Volume unique par Akino Kondoh, édité en VF par Le Lézard Noir en août 2016.
Sens de lecture japonais, 149x210mm, 14,00€.
En voyant le volume de Chroniques new-yorkaises à la librairie, je ne savais alors rien de son autrice, Akino Kondoh. N’étant pas spécialement fan d’histoires un peu glauques blindées d’insectes, je n’ai jamais été tentée par Les insectes en moi ou Eiko, déjà publiés chez Le Lézard Noir. Mais découvrir le quotidien de la mangaka à New York me semblait plutôt intéressant.
Peintre, mangaka, animatrice, vidéaste, Akino Kondoh part en 2008 s’installer à New York pour un an dans le cadre d’un stage de l’Agence des affaires culturelles japonaises pour “artistes prometteurs”. Finalement, elle y reste et nous raconte son quotidien de Japonaise aux Etats-Unis.
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, n’ayant pas pu feuilleter l’ouvrage avant l’achat. Il y a en fait 70 chapitres de 2 pages chacun, se focalisant à chaque fois sur un détail de son quotidien, entre août 2012 et avril 2015. Le trait est simple, maîtrisé et assez délicat, et on retrouve le ton léger et drôle des habituels “manga bonus” et autres rubriques “bavardages” de fin de volume. Du moins, c’est l’impression du début de lecture…
Je pensais tomber sur un manga sympathique mais relativement anecdotique, simple enchaînement de petites histoires où la mangaka raconte sa vie new-yorkaise. Mais au fil des chapitres, quelque chose de plus profond se dégage petit à petit.
Au fil des mois, Akino Kondoh explore et interroge les différences culturelles entre Etats-Unis et Japon. Elle met en scène les habitudes de ses nouveaux voisins, leurs traditions, leurs vêtements, souvent très légers là où une Japonaise reste couverte pour éviter à tout prix de risquer de bronzer (la peau bronzée est synonyme de travail dans les champs, de pauvreté). En fait, au fil des chapitres, on sent son ton changer : si au départ, elle reste très “japonaise”, passant son temps à se trouver nulle, à ne pas oser, à s’offusquer intérieurement de certaines choses, petit à petit, elle gagne en assurance et tente, teste, découvre. Ses quelques retours au pays ne la rendent guère nostalgique et on sent qu’elle apprivoise sa vie américaine.
Elle s’interroge beaucoup sur les traits caractéristiques de chaque pays, à force de côtoyer beaucoup de nationalités différentes par les expositions, les échanges culturels proposés par plusieurs d’entre eux. Son manga devient alors un plaidoyer pour la différence et le respect de chacun, où rien ne peut être essentialisé, où tout doit être nuancé, sans jugement ni naïveté.
Tout n’est d’ailleurs pas lié qu’à la nationalité mais également à l’âge, aux expériences de chacun.e, et tout est l’occasion d’en apprendre plus et de se nourrir des rencontres.
Akino Kondoh parvient également à instiller une bonne dose d’humour, de dérision, de simplicité et de sincérité dans ses propos, ne cherchant pas à ne montrer que le bon côté de tout, mais là encore de faire preuve de nuance, ce qui enrichit considérablement son propos.
Au final, moi qui pensais lire le manga lentement, au rythme d’un chapitre de temps à autre, je l’ai terminé en deux jours. L’ensemble est drôle, assez fin, touchant juste, enrichissant, nuancé, parvenant à mettre en image la complexité du monde, de nos quotidiens, de leur densité, avec humilité. Elle fait preuve de curiosité et d’envie de découvrir et d’explorer rafraîchissantes, loin de toute leçon de morale, s’interrogeant sur son quotidien, le temps qui passe, son identité de Japonaise à New York, la manière dont elle évolue au travers de cette expérience américaine. En fait, c’est passionnant…
Par contre, je ne me remets pas de l’idée de l’existence d’une pizza aux choux de Bruxelles. Non, amis new-yorkais, il y a des choses comme ça qui ne se font pas.
Rôôh, c’est pas la pire combinaison qui puisse exister, choux de Bruxelles et pizza.
Pour revenir à la BD, j’ai très envie de tenter mais j’ai aussi peur d’être frustrée par ces chapitres tout courts. Un jour !