8 décembre 2022

Wytches vol. 1

Série en cours par Scott Snyder, Jock et Matt Hollingsworth, éditée en VF par Urban Comics, 170x265mm, 17,50€.
Volume 1 paru le 13/11/15.

Après Severed ou American Vampire, nouvelle incursion dans l’horreur pour Scott Snyder avec Wytches, en compagnie du dessinateur Jock et du coloriste Matt Hollingsworth.

Wytches vol. 1La famille Rooks vient de d’emménager dans une nouvelle ville. Pour prendre un nouveau départ. Les dernières années ont été difficiles, l’accident de la mère, Lucy, qui la laissa dans un fauteuil roulant, le drame subi par la fille, Sailor, tout ça sous les yeux de Charlie, le père, auteur de livres pour enfants quelque peu traumatisé de ne pas avoir réussi à protéger les deux êtres qu’il aime le plus des dangers du monde…
Mais ce nouveau départ près de cette ancienne forêt risque de ne pas apporter la tranquillité attendue : des êtres rôdent dans ces bois, des êtres patients mais qui attendent leur dû…

Si je ne suis pas toujours forcément fan des scénarii de Scott Snyder, je reconnais sans peine qu’il parvient toujours à trouver des idées de départ intéressantes, se réappropriant des mythes pour mieux les détourner, en proposer sa propre version. C’est le cas avec l’ogre de Severed ou les vampires d’American Vampire. Ici, il s’attaque bien évidemment au mythe des sorcières qu’il renomme “wytches” et non “witches”, ce qui donne “sorcyaires” (ou sorcyères dans les postfaces) en version française. La différence n’est pas anodine. Oubliez les balais, les nez crochus, les chats noirs et autres accessoires du folklore habituel : ces créatures-là n’ont rien d’humain. Elles errent, rôdent, à l’abri des regards, attendant patiemment leur heure face à des humains si pleins de failles et de faiblesses.
Car, comme dans The Walking Dead où le vrai danger ne vient finalement pas des zombies mais des survivants humains, ici les sorcyaires ne font que profiter des peurs et des doutes qui habitent chaque homme ou femme. Jusqu’où est-on en effet prêt à aller pour sa propre survie, pour une vie meilleure, plus longue, plus d’argent, plus de pouvoir, moins de peur, moins d’angoisse ? Quel prix est-on prêt à payer pour une existence facile et sans accro ?

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Charlie est père de famille. Il n’a pas été à la hauteur et il le sait. Il n’a pas été là pour sa fille, Sailor, enfant tourmentée et angoissée depuis toujours. Elle se sent coupable d’être ainsi, de ne pas parvenir à être l’enfant parfaite qu’elle pense que ses parents espéraient. Lui culpabilise de ses faiblesses paternelles, perpétuellement inquiet à l’idée qu’il arrive quelque chose à sa fille chérie. La peur gouverne leur vie, mais ils tentent d’y faire face, de s’épauler pour avancer. Après tout, aucun parent ne peut protéger son enfant du monde et de ses multiples dangers, bien loin des monstres dans le placard. Et aucun enfant ne répondra jamais aux attentes démesurées de ses parents, qui doivent l’accepter tel qu’il est.
Interviennent alors les sorcyaires, suite à une promesse… Car elles sont capables de tout vous donner à condition que vous leur promettiez quelqu’un. Elles seront d’autant plus généreuses que le promis sera jeune, et donc plus appétissant…

Ce premier tome est en lui-même déjà un premier arc. Snyder nous plonge dans la psychologie de personnages aussi humains que vous et moi, capables d’actes nobles, de créations fantastiques, tout comme de promesses odieuses et de choix a priori inacceptables. Inacceptables, vraiment ? En grattant un peu la surface du vernis de la société, de la morale… on peut facilement faire passer des choses ignobles pour finalement tolérables. Notre monde fourmille d’exemples. Après tout, la vie demande toujours bien quelques petits sacrifices…
Le scénario de Snyder est plutôt brillant, sombre sans être pesant, notamment grâce au lien puissant qui unit Charlie à Sailor. Un lien qui n’est pas né tout seul, qui s’est forgé au fil des épreuves et des déceptions, maintes fois éprouvé, constamment remis en question. Un lien vibrant d’amour justement parce qu’il est perpétuellement mis à l’épreuve. Les multiples flash-backs pour développer le passif de la famille sont bien gérés et permettent de mieux saisir comment les choses ont pu en arriver là. Tout coule parfaitement.

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Le dessin de Jock, abrupt, le trait cassé, brut, convient particulièrement à l’ambiance, sans besoin d’en faire trop, de jouer avec de l’horrifique gore sans intérêt. On devine, on ressent, on découvre, on avance, la tension monte… et la mise en couleur de Matt Hollingsworth apporte un plus indéniable, par son choix des teintes mais aussi ces tâches, comme des éclaboussures en arrière-plan. Qui bien sûr n’aident pas toujours à saisir tous les détails du dessin mais permettent justement d’apporter une part supplémentaire de mystère, comme des secrets enfouis qui reviennent petit à petit à la surface, se dévoilant peu à peu…

Ce premier tome reprend donc brillamment le thème des sorcières en y apportant un nouveau regard. Snyder y incorpore ses propres peurs de père, d’angoissé chronique, nous proposant ainsi une histoire forte, profonde et sincère, d’autant plus effrayante qu’elle parle à notre propre part d’ombres.
Il n’y a plus qu’à attendre avec impatience le prochain tome, loin d’être sorti aux US, qui devrait prendre une nouvelle direction tout aussi intéressante…

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