Volume unique par Muriel Douru, édité par Marabout collection Marabulles en mai 2016, 186x249mm, 144 pages, 14,90€.
J’ai découvert Muriel Douru il y a quelques années sur le site Yagg qui postait certains de ses billets de blog. Mais c’est totalement par hasard que j’ai découvert la sortie de sa BD Beyong the lipstick – Chroniques d’un coming out.
Muriel Douru est en couple avec une femme et c’est par leur mariage qu’elle débute son ouvrage. Mariage rendu possible par la loi du 6 mai 2013, sans doute ce qui a motivé l’écriture et la publication de cette BD.
Instant vocabulaire : pour information, “lipstick” est le terme employé pour désigner les femmes homosexuelles très féminines, adeptes du rouge à lèvres (“lipstick”), des talons hauts et autres détails visuels qu’on associe aujourd’hui habituellement au genre féminin. Dit autrement, ce sont des femmes que l’imaginaire collectif n’imagine absolument pas comme pouvant être lesbiennes car ne correspondant pas au cliché de “l’hommasse” puisque certain.e.s croient encore qu’une femme homosexuelle se prend pour un mec (alors que ça n’a rien à voir, on ne confond pas identité et orientation sexuelles). J’avoue par contre ne pas encore avoir saisi la subtilité entre les termes “lipstick” et “fem” mais peut-être n’y en a t-il pas.
Bref, Muriel est plutôt lipstick que butch. Et elle a pu se marier dans la joie et la bonne humeur avec sa compagne avec qui elle élève une petite fille arrivée grâce à la cigogne néerlandaise PMA. Mais si sa situation personnelle est des plus heureuses, elle n’oublie pas pour autant le sort des autres LGBT français qui n’ont pas forcément sa chance et continuent peut-être à subir humiliations, mépris, rejets, agressions malgré le passage de la loi.
Ainsi sa BD est l’occasion de revenir sur les idées reçues sur l’homosexualité, sur l’hétérocentrisme, sur la diversité de courants qui existent au sein de la communauté LGBT, certain.e.s ne voyant dans le mariage que la soumission à un modèle hétéronormé là où d’autres veulent simplement avoir la possibilité de protéger leur union.
De revenir sur les horribles “débats” de l’Assemblée nationale lors du passage de la loi, avec quelques extraits d’abjectes déclarations d’élus qui ne voient aucun problème à être haineux, hypocrites, manipulateurs et menteurs pour défendre leur vision étriquée de la famille. Sur les manifestations homophobes de gens refusant à d’autres les droits dont ils jouissent et que personne ne cherche à leur retirer. Tout en donnant des exemples de rejets homophobes que ce soit au sein de familles prêtes à renier pour cause d’un amour insupportable à leurs yeux ou au cœur d’une église incapable de la moindre évolution quand elle dit prêcher l’amour du prochain.
Elle revient également sur leur parcours pour devenir parents, sur les multiples visages que peuvent avoir les familles (et ce n’est pas nouveau), sur les arguments foireux qu’on a pu leur balancer contre leur projet, sur l’injustice de la non-reconnaissance du parent social qui peut tout perdre à la moindre rupture sentimentale.
Et surtout, elle parle d’amour. D’amour pour sa fille, pour sa femme, pour sa famille, pour ceux et celles qui luttent au quotidien. D’amour pour ses passions, pour ses engagements. D’amour pour la vie telle qu’elle peut la mener aujourd’hui, malgré les réac, les fanatiques, les intégristes, les tristes sires, les théoriciens de l’apocalypse, les prédicateurs de la fin de la civilisation pour cause de passage devant Mr/Mme le/la maire quand tant d’autres choses nettement plus inquiétantes et tangibles ne semblent pas leur faire lever un sourcil.
Bref, cette BD, c’est son coup de gueule à elle, sa colère joyeuse et militante, son doigt d’honneur à la connerie homophobe et sexiste qui veut cantonner les femmes à un rôle prédéfini limité à la cuisine, aux biberons et maternage sauf si elles ont l’insupportable idée de se dire lesbiennes, auquel cas elles n’ont le droit que de rester planquées et malheureuses, coincées dans des stéréotypes aliénants et destructeurs.
Elle propose sa vision, libre, heureuse et décomplexée, refusant totalement de cacher quoi que ce soit car n’ayant aucune raison d’éprouver la moindre honte. Et si la lecture de certaines parties m’ont évidemment énervées, rappelant de mauvais souvenirs pas si lointains (et n’appartenant hélas toujours pas à l’histoire ancienne), l’ensemble est évidemment rempli de joie et d’amour.
On a beaucoup entendu sur cette loi et ses possibles conséquences les hétéro, pro comme anti. Il est agréable de voir enfin une personne directement concernée s’exprimer sur le sujet. On nous a trop longtemps confisqué la parole.
Alors ne boudons pas notre plaisir…
(Petite note : j’ai vu 2 fois le terme transsexuel dans la BD, or le terme approprié serait plutôt transgenre, transsexuel renvoyant à un caractère médical et pathologique.)
Pour ma part, je ne suis pas fan du style graphique de Muriel Douru (bon après les goûts et les couleurs…) même si j’ai un intérêt pour le fond.
Lipstick est un terme que j’ai peu vu employé, même chez les principales concernées. D’ailleurs dans mon entourage, les femmes ouvertement lesbiennes ont plus un style vestimentaire “butch”.
La couverture m’a toujours un peu rebutée et le contenu me donnait une impression de superficiel, mais si l’occasion se présente, je le lirai avec plaisir :]