1 février 2023

Le Festival d’Annecy cru 2019


Cette nouvelle édition du Festival International du Film d’Animation d’Annecy se termine donc sur un bon bilan me concernant. Comme dit l’année dernière, j’allais désormais faire des festivals plus légers, n’ayant plus ni le temps ni l’énergie pour y consacrer toute une semaine non-stop.

MES SÉANCES
J’ai finalement fait 8 séances, consacrant une matinée et deux après-midi à mon travail que je ne pouvais pas laisser en plan toute une semaine. N’ayant pas besoin d’écrire de comptes rendus, j’ai pu me consacrer aux séances sans une quelconque pression, juste en profiter, sachant qu’en rentrant ensuite chez moi, j’allais pouvoir me poser tout de suite. Et c’est tout de suite plus agréable…
J’ai ainsi fait trois séances de courts métrages en compétition, deux longs métrages, un Work in progress, une séance Films de télévision et une consacrée à des réalisateurs japonais, le pays invité cette année.

J’avoue que c’est cette dernière qui me semble la plus oubliable, et pas seulement parce que j’ai passé une bonne partie de la séance à me focaliser sur une fourmi qui me grimpait dessus (traitez-moi de grosse sensible, mais je n’écrase pas les insectes).

Les jeunes réalisateurs japonais

– Les courts des jeunes réalisateurs japonais venus se présenter en début de séance (et apparemment extrêmement stressés) n’étaient pas inintéressants – Pachelbel’s Canon de Keita Onishi m’a même vraiment plu par exemple – mais j’avoue que Kataude – Le bras de Eiichi Yamamoto (réalisateur du film Belladonna) et Gisaburo Oshii, de 30 mn, même si visuellement le dessin était assez fascinant, n’était pas trop ma tasse de thé (la quasi-déification des femmes, j’avoue que ça a tendance à m’agacer).

– Pour les autres séances, pas à me plaindre. Les longs métrages, vous en aurez une chronique pour chaque d’ici peu. Pas forcément positives mais sans regret.

J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

Pas vu le long métrage de Jérémy Clapin J’ai perdu mon corps parce que les horaires de projection ne me le permettaient pas et je le regrette. Il a d’ailleurs reçu le Grand Prix du Festival. Il doit sortir le 6 novembre dans nos cinéma (sur Netflix pour le reste du monde, ce qui m’aurait personnellement plus arrangée mais bon… j’attendrai le DVD).

– Les films de télévision, j’avais ciblé la séance pour adultes, vu que beaucoup de produits télévisuels sont destinés aux enfants et que je préfère faire l’impasse dessus. Pas pour une question de qualité mais simplement que je ne suis pas plus intéressée que ça. Et ma séance était plutôt agréable, avec du Panique au village (sympathique mais pas aussi hilarant que ça a pu l’être), de l’éducation sexuelle avec Nathan Fillion (oui, ceci est un énorme raccourci) et d’autres trucs assez explosifs.

WEATHERING WITH YOU
Le WIP sur Weathering with you, le nouveau film de Makoto Shinkai trois ans après Your Name, était très intéressant. Le réalisateur ne pouvait pas être là, étant en train de finir le film qui doit sortir le 19 juillet au Japon, mais le producteur Genki Kawamura était présent et n’a pas été avare en informations et en images. Il travaille avec Makoto Shinkai depuis Your Name mais le connaissait alors depuis près de 15 ans, après avoir vu son impressionnant Hoshi no koe. Il a également travaillé avec Mamoru Hosoda sur Les enfants loups, Le garçon et la bête et Miraï, ma petite sœur. Rien que ça…


Je ne parlerai pas en détail de tout ce qui nous a été dit durant ce WIP, certaines choses devant rester apparemment secrètes… mais les bandes-annonces et les premières minutes du film (non finalisées), ainsi que les dessins donnent vraiment envie. Comme toujours avec Makoto Shinkai, les décors et les jeux de lumière sont sublimes.

INSTANT RÉFLEXION PERSO
Une réflexion m’est d’ailleurs venue pendant cette séance : n’est-ce pas ironique que tant de films ou de  séries TV mettent en scène des jeunes qui vont devoir sauver le monde, ou du moins prendre une part active dans la protection de leur univers… quand dans la réalité, dès que des jeunes s’engagent, militent, se rebellent, luttent, on les moque, on les méprise, on leur dit de ne pas s’occuper de ça et de retourner à l’école, on considère qu’ils sont forcément manipulés et qu’ils sont trop idiots/immatures pour s’occuper de choses si sérieuses (comme si les adultes ne pouvaient pas être ouvertement manipulés/payés par des lobbies, totalement incapables de comprendre la situation, complètement aveugles aux conséquences de certaines comportements, hein…) ?
Je pense aux manifestations lycéennes et étudiantes (on se plaint que les jeunes ne s’intéressent à rien et se foutent de la politique et dès qu’ils manifestent, on leur ordonne de retourner à l’école…), ou à la jeune Greta Thunberg (qui n’est sans doute pas parfaite mais reste le symbole de quelque chose de vibrant). Parce qu’après tout, s’il y en a bien qui sont concernés par l’avenir du monde, c’est bien les jeunes, non ? (Que des vieux cons de 70 ans n’en aient rien à secouer de l’avenir de la planète, après tout…)
Fin de la parenthèse personnelle.

Bref, je ne sais pas quand sortira ce film chez nous, mais je ne doute pas un instant qu’il arrivera, vu le succès mondial de Your Name (auquel, de leurs aveux même, ils ne s’attendaient pas, un film en prises de vue réelle doit d’ailleurs se faire aux Etats-Unis, toujours avec Kawamura en producteur).

LES COURTS MÉTRAGES
Et puis il y a les courts métrages. Je n’en ai vu que 3 séances sur les 5 en compétition (il y a aussi d’autres programmes de courts métrages, Off Limit, Perspective, pour jeune public) mais pas été déçue. Tous ne m’ont évidemment pas parlé mais la moisson a été bonne.
J’ai l’impression, sans doute fausse, qu’il y avait pas mal de femmes cette année à la réalisation, et c’est toujours une bonne chose, si ça permet de diversifier les discours et les points de vue.
Je retiens quelques films comme :


Girl in the Hallway de Valerie Barnhart (10mn31, Canada) sur un texte de Jamie DeWolf et son témoignage de voisin d’une petite fille maltraitée qui a fini par se faire enlever par un tueur en série, et cette question lancinante : aurais-je pu l’aider ? N’aurais-je pas dû lui ouvrir ma porte ? Ne suis-je pas en partie responsable de sa mort par mon silence ?
Sachant que la réalisatrice a appris l’animation en faisant son film, dans sa cuisine, sans moyen financier, simplement en lisant et en regardant beaucoup de films… ça force le respect.


Je sors acheter des cigarettes d’Osman Cerfon (13mn39, France). Un ado de 12 ans vit avec sa mère et sa grande sœur… et des hommes planqués partout dans l’appart, qui ont tous la même tête. Drôle, vivant et touchant…


My Generation de Ludovic Houplain (8mn04, France), où on fait un travelling arrière sur l’autoroute au travers de toutes les références actuelles, niveau culturel, politique, religieux, etc. Hypnotique et tellement blindé de références que ça mérite plusieurs visionnages.


Nuit chérie de Lia Bertels (13mn43, Belgique). Un ours insomniaque n’arrive pas à hiberner et rencontre un singe qui l’invite à l’accompagner jusqu’au magasin de sa tante pour trouver à manger. Même s’il est situé sur le territoire du terrible yéti, au cri si monstrueux. Un très beau film, drôle et envoûtant, simple et évident, sur les peurs qui nous limitent, la solitude… Vraiment très beau.


The Elephant’s song de Lynn Tomlinson (7mn43, Etats-Unis). L’histoire de la première éléphante de cirque aux Etats-Unis au travers du regard du chien de l’homme qui l’avait faite venir là. Prenant, beau, triste, tragique, évidemment…


Tio Tomás – A contabilidade dos dias de Regina Pessoa (13mn04, Canada, France, Portugal) où la réalisatrice revient sur son oncle qui a été celui qui lui a fait découvrir le dessin, l’art. Un homme perturbé mais toujours là pour elle. Très émouvant, prenant, avec la voix de la réalisatrice elle-même, qui nous plonge ainsi dans ses souvenirs.


Toomas Beneath the Valley of the Wild Wolves de Chintis Lundgren (18mn, Estonie, Croatie, France). Un loup se retrouve au chômage mais n’ose pas l’annoncer à sa famille. Il prend un autre métier, où son physique sexy lui servira beaucoup… tandis que sa femme, enceinte, va vouloir elle s’émanciper. Totalement farfelu, burlesque, un court léger qui fait aussi du bien face à d’autres courts parfois très lourds.

Je regrette d’avoir loupé les deux premières séances de courts métrages en fait, notamment parce que j’aurais aimé voir Têtard de Jean-Claude Rozec dont j’avais adoré La maison de poussière en 2014 (au point d’aller lui parler à la fin des p’tits dej du court à l’époque, c’est dire !). Ou Mémorable de Bruno Collet.
D’ailleurs, plusieurs de ces films ont eu un prix remis lors de la soirée de clôture.
(Et je découvre par un tweet de Miss Gally qu’on peut voir les courts du Festival sur l’appli officielle quand on est accrédité… Magique !!)

Et je trouve formidable la nouveauté de cette année de proposer en live les p’tits dej du court sur Youtube, puis en replay. C’est parfait quand on n’a pas pu y aller… Et puis c’est drôle que chaque année, je retrouve les mêmes têtes à ces rencontres, les mêmes habitués qui suivent assidûment ces rendez-vous.

MON BILAN PERSONNEL
Au final, si j’ai dû changer ma manière de faire cette année, j’en ressors avec un bilan positif. Peut-être aussi qu’avec l’âge, j’apprends à mieux accepter certaines choses qui m’agaçaient auparavant. C’est fort possible et tant mieux. Et même si la météo a été un peu capricieuse – pas mal de pluie – les moments de soleil bienvenus ont quand même évité de tourner en canicule.

Je ne suis pas une créatrice, une autrice. Mais j’aime voir des créatrices et créateurs montrer leurs travaux avec enthousiasme. C’est sans doute pour ça que j’aime autant les courts métrages en fait, et les p’tits dej du court qui leur sont consacrés, car c’est là, je trouve, qu’on peut d’autant mieux ressentir ça, très éloigné des demandes purement financières et commerciales qui ajoutent forcément leurs contraintes et leurs limites comme dans les films de télévision ou les longs métrages (même si là encore, on peut y trouver de belles choses).

Un petit bus Disney en face de l’espace Courier

Même si on ne comprend pas certains films, ou que d’autres nous déplaisent profondément, ou qu’on va parfois chercher loin là où le réalisateur a juste voulu bidouiller des images pour voir… il y a une telle vitalité et une telle inventivité dans ces œuvres que ça me rebooste chaque année en terme de curiosité sur tout.
Voilà, ça c’est pour ma traditionnelle lettre d’amour à ces artistes.

LÀ OÙ ÇA COINCE…
Par contre niveau Festival, je ne sais pas comment on va s’en sortir.
Personnellement, je n’ai pas à me plaindre. Je ne suis jamais intéressée par les grosses séances des avant-premières Dreamworks ou Disney (qui sont prises d’assaut), je ne prends plus trop les trois réservations auxquelles j’ai droit avec mon accréditation et de manière générale, je n’ai aucun souci avec l’organisation. De mon tout petit point de vue, rien à dire.

Les gilets jaunes, hués à leur irruption pendant la Cérémonie d’ouverture, sont toujours là

Mais j’ai entendu plusieurs fois des plaintes là-dessus, liées à une seule chose : le Festival est devenu énorme. Et Annecy reste, malgré l’ego démesuré de certains de ses responsables, une petite ville de province (insupportable l’été avec ses hordes de touristes). Qui a déjà en temps ordinaire d’énormes problèmes de transport, de circulation. Les points d’accès à la ville sont saturés, la seule chose qu’ils toruvent à faire est d’agrandir une autoroute déjà grande, ce qui ne fera qu’ajouter de nouvelles voitures prises dans le goulot d’étranglement des sorties. S’y garer en pleine journée devient rapidement un casse-tête. Quand en plus, on sait que c’est une des villes les plus polluées de France…

Inutile de dire que le Festival n’arrange rien. 10 000 accrédités en 2017, 11 000 en 2018 et apparemment plus de 12 000 cette année. La plus grande salle fait 1000 places mais il n’y en a qu’une. Ensuite, on tombe à 500 places pour une autre et les autres sont de plus en plus petites.
Il n’y a donc fort logiquement pas assez de places pour tout le monde.
J’ai payé mon accréditation Rencontres 210€ en février (elle est plus chère à partir de début avril). Avec, j’ai le droit de réserver 3 séances par jour, sachant que certaines sont complètes seulement 5 minutes après l’ouverture de la billetterie. Certes, des places sont rajoutées normalement dans la semaine mais encore faut-il tomber au bon moment…
Je me doute donc que certains doivent l’avoir un peu mauvaise de payer plus de 200€ pour au final ne pas réussir à voir ce qu’ils souhaitent. Depuis l’arrivée des gros studios à Annecy (ce n’était pas le cas il y a dix ans), c’est devenu un événement très demandé. Les 400 bénévoles ont énormément de travail et des heures qui s’allongent. Sans doute une très grosse pression face à des festivaliers pas forcément très compréhensifs. On ne peut pas faire reposer autant de choses sur eux.
Et niveau communication, tout est fait pour faire venir encore plus de monde, pour faire parler encore plus du Festival. Mais jusqu’à quand ? Quelles seront les limites ?

Le parc de Bonlieu, pratique quand il y a du soleil

Il y avait en projet d’utiliser le complexe du haras (utilisé il y a quelques années quand Bonlieu était en rénovation) pour l’animation, et ce serait bien. Mais si c’est pour le faire en remplacement de Bonlieu et pas en ajout, ça ne changerait rien. Et d’ici à ce que ce soit fait… (si ça se fait un jour…)
Alors, à force de grossir, jusqu’où va aller le Festival ? Ne risque-t-il pas aussi d’oublier que son cœur, ce sont les films et les auteurs, et pas les financiers du Mifa ?

VOYONS 2020
L’édition 2020, du 15 au 20 juin, sera consacrée à l’animation africaine. Je me doute qu’il y a peu de pays d’Afrique ayant une production animée suffisante pour être invités en tant que pays et que c’est sans doute pour ça que c’est un continent entier qui est invité. Mais bon, il y a déjà tellement de gens persuadés que l’Afrique est un pays que je n’ai pu m’empêcher de tiquer en apprenant ça… J’espère en tout cas que ça permettra de découvrir une grande diversité de films.


Sans doute passerai-je en accréditation Festival (trois fois moins chère) l’année prochaine, n’ayant alors plus accès à certaines séances (comme les Work In Progress). Il y aura des choix à faire. Mais je ne peux clairement pas venir plus en touriste que cette année 🙂

3 réflexions sur « Le Festival d’Annecy cru 2019 »

  1. Tes compte-rendus du festival sont toujours aussi intéressants à lire, même s’il n’y en aura donc qu’un cette année et que les journaliers m’ont manqué (mais tu as raison de les avoir arrêtés). Tous les courts cités me donnent vraiment envie de les voir. Ne pouvant plus trop venir début juin sur Annecy (conflit avec le boulot), je suis intéressé par la version best-off qui serait organisée en fin d’année (si j’ai bien compris). On avait ce best-off à Paris en juillet, à une époque, mais elle est bien révolue…

  2. @Herbv Il y a un best-off au forum des images les 3 et 4 juillet 2019 avec 2 longs métrages et 2 sessions de courts métrages primés.

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