Volume unique par Jordi Lafebre et Zidrou, édité par Delcourt, 240x320mm, 60 pages, 14,99€.
Sorti en avril 2010.
Existe aussi en édition plus luxueuse à 16,45€, sortie en janvier 2012.
Je n’avais jamais entendu parler de cette BD avant qu’Agathe la libraire de 9e Quai ne me la recommande chaudement. Et vu que jusque-là, tous ses conseils ont été très bons, je me suis laissée tenter…
Lydie se déroule dans un petit coin de France en 1932. Un petit quartier même, l’impasse Baron Van Dick, rebaptisée l’impasse du bébé à moustaches à cause d’une publicité peinte sur un mur. Tout le monde se connaît, dans le coin, et tout le monde connaît Camille Thirion, la fille du conducteur de train, un peu simplette et très très enceinte. Et tout le monde apprend rapidement que le bébé, une petite fille, n’a pas survécu. Mais pour Camille, cette perte est inacceptable et très vite sa petite Lydie va reprendre la place qui lui est destinée, auprès de sa mère. Et tout le quartier va se prêter au jeu… “Après tout, pourquoi faire du mal quand il est si facile de faire du bien ?”
Bouleversant. En 60 pages, les deux auteurs parviennent à toucher en plein cœur avec cette histoire qui commence par la mort – mauvais jour pour les bébés – mais dégage une force de vie époustouflante.
Dès le départ, le ton est donné, simple, chaleureux, mais également direct et sans concession sur les décisions difficiles à assumer et les épreuves à surmonter. En quelques cases, les habitants de ce joli quartier nous sont présentés, avec délicatesse et une pointe d’humour, d’office attachants, ayant chacun une personnalité propre, une identité apportée par un trait efficace et précis, qui a “de la gueule”. La mise en couleurs est parfaite, sachant installer une atmosphère adaptée à chaque situation, entre tristesse et chagrin indescriptible et chaleur de rapports humains tendres et amicaux.
Mais le tout déborde surtout d’un amour désintéressé qui bouleverse et dégage une force et une douceur que rien ne semble pouvoir ébranler, même la mort. Camille est la protégée de ce quartier comme hors du monde, qui jamais ne la rejette, acceptant totalement sa différence, et la perte de son bébé, elle qui n’a déjà jamais connu sa mère, est une tragédie pour chacun. Tous vont alors dépasser ce chagrin en acceptant le grain de folie causé par le désespoir de cette jeune mère attendrissante qui ne peut imaginer son bébé loin d’elle, même au ciel. Tous vont l’envelopper de leur bienveillance attentive et petit à petit, donner vie à un miracle, l’existence d’un fantôme que personne ne voit (quoique…) mais que tous prennent plaisir à prendre dans leurs bras, dorloter et gâter, le considérant immédiatement comme l’un des leurs.
Chaque personnage trouve alors sa place dans cette danse improbable, allant du docteur qui va se laver à 4h du mat pour soigner une terreur nocturne au curé qui finalement acceptera de célébrer un baptême.
Et si la mort n’hésite pas à revenir jouer les trouble-fêtes en cours des années, ce n’est que pour mieux faire redoubler cette étourdissante débauche d’amour et d’attention dont chacun fait preuve pour continuer à faire exister ce petit miracle, incompréhensible pour le regard d’un “non-moustachu” mais ne demandant aucun effort ni aucune hypocrisie aux habitants de cette impasse du bébé à moustaches.
Pas de mièvrerie indigeste, de pathos guimauve invraisemblable, juste 60 pages parlant d’une vie parfois dure, voire injuste, mais où chacun, par amour, va tout faire pour faciliter la vie de l’autre, avec une bienveillance tendre et chaleureuse. C’est magnifiquement écrit, dialogué, dessiné, colorisé. Un petit bijou de justesse et d’humanité dans ce qu’elle a de plus beau.
Nul doute que je me lancerai dans la nouvelle série des deux auteurs, La Mondaine, dès que les deux tomes seront parus.