Série écrite par Brandon Graham, illustrée par Brandon Graham, Simon Roy, Farel Dalrymple, Giannis Milonogiannis, éditée en VF par Urban Comics, 171x264mm, 160 pages, 15,00€.
Prophet est à la base un comics créé en 1992 par Rob Liefeld. Un pur produit de l’écurie super-héros, qui n’aura connu que quelques chapitres. L’idée est reprise en 2012 par Brandon Graham qui lui apporte un sacré changement…
Dans un lointain futur… L’Humanité n’existe plus. D’autres formes de vie ont pris sa place, partout dans l’univers. S’éveille alors un homme, John Prophet, après un très profond sommeil protégé dans sa capsule. Reprenant pied dans un monde qui ne ressemble à plus rien de connu de mémoire d’homme. Prophet a une mission, il doit permettre le retour de la civilisation humaine.
Bizarre, étrange, étonnant, intrigant… La lecture de ce premier tome de John Prophet a de quoi interpeller. Déjà par le monde dans lequel reprend pied John. Un monde sans humain donc, mais où la vie a continué à évoluer, proliférer, reprenant sa marche de la diversité là où l’humain avait tendance à tout lisser, mesurer à l’aune de sa propre existence, refusant tout ce qui pouvait le dépasser dans la course de l’évolution.
Dans ce nouvel univers où ne subsistent que quelques traces plus ou moins ruinées, ensevelies de l’Homme, celui-ci ne semble plus vraiment avoir sa place. Il n’est qu’un moucheron parmi d’autres formes de vie, luttant pour sa survie comme les autres. On ne sait pas trop ce qui a pu arriver des siècles auparavant, si notre disparition est de notre fait ou de celle d’une intervention extérieure plus évoluée. Simplement, Prophet a une mission. Il ne sait ni pourquoi ni comment, il fait, simple pantin répondant à des ordres très anciens, sans personne apparemment pour les remettre en question, interroger l’idée d’une renaissance d’une vie humaine évoluée qui reprendrait à coup sûr ses anciens droits qui lui semblent si naturels, ses anciennes habitudes si destructrices. Mais l’humain a-t-il vraiment droit à une autre chance dans ce monde, cet univers où de multiples autres formes de vie existent ?
Chaque page est en effet l’occasion d’en voir un peu plus sur cette évolution perpétuelle. Les animaux, les plantes, rien ne nous est familier et cette imagination débordante donne presque le tournis, nous plongeant directement dans autre chose, sans avoir plus aucun repère sur lequel se baser. On suit ainsi chaque chapitre sans savoir de quoi sera composée la page suivante. Le tout étant principalement narré par une voix off, John ayant assez peu besoin de communiquer verbalement avec un autrui qui n’existe pas.
L’autre originalité de la série réside dans le fait que l’on suit en fait plusieurs John, marchant sur plusieurs mondes très différents, où le taux de survie est assez dramatiquement bas, au travers du dessin de quatre dessinateurs, chacun s’attachant à un John particulier. Cela donne au départ une impression un peu décousue mais en fait très inspirée, permettant d’autant plus de ressentir la différence de ces environnements plus ou moins hostiles. Certains chapitres sont même assez obscurs à comprendre mais pour autant restent prenants et intrigants car on sent par ailleurs un fil qui relie tout, derrière la plume de Brandon Graham (également dessinateur d’un des mondes).
En outre, difficile en lisant certains chapitres de ne pas penser à Nausicaä de Miyazaki : les insectes mortels, la pollution, la caravane, les masques, le monde absolument désolé où l’humain finit par ne plus avoir sa place alors qu’il continue de s’y accrocher coûte que coûte… l’ambiance qui s’en dégage, tout simplement, même si celle de Graham semble nettement plus sombre et glauque que celle de Miyazaki, chez qui réside toujours, quelque part, une petite lueur d’espoir et de foi en quelque chose. Il n’y a aucune foi chez Prophet, juste des ordres, à suivre sans questionner, sans interroger. Aucune réelle personnalité individuelle chez ces clones sans âme, outils d’une renaissance dont on n’est pas bien sûrs qu’on veuille qu’elle voit le jour.
Jusqu’à ce dernier chapitre où… forcément, on ne peut qu’espérer un deuxième volume toujours aussi fascinant et jubilatoire côté originalité, avec en plus un approfondissement de l’histoire. Un deuxième volume qui doit paraître début juillet 2013 aux États-Unis.
Je ne connais pas mais pour l’avoir feuilleté un peu chez mon libraire, ça m’a beaucoup fait penser à Moëbius. En tout cas, ça donne envie 🙂