Série de Yuki Urushibara en 2 volumes, éditée en VF par Ki-oon, en VO par Kodansha.
Sens de lecture japonais, 170x240mm, 15,00€.
Ki-oon continue d’enrichir sa collection Latitudes avec Underwater, série en 2 tomes de Yuki Urushibara, mangaka découverte il y a quelques années avec Mushishi chez Kana.
La jeune Chinami n’imaginait pas souffrir de la chaleur quand elle a intégré le club de natation de son école. Mais la sécheresse de cet été particulièrement étouffant et sec force à des restrictions d’eau. Lors d’un entraînement, elle s’évanouit et se retrouve près d’une rivière pas loin d’un village où ne vivent plus qu’un vieil homme et son jeune fils…
Voilà un titre bien rafraîchissant pour l’été qui nous emmène dans les profondeurs autant de la mémoire que de la rivière du petit village du jeune Sumio. Un village né de la rencontre d’un dieu dragon et d’un homme, protégé depuis des siècles grâce à la fidélité de ses habitants amoureux de leur environnement… avant que les besoins des grandes villes ne viennent interférer et imposer leurs décisions, aussi déchirantes soient elles.
Comme dans Mushishi, on trouve ici la délicatesse et la subtilité d’Urushibara qui n’a pas son pareil pour mettre en scène l’invisible et l’onirique. Chinami, prête à tout pour fuir la chaleur écrasante, est ravie de pouvoir plonger dans cette rivière et s’immerge avec plaisir dans la vie de ce petit village quasi-abandonné mais tellement unique. Tout est vide et pourtant, c’est comme si le temps était simplement suspendu, sans passé ni avenir, juste le présent où tout est simple et sans tourment.
Petit à petit, on plonge un peu plus dans les mystères de ce coin de verdure qui semble oublié de tous alors qu’il a marqué chacun de ses habitants, prenant une place à part dans leur mémoire et leur cœur.
Jouant sur les flash-backs, mêlant le réel et l’onirique, le mystérieux et le pragmatique, Urushibara nous embarque avec délicatesse et tendresse dans ce monde oublié, devenu invisible mais toujours là, aussi bien physiquement que dans les esprits de ceux qui l’ont tant aimé.
Il n’est pas question de morale, de jugement, de nostalgie rance façon “c’était mieux avant”, “la campagne, c’est tellement mieux que la ville”… Juste un espace et un temps qui ont touché tant de vies, marquées à jamais malgré les difficiles décisions que certains ont dû prendre, les déchirants adieux face à la perte d’un être cher qu’on ne parvient pas à laisser partir.
La mangaka parvient à parler sans manichéisme de ces vies forcées de changer, de ces lieux abandonnés malgré tout ce qu’ils peuvent représenter. Il n’y a ni aigreur ni amertume face à ce temps qui passe car malgré tout, les souvenirs restent et alimentent l’âme de ces personnages qui ont forcément laissé une part d’eux-mêmes dans ces lieux comme surgis d’un autre monde. Il faut parvenir à tourner la page, à avancer sans regret ni culpabilité ni honte, sans besoin de rejeter ni d’oublier définitivement d’où l’on vient.
Plusieurs générations se côtoient et apprennent des autres, avec beaucoup de tendresse et d’amour, devant alors accepter les fantômes du passé et assumer les décisions prises pour le bien des siens. C’est une histoire de famille avec ses secrets, ses blessures, ses non-dits, ses retrouvailles, ses êtres chers à laisser partir malgré la douleur.
Le trait est détaillé et efficace, la narration habile qui parvient à nous balader entre les époques sans nous perdre, et l’ambiance entre la magie du Voyage de Chihiro, la fraîcheur mystérieuse des Enfants de la mer et la délicatesse poétique de Petite forêt : oui, Hayao Miyazaki et Daisuke Igarashi, rien que ça !
Urushibara signe là encore une très belle œuvre, douce, poétique et délicate, avec de beaux personnages attachants et justes, un environnement magique et enchanteur, idéal pour rêver et laisser flotter ses pensées.