Série en 18 tomes par Shinichi Ishizuka, éditée en VF par Glénat, en VO par Shogakukan.
Sens de lecture japonais, 130x180mm, 7,60€.
Premier tome sorti en août 2013, 230 pages.
Le sommet des dieux et K2 de Taniguchi, Ascension de Shin’ichi Sakamoto… Vertical n’est pas le premier manga à s’intéresser à l’alpinisme, le Japon ayant quelques beaux sommets pour amateurs de vertige et de cascades de glace. Mais le traitement du sujet est ici un peu différent de la concurrence, tournant principalement autour d’un homme particulier…
Sanpo Shimazaki est secouriste bénévole dans les Alpes japonaises. Ayant beaucoup voyagé pour se mesurer aux grands sommets du monde, il vit au plus près de ses chères montagnes et est toujours partant dès qu’il s’agit de peut-être sauver une vie.
Une des grandes forces de Vertical, c’est donc Sanpo. Au premier abord, un brave type un peu rêveur, qui ne semble jamais vraiment prendre les choses au sérieux. Mais dès qu’il chausse les crampons et attrape son sac, tout ce qui fait de lui un des meilleurs secouristes de la région ressort. S’il a beaucoup bourlingué, il n’est pas casse-cou pour autant. Ayant côtoyé régulièrement la mort, il connaît tous les risques et les dangers et ne dépasse jamais ses propres limites, dans la mesure du possible. Amoureux du grand air, il ne s’intéresse pas à la ville mais n’est pas pour autant misanthrope comme le personnage du Sommet des dieux, peu aimé, ou celui d’Ascension, très renfermé. Au contraire, Sanpo apprécie aussi bien le calme des grands espaces que les rencontres sur les sentiers de randonnée, toujours prêt à aider, renseigner, accompagner ou simplement partager un moment avec ceux qui comme lui ne peuvent se passer de ces paysages. Ou avec ceux qui ne viennent pas par amour mais pour raisons personnelles à qui il fera tout son possible pour transmettre sa passion.
D’ailleurs, c’est au travers de ces rencontres sur les pentes enneigées ou les sentiers escarpés que le mangaka nous apporte un regard profondément humain : face aux épreuves que leur impose la nature, les grimpeurs doivent faire face à eux-mêmes, savoir pourquoi survivre, pourquoi avancer, pourquoi continuer à marcher malgré le froid, la douleur, la fatigue. L’auteur interroge ainsi sur l’homme, ses limites, ses motivations, sa propre nature.
Sanpo n’est donc pas un casse-cou, son métier le mettant constamment face à la puissance de la montagne. Il a un petit côté idéaliste par moment tout en sachant rester réaliste et pragmatique, connaissant le poids d’une simple décision pouvant conduire aussi bien à la survie qu’à la mort. Son respect pour ces sommets est absolu mais lucide : ces pics n’ont pas besoin de lui pour exister et sont bien plus puissants que tous les humains, existant depuis des millions d’années et encore là pour quelques millions d’autres là où l’homme ne fait que passer plus ou moins brièvement selon ses décisions.
Il reste donc humble et garde toujours son sang-froid quelque soit la situation. Pas qu’il ne craigne rien mais il a appris à accepter. Accepter la mort irrémédiable de certains de ceux qu’il aurait voulu sauver, accepter l’apparente injustice d’un décès cruellement ressenti alors que le monde continue de tourner, bien au-dessus de la notion de conscience ou de justice humaine. Jeune ou vieux, amateur ou grimpeur émérite, orgueilleux ou humble, prudent ou inconscient, parent ou étudiant, qu’importe… Si Sanpo aimerait tous pouvoir les sauver, il a vu trop de gens mourir, senti trop de corps se relâcher alors qu’il les portait sur son dos pour continuer à refuser l’inéluctabilité de ces situations, contrairement à la jeune Kuri, secouriste débutante, qui prend tout directement dans son cœur et ses tripes.
Pour autant Sanpo n’est pas insensible, loin de là. Familier de la mort, il a appris à accepter ce qu’il ne peut changer malgré tous ses efforts et à profiter de ce que la vie peut lui réserver, de bon comme de mauvais. En fait, il a un petit côté bouddhiste qui lui permet de continuer à avancer, à espérer pouvoir sauver le prochain, sans qu’il soit question de bonne morale ou de justice. Il accepte de voir le monde tel qu’il est et non tel qu’il voudrait qu’il soit, avec simplicité et évidence.
Le personnage de Sanpo est donc nettement plus profond et intéressant qu’on pourrait le croire au départ. Au travers de ses multiples expériences, de ses rencontres humaines, de ses décisions pas toujours si évidentes à comprendre au premier abord, il est d’une incomparable richesse. S’il est attachant dès le départ, par sa bonne humeur et sa jovialité qui ne le rendent pas naïf ou gentillet pour autant, sachant encaisser les coups durs et les incroyables difficultés que réserve parfois la montagne, la manière dont le développe le mangaka au fil des volumes lui apporte une profondeur, une sensibilité et une force étonnantes. Comme le dit un personnage : il est libre. Il a compris l’essentiel et ne s’embarrasse d’aucune hypocrisie humaine, ne cherche jamais à manipuler ou tromper, intègre sans pour autant être borné.
En plus du personnage de Sanpo, ses acolytes qu’on découvre au fil des histoires sont plutôt sympathiques également, apportant un ancrage dans le monde du secourisme intéressant.
Et puis surtout, on ressent au travers des divers sauvetages de Sanpo un grand amour de l’auteur pour ces sommets enneigés, dont certains qu’il a lui-même déjà grimpés, comme il l’explique parfois entre les chapitres.
La série compte 18 volumes et au départ, à ne voir qu’une succession de sauvetages au fil des chapitres, on peut se demander comment cela ne peut pas devenir répétitif ou redondant.
Nous voilà arrivés au volume 5, toujours avec ces mêmes chapitres de sauvetage et l’aventure est de plus en plus passionnante et prenante au fil des pages, avec des sauvetages qui prennent aux tripes, sans qu’on puisse jamais en deviner l’issue, pas de happy end obligatoire, comme des rencontres plus simples et chaleureuses.
Le trait est efficace, précis, sympathique (sachant que l’auteur a appris tout seul dans son coin), la narration rythmée et les décors évidemment magnifiques.
Vertical est un grand manga (d’ailleurs récompensé au Japon du Manga Taisho Award 2008 et du Shogakukan Manga Award 2009). Avec son personnage attachant et subtil, ses histoires haletantes, ses détails jamais ennuyeux, son amour immodéré des hauts sommets, il nous transporte, nous apprend, nous fait rire ou nous touche profondément. Humble et humain.
Très sympa effectivement, mais démotivée par la succession de sauvetages et le peu d’évolution des personnages j’avais lâché l’affaire après le deuxième volume. Il me semblait en avoir fait le tour, aurais-je abandonné trop vite ?