Volume unique de Mari Yamazaki, éditée en VF par Casterman, en VO par Sobisha.
Sens de lecture japonais, 172x241mm, 15,00€.
C’est en mars 2012 que Casterman nous permet de découvrir la série-phare de Mari Yamazaki, Thermae Romae, succès aussi bien au Japon qu’en France. Comme à son habitude l’éditeur s’attache à sa politique d’auteurs en proposant ensuite de mieux connaître ses mangaka avec d’autres titres de leur répertoire. C’est ainsi qu’en avril 2013 sort le one-shot PIL en collection Écritures.
1983, au Japon. Nanami, 16 ans, vit avec son grand-père Tokushirô dans la maison familiale pendant que sa mère parcourt le monde en tentant de devenir une grande chanteuse d’opéra. La vie n’est pas simple, financièrement parlant. Surtout avec un grand-père quelque peu fantasque, aimant se faire plaisir avec l’argent du mois, quitte à ce qu’ils n’aient plus rien à manger ensuite, sous prétexte qu’il remboursera quand il touchera sa retraite mensuelle. Maigre excuse pour dilapider les quelques yens indispensables au quotidien…
Nanami étouffe. Elle n’est pas spécialement rebelle mais ne supporte plus l’étroit carcan dans lequel elle est censée se glisser selon les sœurs de son lycée pour jeunes filles riches, aux valeurs très claires : pureté, honnêteté, beauté. Les valeurs de la bonne petite épouse modèle bien sage qu’elle ne compte pas spécialement devenir. Elle ne rêve que de Londres, influencée par les jeunes années que son grand-père a passées dans la capitale anglaise ainsi que par la musique punk de ce lointain pays qui apparaît pour elle comme la destination ultime qui lui offrira la liberté d’exister comme elle l’entend. Mais les rêves exigent des sacrifices et peuvent même devenir lourds à porter dans un quotidien rongé par les soucis d’argent et les petits boulots ingrats.
Pour autant, aucun misérabilisme dans ce manga : Nanami et son grand-père sont des modèles de joie de vivre et d’énergie, toujours là l’un pour l’autre. Lui le don Juan de ces dames, amoureux candide de la vie, adepte des petits plaisirs – parfois coûteux – du quotidien reste néanmoins lucide sur les difficultés de prendre soin d’une petite-fille aux envies de liberté si déterminées. Entre un octogénaire toujours très jeune dans sa tête, au point de paraître parfois immature et irresponsable, et une ado débordante d’énergie prête à tout pour vivre sa vie comme elle l’entend, obsédée à l’idée de travailler pour gagner son indépendance, la relation est évidemment assez explosive mais toujours pleine de tendresse et d’amour, chacun montrant, parfois maladroitement, à quel point l’autre compte, au delà de tout.
Si Nanami est plus responsable et pragmatique que son grand-père, ils se ressemblent beaucoup dans leur curiosité du monde et leur fraîcheur d’en découvrir tous les aspects, quitte à s’y brûler un peu les ailes. N’acceptant simplement pas les limites et les barrières que la société bien-pensante prend soin d’ériger autour du troupeau…
Les cinq chapitres explorent autant d’évolutions dans leur relation, gagnant en profondeur et en tendresse à chaque page, entre les amours déçues de l’un ou de l’autre, les rencontres riches en promesses et parfois en désillusions, les rêves d’avenir au delà d’un archipel finalement si exigu, les doutes sur les choix à faire, parfois si excitants qu’ils en deviennent effrayants. Sans oublier une bonne dose d’humour, de légèreté, chassant toute morosité que leur situation un peu bancale aurait pu apporter.
C’est en lisant la postface de Mari Yamazaki, globe-trotteuse ayant vécu à Chicago, au Moyen-Orient et revenue dernièrement en Italie d’où est originaire son mari, qu’on comprend un peu mieux le ressenti de sincérité et de réalisme qu’on retrouve dans le manga. Il y a un peu de Mari Yamazaki dans Nanami, dans ses choix de vie, ses galères, son envie de bouger, donnant alors à l’adolescente une certaine profondeur, fraîche et chaleureuse.
Entre les personnages profondément attachants et la tendre relation décrite tout au long des 190 pages, on ressort de cette lecture le cœur léger…
Une réflexion sur « PIL »