Série en cours par Rie Aruga, éditée en VF par Akata.
Sens de lecture japonais, 112x176mm, 6,95€.
Premier tome sorti en octobre 2016.
Nouveauté romantique d’Akata pour la rentrée 2016, Perfect World de Rie Aruga met en scène un sujet rarement abordé en manga, le handicap moteur. De mémoire, je ne vois que Real de Takehiko Inoue ou Limited Lovers de Keiko Yamada qui s’intéressent au quotidien de personnes en fauteuil roulant.
Tsugumi Kawana, jeune femme de 26 ans travaillant pour une entreprise de décoration d’intérieur, retrouve lors d’une soirée le garçon qu’elle aimait au lycée, Itsuki Ayukawa. Il a désormais atteint l’objectif qu’il s’était fixé lors de ses études, devenir architecte. Mais elle découvre également qu’il est depuis six ans en fauteuil roulant suite à un accident. Les sentiments de la jeune femme pour son premier amour vont-ils revenir à la surface malgré ce bouleversement ?
C’est toujours compliqué en tant que valide d’aborder le sujet du handicap sans être maladroit/foireux/plein-de-bonnes-intentions-mais-totalement-à-la-ramasse. Difficile notamment de se rendre compte si le sujet est géré justement et parvient à retranscrire une part de réalité (a priori, la mangaka est conseillée par un architecte handicapé, remercié au début du volume). Néanmoins on se place ici principalement dans le regard de Kawana, d’abord choquée face à la condition d’Ayukawa, et la mangaka n’hésite pas à aborder des détails précis et difficiles, notamment sur les douleurs ou les conséquences pas forcément connues d’une atteinte à la moelle épinière (escarres, fragilité des reins, problème d’incontinence, etc.).
Il y a toujours un risque avec ce genre de manga de se retrouver face à un « la difficulté l’a rendu plus fort » et autres « quelle force, quel courage, quelle abnégation » quelque peu maladroits et stigmatisants, finissant par effacer l’individu face à son handicap.
Mais ici, précisément, de quoi parle donc ce manga ? D’une jeune femme qui a choisi d’abandonner ses rêves et en redécouvre le goût après ses retrouvailles avec son premier amour qui lui a choisi de persévérer. De sentiments qui reviennent malgré les doutes, les qu’en-dira-t’on, les peurs et les jugements. D’un homme qui se bat contre lui-même pour avancer envers et contre tout, quitte à mettre sa santé en danger, quitte à être seul face à la douleur et à la maladie pour contrebalancer sa dépendance dans tous les gestes du quotidien. Bref, face à des individus attachants et plutôt complexes, ne jouant ni la carte du pathos ni celle de la bonne morale.
Ce premier volume aborde de front aussi bien la difficulté du regard des valides sur les handicapés que les choix et les renoncements auxquels a dû faire face Ayukawa suite à son accident. Le ton ne joue évidemment pas sur un quelconque misérabilisme larmoyant mais s’intéresse à la place que la société accepte difficilement d’accorder aux handicapés.
Mais le manga est avant tout une romance et si les histoires d’amour sont déjà habituellement compliquées entre deux personnes valides, entre vie professionnelle parfois intense et attentes personnelles pas forcément convergentes, on se doute bien que le fauteuil et tout ce qu’il trimbale avec lui, notamment dans le regard de l’entourage, ne va évidemment pas faciliter les choses.
Ce premier tome parvient en tout cas à accrocher efficacement avec des personnages travaillés et complexes, une perception assez directe et subtile, une histoire a priori simple mais qui promet beaucoup de rebondissements si la mangaka parvient à garder le rythme et l’équilibre de sa narration.
Quatre tomes sont pour le moment parus au Japon et le volume 2 ne va pas tarder en version française puisqu’il est prévu pour le 8 décembre 2016.