Film d’animation d’Adam Elliot, 1h32.
Sorti au cinéma le 30 septembre 2009, en DVD le 9 février 2010.
Chronique du 7 octobre 2009.
Changeons un peu d’univers avec cette nouvelle reprise, s’intéressant à un film d’animation assez unique en son genre. Je l’avais loupé lors de sa participation au Festival d’Animation d’Annecy 2009, le voyant alors juste rafler le Grand Prix ex-æquo avec Coraline d’Henry Selick, excellent également. Ne faites donc pas comme moi, ne loupez pas ce petit bijou d’émotion et de délicatesse. Pour en savoir plus, voici ma chronique d’octobre 2009.
Mary & Max. est un film d’animation en pâte à modeler d’Adam Elliot dont les amateurs de court métrage avaient pu déjà voir en 2003 son brillant Harvie Krumpet (que je vous recommande chaudement). Ici, il nous entraîne à la rencontre de deux personnages qui avaient bien peu de chances de se connaître un jour : d’un côté, Mary, australienne de 8 ans vivant dans une petite bourgade miteuse dans la banlieue de Melbourne, de l’autre Max, célibataire new-yorkais quelque peu enrobé de 44 ans, atteint du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. Deux générations, deux continents, mais un amour commun du dessin animé Les Noblets et du chocolat. Et surtout, une incompréhension totale de la société qui les entoure, de ces humains illogiques et incohérents qui se moquent d’eux, les malmènent parce qu’ils sortent un peu du rang. Par hasard, ces deux-là vont se mettre à correspondre à partir de 1976 pendant plus de vingt ans, à coup de lettres décousues, tendres, parfois perturbantes pour l’un ou l’autre. Le monde autour d’eux évolue, change, eux vivent leur petite existence entre petits et gros drames, routine rassurante et lettres porteuses d’amour ou d’angoisse.
Ce que j’aime avec la pâte à modeler, c’est cette sensation de volume, de texture, de concret qui ressort des films s’employant à lui donner vie. Très vite, on se retrouve plongés dans le quotidien de ces deux êtres un peu paumés, mis de côté dans une société qui ne sait pas forcément trop où elle va. Un quotidien simple mais jamais ennuyeux ou répétitif, rempli de petits riens alternant l’hilarant, l’absurde, le dramatique, l’émouvant. Chaque scène est totalement imprévisible, impossible de savoir ce qui va se passer dans leur vie, comment vont filer les années, le tout restant pourtant parfaitement cohérent, jouant la carte de la dérision et de la simplicité un peu absurde du quotidien avec beaucoup d’humanité et de tendresse.
On n’est évidemment pas là face à un film d’action qui bouge beaucoup, tout est basé sur le relationnel, à coups de mots simples qui en fait en disent tellement plus. Quand ce n’est pas Mary ou Max qui lisent leurs lettres, c’est un narrateur qui explique, sans jamais alourdir le récit, souvent avec un humour pince-sans-rire, sachant s’arrêter quand les mots n’apportent rien de plus que l’image, laissant énormément parler les regards, les situations, les multiples détails qui parsèment l’écran à chaque seconde. Ainsi, une des caractéristiques du film est son utilisation des couleurs : noir, blanc, gris et une touche de rouge pour le quotidien new-yorkais de Max, sans doute la manière dont il voit sa vie se dérouler dans sa routine dont il a tant besoin pour se sentir bien, brun et rouge pour la jeune Mary dans son Australie natale un rien crasseuse mais jamais minable ou dégradante. Le rouge permettant dans un monde comme dans l’autre de faire ressortir un détail plus important que les autres, petite touche lumineuse dans la noirceur d’un univers parfois bien sombre mais jamais déprimant ou lourd.
Les mots que s’envoient ces deux amis sont souvent légers, remplis de beaucoup de tendresse un peu maladroite et de chocolat en barres ou en tablettes, mais peuvent parfois être durs et indiscrets, brisant la vie de l’autre dans leur soudaineté, leur force, leur rudesse. Ce ne sont finalement que deux humains imparfaits, comme nous tous, subissant les tracas d’une petite vie ordinaire mais jamais misérable, parfois drôle, parfois sordide. Deux êtres profondément attachants, ne jouant jamais sur le pathos ou le mielleux, ayant du mal à appréhender le monde autour d’eux. Entourés d’une galerie de personnages haute en couleurs, forte en gueule, entre le père taxidermiste d’animaux morts ramassés au bord de la route, la mère alcoolique qui “emprunte” dans les magasins pour économiser les sacs en plastique, la voisine à moitié aveugle adepte de la soupe du dimanche soir, Damien le voisin bègue fan de Mykonos…
Difficile de ne pas les aimer, dans leurs défauts, leurs fêlures, leurs habitudes, leur énorme besoin d’amour, d’amitié, d’acceptation de ce qu’ils sont par les autres envers et contre tout, le film ne jouant jamais la corde de la sensiblerie, mais bourré d’une sensibilité à fleur de peau, d’une justesse subtile, d’une fraîcheur qui vous laisse au fond du cœur une petite boule fragile qu’on a peur de voir exploser et qu’on dorlote des heures après la fin du film, en se remémorant le thème musical qui nous a accompagnés pendant 1h30, petites notes de piano suivies de contrebasse, mélodie légère et fraîche nous laissant quitter la salle des images plein la tête, des émotions plein le cœur.