Volume unique par Gregory Panaccione, édité par Delcourt en janvier 2019, 165x230mm, 276 pages, 19,99€.
Delcourt nous propose en janvier 2019 un nouvel ouvrage quasi-muet de Grégory Panaccione, Un été sans maman, après Toby mon ami et Match.
La petite Lucie est un peu triste : elle va devoir passer l’été en Italie chez un couple qu’elle ne connaît pas. Sa mère l’y dépose et la voilà seule avec deux parfaits inconnus qui en plus ne parlent pas sa langue. Mais rapidement, la petite fille va trouver un camarade, tout en se demandant qui laisse donc ces toutes petites traces de pieds derrière la maison…
Dans ses BD solo, Panaccione montre toute sa dextérité dans une narration silencieuse, où tout passe uniquement par le dessin, les regards, quelques picto.
Un été sans maman a donc la lourde tâche de nous faire suivre l’été loin de chez elle d’une petite fille dans un autre pays, sans aucun repère. La barrière de la langue : voilà qui donne une bonne raison pour qu’il n’y ait pratiquement aucun dialogue.
Un été donc loin de maman, sans ses jouets, sans rien pour s’occuper. Heureusement qu’il y a le chien (qu’on appellera Toby) pour occuper la fillette sans avoir besoin de grands discours.
Rapidement, Lucie va être intriguée par cette petite île au large. Sur la plage, elle fait la rencontre d’un petit garçon, Ricardo, avec sa grand-mère, tandis que ses nuits seront peuplés de rêves étranges… Mais s’agit-il vraiment de rêves ?
Avant le début de son histoire, l’auteur signale que sa BD est un hommage à ses deux grands maîtres : Miyazaki et Moebius.
De Miyazaki, on retrouve le côté très féerique et onirique de Totoro, où deux petites filles rencontrent cette énorme bestiole des bois, tout comme Lucie fait la connaissance de la petite créature qui habite les murs de la maison de ses vacances. Rêves ? Réalité ? Imagination débordante d’une petite fille trop seule ou maison d’été chargée d’histoires et de fantômes ? La question ne se pose pas vraiment, on laisse plutôt le charme silencieux et expressif du dessin de Panaccione opérer, toujours avec sa virtuosité et sa sensibilité habituelles. Cet été file alors à toute vitesse, entre baignades, excursions, camaraderie toute neuve et un peu de magie.
Contrairement à ses deux volumes précédents, où l’auteur mettait en image plutôt de petites scènes, on a droit ici à une histoire sur plus de 250 pages, qui nous plongera dans le passé proche de cette plage italienne aux habitants… pas vraiment ordinaires. La petite Lucie et son ami Ricardo sont très attachants, nous faisant retrouver cette innocence de jeux d’enfants sans arrière-pensée, la “fraîcheur” de ces étés un peu irréels où tout semblait possible.
Lucie plonge au fil de ses explorations insulaires dans un univers psychédélique, dont j’imagine qu’il rend en partie hommage à Moebius (j’avoue ne pas être très connaisseuse de son univers…). Un délire silencieux, qui rajoute une couche d’absurde dans une histoire déjà pleine de fantaisie.
Et puis retrouver le “cousin” italien de Marcel Coste (voire Match) dans la personne de l’homme qui doit s’occuper de Lucie durant ses vacances, alors qu’il n’a à l’évidence pas l’habitude et qu’il galère dans ses maladresses bourrées de tendresse, c’est toujours un plaisir. D’ailleurs, la petite fille finira par faire un peu évoluer ce gros ours grognon pourtant très attaché à ses habitudes.
Un été sans maman est une belle histoire, pleine de sable et de soleil, de poissons qui marchent et de cerfs-volants qui font décoller les petites filles curieuses, de baignades joyeuses et de leçons d’italien inattendues. C’est drôle, touchant, attendrissant et parfois même un peu tragique, sans pour autant jamais tomber dans la lourdeur.
Le dessin est toujours aussi expressif, avec de magnifiques doubles pages (fichu Izneo qui flingue les doubles pages avec un fichier encore foireux sur la pagination !!), pleines de détails à découvrir. Et la narration vivante compense sans problèmen et même sublime, l’absence de dialogues, donnant alors une lecture pleine de charme et de sérénité. Un beau moment…
Merci pour ta chronique qui m’a donné envie de lire le titre (surtout que j’avais bien aimé Un océan d’amour conseillé à l’époque par la libraire de… 9ème quai). J’ai profité d’un passage ce samedi à Super Héros pour l’acquérir. Effectivement, c’est touchant, amusant, triste, onirique, etc. Je ne m’attendais pas à ce que ça soit à ce point barré à certains moments, qui sont très surréalistes. Par contre, je n’ai rien vu de Miyazaki ou de Moebius, mais je ne suis pas doué pour trouver les influences ou les hommages, à moins qu’ils soient évidents 🙂
Un beau moment, comme tu dis, une lecture (papier en ce qui me concerne) que je ne peux que conseiller avec enthousiasme, celui que j’ai perdu en lisant des mangas (à quelques rares exceptions près) !