Volume unique par Florence Porcel et Erwann Surcouf, édité par Delcourt en mars 2017, 175x260mm, 120 pages, 16,50€.
Delcourt lance une nouvelle collection, Octopus, dirigée par Boulet et Marion Amirganian et consacrée à la connaissance en BD. Pour leur premier titre, ils ont visé haut et loin avec la planète rouge en objectif : ça donne Mars Horizon par Florence Porcel et Erwann Surcouf.
Octobre 2080. Après six mois de voyage, les six membres de la mission Mars Horizon sont arrivés à destination. Il leur faut maintenant retrouver le matériel expédié avant eux pour mettre en place la première base martienne. Cette première semaine sur la planète rouge a tout à leur apprendre…
Toute personne qui suit le travail de Florence Porcel, notamment sur sa chaîne Youtube, connaît son amour pour Mars. La BD lui permet alors de mettre en image un rêve sans doute un peu fou mais auquel l’humanité pense depuis longtemps : installer des terriens sur la planète rouge. Et ces 120 pages sont l’occasion d’imaginer un avenir pas si lointain où ce rêve se réalise, avec tous les aspects techniques et psychologiques pris en compte.
L’équipe décrite est attachante, que ce soit Josh le psy, Elena la pilote, Nikash le botaniste, Tsi-ku l’ingénieure, Sam le pomp… le médecin ou Jeanne, la première résidente permanente martienne (elle a même amené son petit Emmett en voyage – ceux/celles qui suivent Florence sur YT comprendront).
Si clairement l’histoire a reçu les conseils de spécialistes du sujet, on n’est pas pour autant bombardés de données hyper-techniques. Les auteurs veulent ici nous présenter une aventure à part entière, avec ses joies, ses découvertes, ses angoisses, ses galères, ses problèmes à surmonter.
On n’est pas non plus dans une redite de Seul sur Mars avec Matt Damon qui fait pousser ses pommes de terre dans ses excréments puisque toute la force de cette mission est justement celle du groupe de ces six aventuriers des temps modernes, préparés pendant quinze ans pour l’exploration la plus incroyable menée par l’humanité depuis des siècles.
J’ai particulièrement apprécié cette mise en avant des ressentis psychologiques de l’équipage, cette prise en compte complète du facteur humain impossible à évacuer d’une telle mission qui tranche tant avec ce côté profondément déshumanisant que notre société tente d’imposer sur nous depuis quelques décennies (ou plus). Ici, le mental a autant voire plus d’importance que le physique car c’est l’esprit qui reste au final la dernière barrière entre la vie et la mort dans un univers aussi hostile qu’une autre planète inhabitable en l’état. On sent qu’il y a eu un véritable questionnement de la part des auteurs sur ce qui pourrait être vécu et ressenti par des humains dans de telles conditions, face à l’immensité écrasante et la solitude de l’univers, aux paysages sublimes mais assez monochromes d’une planète où le rouge est omniprésent.
Amateurs de sensations fortes, n’attendez pas ici de péripéties spectaculaires, d’événements catastrophiques, de rencontres monstrueuses avec des entités voraces de chair humaine. Ce n’est pas le propos. Et il n’y en a pas besoin pour être profondément touché aussi bien par la portée inimaginable d’une telle mission que par la force des liens entre ces six personnes. Des liens qui sont le cœur même de l’histoire finalement, car l’exploration de Mars reste avant tout une aventure humaine. Ces relations ouvertes, tant amicalement, amoureusement que sexuellement, font d’ailleurs plaisir à voir, sans gêne, sans tabou, sans ambiguïté, avec une simplicité rafraîchissante qui résoudrait tant de problème finalement.
Cette lecture, aussi passionnée que passionnante, fait du bien, viscéralement. Elle montre la grandeur d’un genre humain dans ce qu’il a de meilleur, de plus puissant, et c’est beau, profondément. Au delà des guerres, des réflexes cupides, égocentriques, égoïstes dont l’actualité nous abreuve chaque jour, on se prend aussi à rêver d’un avenir où l’humain devient enfin conscient de son rôle et de ses responsabilités, de sa petitesse et de ses capacités face à un univers grandiose où tout est encore à découvrir.
Mars Horizon n’est pas un gros coup de cœur mais une belle bouffée d’air frais, pour moi 🙂 Il y a un optimisme, un enthousiasme contagieux chez Porcel, que j’admire beaucoup. Après, avec le peu de foi que j’ai en l’humanité, j’ai du mal à nous imaginer un jour à ce stade ou alors, à croire qu’on ne répétera les mêmes erreurs que sur Terre. Mais pourquoi pas, peut-être qu’avec ces êtres exceptionnellement tolérants, on ira plus loin 🙂