Volume unique par Hitoshi Iwaaki, édité en VF par Komikku en janvier 2014, en VO par Hakusensha.
Sens de lecture japonais, 130x180mm, 260 pages, 8,95€.
Décidément, l’Histoire du bassin méditerranéen inspire les mangaka. Après les bains de Thermae Romae et la famille Borgia de Cesare, et avant l’arrivée d’Hannibal et Scipion dans Ad Astra, Komikku nous permet déjà de nous familiariser avec l’époque des guerres puniques grâce à Eurêka !.
En 216 avant JC, en plein pendant la deuxième guerre punique qui verra s’opposer Carthage et Rome pendant 17 ans (Merci qui ? Merci Wiki !), la ville de Syracuse, colonie grecque jusque-là en paix avec la république romaine, se rallie à la bannière carthaginoise par la volonté d’Epicydès, syracusain proche d’Hannibal. Le général Marcellus et l’armée romaine commencent alors le siège de la ville, ingénieusement défendue par les inventions du grand Archimède…
Si cette histoire est plus proche de nous que les nombreux récits issus de la culture japonaise qui abondent dans les mangas, ce n’est pas pour autant qu’elle nous est familière. Pas toujours évident alors sur les premières pages de cerner précisément les différents pouvoirs en action mais une fois les bases mises en place, la lecture se déroule sans problème.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Hitoshi Iwaaki aime le sanglant. Après Parasite, série découverte en 2002 chez Glénat, difficile en débutant la lecture d’Eurêka ! de ne pas s’attendre à voir le visage des protagonistes se transformer en gigantesque bouche garnie de dents acérées pour croquer leurs ennemis, tant le trait d’Iwaaki est très identifiable et marqué par le style de sa série d’extraterrestres amateurs de bidoche.
Mais nous sommes ici face à des peuples civilisés et ce n’est donc pas avec des crocs ou des griffes qu’ils tuent, mais avec des glaives et des armes de jet, tout aussi salissants. Et ils ne s’en privent pas. On voit peu de combats mais les quelques que nous propose Iwaaki sont directs et crus : ça découpe, ça charcute, ça gicle. L’effet est d’ailleurs assez étrange car le style du mangaka ne dégage pas vraiment d’énergie et reste assez “figé” (si je puis dire pour une BD). L’auteur doit en être conscient car il en joue pour justement apporter une touche assez glaçante, chirurgicale à ses boucheries de champs de bataille, en dessinant tout très méticuleusement, le sang qui gicle, les têtes qui volent, etc. Pas de complaisance dans la violence pour autant, car le regard posé dessus par le personnage principal est assez écœuré, encore plus face aux réactions de joie que le massacre provoque chez d’autres…
Si le titre du manga fait référence au mot prétendument prononcé par Archimède lors d’une de ses découvertes, le grand mathématicien est ici au seuil de sa vie, toujours aux aguets d’une nouvelle idée mais quelque peu à l’ouest pour tout ce qui concerne le reste. La politique n’est pas son fort et les guerres mêmes toutes proches ne l’intéressent pas voire le désolent car utilisant les instruments de mort qu’il a créés. Il ne ferme d’ailleurs pas les yeux sur sa responsabilité dans les massacres : même si ce n’est pas lui qui les utilise, il savait dès le départ quelle serait la finalité de ses machines de défense, impressionnantes et terrifiantes.
Sans imposer le moindre jugement ou la moindre morale, Iwaaki interroge ainsi la conscience humaine : à notre époque où chaque accident demande un coupable et où tout est fait pour brouiller les pistes quand il s’agit de remonter les responsabilités d’erreurs parfois catastrophiques, la question n’est pas inutile.
Au delà de ces considérations plus ou moins philosophiques, Eurêka ! reste un bon petit manga bien mené et efficace, au trait intéressant et maîtrisé (même si Hannibal remporte la palme du visage le plus flippant !!), à l’histoire prenante, donnant qui plus est envie de s’intéresser à cette partie de l’Histoire que l’auteur a transposée à sa manière, intégrant d’ailleurs à son profit un bout de la légende de d’Archimède qui n’est a priori pas possible techniquement (l’épisode des miroirs). Qu’importe, l’aura des grands hommes leur donne justement droit à quelques petits arrangements avec la réalité et permet ici aux personnages d’Iwaaki de se développer et d’apporter une touche intéressante au scénario. Reste qu’on est bien ici dans une tragédie grecque dont rien de positif ne peut vraiment sortir au final, où la mort finit par avoir le dernier mot.
Je suis bien d’accord avec ta chronique. Je conseillerai aux personnes intéressées de faire l’effort de passer le premier chapitre, assez raté. Heureusement, il est court et l’histoire commence réellement rapidement. A partir de là, tout s’enchaine sans le moindre temps mort vers une conclusion logique, d’autant plus connue que l’auteur respecte les grandes lignes de l’Histoire, celle de la défense de Syracuse.