques instants pour, en simples spectateurs sirotant un café, regarder le monde autour de nous continuer à tourner. Cela donne une impression de totale sérénité aussi bien face à de potentiels drames que face à des situations drôles, anodines, tirées d’un quotidien simple.
Il n’y a jamais rien de glorieux dans les personnages de Toyoda, simples acteurs de leur vie sans héroïsme exacerbé ou coups d’éclats remarquables. C’est un peu comme cette citation d’André Gide qui ouvre tous les mangas de Fumiyo Kouno “Je ne me suis jamais senti grand goût pour portraire les triomphants et les glorieux de ce monde, mais bien ceux dont la plus vraie gloire est cachée”. C’est justement ce qui donne autant d’humanité et de tendresse à ces individus et à leurs petites histoires personnelles. Ils sont simplement là, balançant leur petit bout de vie bouillonnant d’énergie, d’interrogations, de doutes, de peur, d’humour et souvent de beaucoup d’amour. Et Toyoda parvient à en tirer un tout début d’émotion qu’on peut louper si on cligne des yeux, un petit bout d’humanité qui s’envole si on ne le saisit pas juste avant le mot Fin de chaque chapitre.
Fugace, élégant, très subtil… Vous reprendrez bien un petit café avant de partir ?
Bonjour,
J’ai bien aimé cette oeuvre cependant elle est vraiment spécial car m’a frustré pour certaines histoires dont j’aurais voulu savoir la suite.
J’avais peur de me retrouver avec des histoires superficielles (voire fond de tiroir) mais au final, tout m’a plu 🙂 L’humour absurde un peu plus prononcé que dans Goggles, les personnages récurrents, le petit monde de Toyoda… Un bon petit recueil de nouvelles.
Seul bémol : cet énoooorme format -_- Un bunkô aurait conféré plus de charme à ce dessin pas si détaillé (mais qui me fait énormément penser à du Hiroki Endo).