Série en cours par Taiyou Matsumoto, éditée en VF par Kana, en VO par Shogakukan.
Sens de lecture japonais, 148x210mm, 12,70€.
Premier tome sorti en novembre 2014, 220 pages.
Voilà déjà quelque temps que je ne m’étais pas plongée dans un manga de Taiyou Matsumoto, un auteur toujours aussi unique et imprévisible qu’on avait pu découvrir chez Tonkam et Akata/Delcourt voilà déjà des années. Après Number Five entre 2004 et 2006, Kana récidive en nous proposant sa dernière œuvre toujours en cours au Japon, Sunny.
Hoshi no ko, Les enfants des étoiles, c’est le nom d’un foyer qui recueille les enfants dont les parents ne peuvent plus s’occuper. Quand ils ont le cafard, qu’ils ont besoin de rêver, ils vont tout naturellement se réfugier dans la Nissan Sunny dans la cour.
Sei vient d’arriver et il espère bien ne pas devoir rester au foyer trop longtemps…
À mes yeux, Taiyou Matsumoto est au manga ce que Jim Jarmusch ou Wes Anderson sont au cinéma : des créateurs uniques, capables en partant d’idées de départ plutôt simples, arrivent à créer un univers à part, avec un style immédiatement identifiable. Que ce soit des histoires de famille, de sport, de romance, de jeunes scouts un peu paumés ou de gamins des rues, ces auteurs installent en quelques secondes, quelques pages, une ambiance toute en finesse et en subtilité, créant un décalage comme s’ils ne faisaient qu’un petit pas de côté par rapport à la basique réalité. Un tout petit pas qui change tout, apportant un rythme différent, une poésie de l’image et de l’instant, poussant le spectateur ou le lecteur à choisir rapidement son camp : accepter de se prendre à ce jeu étrange ou préférer passer son chemin.
Avec Sunny, Matsumoto continue sur sa lancée avec un nouveau portrait d’enfants un peu en marge des autres, loin de chez eux, que ce soit parce que leurs parents sont à l’hôpital, morts, disparus sans laisser de nouvelle ou simplement pas capables de les gérer. Ces gamins ne sont pas totalement laissés seuls pour autant, le foyer Hoshi no ko leur apportant chaleur, attention et sécurité… mais cela n’empêche que ce n’est pas chez eux. Ayant perdu ce qui devait leur donner les bases solides de leur vie, ils tentent de grandir bon gré mal gré, au fil des jours d’école, des jeux avec les autres, de leurs rêves d’enfants qui n’ont pas forcément encore totalement perdu leur innocence. Chacun porte en lui l’espoir d’un avenir plus beau et heureux, où ses proches reviendront et seront à la hauteur de ses attentes. Mais également toujours cette peur d’être de nouveau abandonné, oublié de tous, laissé de côté…
Ces gamins, avec leur grande gueule, leur candeur, leur énorme besoin d’amour, leur imagination sans borne, leur premier béguin, la profonde solitude planquée dans leur cœur, sont attachants, au delà de la morve qui leur coule du nez ou de leur comportement parfois déchaîné. Il n’est pas question ici de maltraitance ou de brutalité scolaire, ils sont relativement acceptés et plutôt protégés que surveillés par les adultes qui les entourent. Matsumoto nous fait juste suivre des gamins aux rêves plein la tête, à l’imagination qui décolle dès qu’ils rentrent dans cette vieille voiture dans la cour, aux attentes énormes face à une vie qui n’a pas commencé dans la facilité pour eux.
Ce premier tome nous présente avec beaucoup de tendresse quelques-uns de ces mômes en recherche de repères, de modèles, vivant au jour le jour avec l’innocence caractéristique de leur âge, même si la séparation familiale les a fragilisés et a créé en eux une faille qui sans doute ne sera jamais vraiment comblée…
Je ne sais pas du tout à quoi m’attendre pour la suite. 5 volumes sont pour le moment parus au Japon, et le manga étant prépublié dans le magazine Ikki de Shogakukan qui a cessé sa parution fin septembre 2014, il doit reprendre normalement dans le Big Comic Spirits début 2015. Il faudra de toute façon attendre quelques mois pour découvrir le volume 2 en VF (mars 2015 a priori).
Tu m’as fait acheter le tome 1, même si je voulais le faire depuis un bail !
Si on continue de comparer son oeuvre avec le cinéma, que ce soit dans Amer Béton ou Ping Pong, on aurait dit qu’ils étaient déjà prêt à être adapté en animation. Tout nous rappelle à quel point on a du cinéma dans ses dessins, déjà avec une mise en scène et une introduction des personnages en se plongeant directement dans leur mode de vie et leur rêverie. C’est nettement mieux qu’un simple nom posé dans un cadre. Les plans rapprochés, en contre plongé… tu peux déjà imaginer Sunny ou Le samurai bambou en film live, si on réserve les scènes d’action impossible à l’animation. En reprenant les cases une à une avec un peu de mouvement. Masaaki Yuasa n’a d’ailleurs pas hésité à user de cette méthode pour l’adaptation de Ping Pong, c’est pourquoi je préfère dire qu’il s’agit d’une réalisation de Matsumoto (quand bien même j’adore Yuasa).