Série en 2 tomes par Min-ho Choi, éditée en VF par Akata.
Sens de lecture français, 180x258mm, 21,50€.
Pour son deuxième titre après Seediq Bale, Akata continue sa collection de romans graphiques porteurs des thèmes qui lui sont chers. Après le combat des peuples indigènes, c’est ici au tour de l’agriculture et de l’alimentation saine d’être le centre d’attention au travers des deux tomes de Moi, jardinier citadin du coréen Min-ho Choi.
L’auteur y décrit ses débuts en tant que jardinier amateur sur une parcelle d’un potager communautaire au pied des immeubles de la ville. Sa découverte des techniques d’entretien ou de semis, ses efforts pour faire pousser ses propres légumes pour lui et sa femme, et sa rencontre avec les autres jardiniers, souvent âgés, ravis finalement de voir un petit jeune s’intéresser et se prendre au jeu de ce retour à la terre sont autant de petites anecdotes qu’il partage avec nous au fil des pages.
Ainsi, au travers de courts chapitres chacun centré sur un élément précis, Min-ho Choi nous raconte sa première année complète d’expérience potagère. Ses échecs, ses erreurs, sa fatigue, ses difficultés à concilier cette passion nouvelle avec sa vie de famille et son travail qui lui fait accumuler les nuits blanches… mais surtout sa joie de retrouver des gestes simples, évidents, primitifs (dans le sens “premier” du terme), lui permettant de redonner du sens à une vie qu’on a totalement déconnectée du monde qui nous entoure.
Bien sûr, il y a un petit côté militant dans cette série. Un appel à reprendre les choses en main au lieu de laisser des industriels peu scrupuleux décider de tout, à réapprendre ce qui est important au delà des impératifs qu’on nous assène sans discernement, à retisser du lien avec un voisinage souvent oublié, à simplement retrouver ce qui devrait faire sens.
Mais pour autant, le ton ne se veut ni sentencieux ou moralisateur, de par notamment la candeur du personnage et l’humour très tendre qui se dégage de ses différentes journées passées à jardiner. On est plus dans le pédagogique léger et didactique, joyeux et serein, avec quelques interrogations au passage, non seulement sur l’utilité d’engrais ou de pesticides purement chimiques qui font perdre toute notion d’écosystème qui s’équilibre naturellement, mais également sur les choix de chacun en la matière, choix qui en appellent d’autres, plus profonds, sur la manière dont on veut vivre, en accord ou non avec ce qui nous entoure. En croyant pouvoir s’affranchir de son environnement immédiat, l’homme ne risquerait-il simplement pas de perdre définitivement tout lien avec lui-même ?
Il y a donc un ton militant, renforcé qui plus est par les textes en fin de volumes, expliquant les réalités industrielles de l’agriculture “moderne” qui ne jure que par la rentabilité au mépris de tout le reste, les problèmes de biodiversité ou le brevetage en cours des semences… Divers sujets dont on n’est pas forcément conscient si on ne s’est pas clairement intéressé au sujet. Ces textes sont donc les bienvenus pour accompagner la lecture, la prolongeant en donnant plus d’informations, donnant la possibilité de creuser à ceux qui en auraient éventuellement envie, sans obligation pesante.
Car pour autant, il n’y a pas là que militantisme : le dessin de Min-ho Choi est assez particulier, avec des paysages et des plantes magnifiques, très verdoyants, dont se dégage beaucoup d’amour de la part de l’auteur, et côté personnages, quelque chose de très stylisé, presque ludique de par les expressions très exagérées des visages ou des expressions. Min-ho Choi n’a pas peur de se tourner en ridicule dans ses efforts acharnés pour comprendre son potager, ne se donnant pas forcément le beau rôle, mais avec toujours beaucoup de tendresse pour tous ceux qu’il a croisés et qui lui ont semble-t-il beaucoup apporté.
Les couleurs sont très douces, avec beaucoup de fonds blancs, comme si on était en dehors du réel, dans un monde à part, et le style d’ensemble, qui fait très dessin d’animation, m’a tout de suite fait penser à Mari Iyagi de Sung-gang Lee. Je n’ai donc pas été étonnée de voir qu’il avait travaillé avec lui sur un de ses courts métrages de 2008, A Day of Water Giant, et qu’il le comptait parmi ses amis à qui il a fait profiter des fruits de son labeur jardinier.
C’est d’ailleurs un autre thème que l’auteur tient à souligner, celui du partage et de la convivialité offerte par son expérience potagère, lui ayant permis de donner et faire profiter son entourage plus ou moins proche. Retrouver simplement du lien humain dont nos sociétés se sont petit à petit privées…
À qui s’adresse cette lecture ? Par exemple, aux néophytes qui veulent s’informer, pouvant découvrir des méthodes, des bases, et se donner envie de tenter l’aventure à leur manière. Aux connaisseurs qui savent déjà s’y prendre mais ne seront pas contre de voir un peu autre chose, comment ça marche ailleurs, et les plantes qu’on fait pousser en Corée. La cuisine est déjà un bon moyen d’en apprendre plus sur un pays alors ce qui compose les repas, tout autant… Surtout que, comme dans Petite forêt de Daisuke Igarashi, on peut trouver au fil des pages des inserts montrant et expliquant chaque plante, ses spécificités. En fait, toute personne un peu curieuse du sujet peut facilement y trouver son intérêt.
Pour ma part, honnêtement, même si le jardinage ne fait pas partie de mes hobbys – mon dernière tentative a dû être la germination de graines de lentilles sur du coton quand j’avais 10 ans… -, je vis avec quelqu’un qui se passionne sur le sujet, accumule les livres de la collection Terre & Humanisme, du couple Bourguignon ou de Pierre Rabhi, a adhéré à l’association Kokopelli et ne rêve que de planter et faire pousser des légumes toute la journée (pour l’instant, on en reste aux pleurotes de salon et la prochaine récolte s’annonce prometteuse !!).
Donc forcément, je suis sensibilisée sur le sujet et adhère à la vision globale tout en n’ayant pas l’âme d’un jardinier. Ce qui ne m’a pas empêchée de bien profiter d’une lecture rafraîchissante, divertissante, intéressante et militante qui ne tombe jamais dans la morale culpabilisatrice stérile, proposant simplement “autre chose”, une autre vision, un autre chemin…
Oui, “joyeux” et “jovial”, ce sont vraiment des termes qui conviennent bien à cette œuvre. Qui n’est pas un coup de cœur absolu – je pense être trop néophyte pour réellement tout apprécier – mais dont j’ai hâte de lire le volume 2.
J’aime beaucoup les graphismes, les couleurs toutes douces, même en ville, on a l’impression d’être dans une bulle. Et l’auteur/le narrateur nous prend par la main, c’est chouette quand on ne sait même pas faire vivre un cactus.
Ps : oh mon dieu, des pleurotes ?? *bave*
(voilà qui ferait la joie des personnages de Dorohedoro)
Et ces pleurotes en plus comme elles sont bonnes !! Fermes et goûteuses, En en serait fou !