15 août 2022

Femme sauvage

Volume unique par Tom Tirabosco, édité en VF par Futuropolis, 195x265mm, 240 pages, 25,00€. Sorti en mai 2019.
Disponible en numérique à 17,99€.

Après un mois d’octobre sans chronique, je voulais proposer un mois de novembre plus vivant avec plein de BD de science-fiction. Evidemment, c’est à ce moment-là que mon planning de travail s’est retransformé en marathon des deadlines impossibles à tenir. Et donc, plus du tout de temps pour le site. Je tiens néanmoins à proposer une chronique d’une BD prévue à l’origine. Et ce mois spécial SF n’est que partie remise, j’ai plein de titres passionnants à vous faire découvrir !
Place à un peu d’anticipation… à moins que ce ne soit déjà une réalité ?
Après le touchant La fin du monde en collaboration avec Wazem, je découvre le dernier titre de Tim Tirabosco, Femme sauvage toujours chez Futuropolis.

Femme sauvageLes Etats-unis, dans quelques années. Le capitalisme effréné a détruit aussi bien l’environnement que la société humaine. Réchauffement climatique d’un côté, manifestations puis émeutes et guerre civile de l’autre.
Elle est à peine majeure mais a décidé de quitter ce monde gangrené jusqu’à l’os pour rejoindre les Rebels au nord. Abandonnant le monde désolé des humains pour rejoindre celui de la nature résiliente. Mais ce n’est que le début du chemin.

Voilà une BD totalement dans l’actualité. Climat déréglé, suprématistes blancs en roue libre, manifestations qui dégénèrent sous les coups des forces de police… Elle, dont on ne saura jamais le nom, est en colère. Armée de sa seule détermination et d’un couteau de chasse, elle prend son sac à dos et part façon Into the Wild au cœur de la nature sauvage dans l’espoir de retrouver d’autres résistants se battant contre un monde obsédé par l’argent, le pouvoir et la consommation. Les plus riches se sont déjà retranchés dans leurs bunkers ultra-sécurisés en Alaska, tandis que le reste de la population se débat pour survivre, englué dans un mode de vie qui l’hypnotise pour qu’il ne se réveille jamais et reste docile.
Mais contrairement à Into the Wild, elle est un minimum préparée. Elle sait comment se nourrir, se cacher des mauvaises rencontres ou des drones de surveillance, s’orienter, faire du feu… bref elle sait survivre en milieu hostile. Guidée par les écrits de Henry David Thoreau (Walden ou la vie dans les bois, l’incontournable bible des amateurs de retour à la nature), elle se plonge avec soulagement dans la sincérité de la nature brute, rude mais honnête, simple, directe.
Pour autant, vivre ainsi n’a rien d’idyllique. Il faut une vigilance de chaque instant et tout peut s’arrêter en une seconde. Mais peut-être cela a-t-il plus de sens qu’une existence passée à à courir après l’argent sans jamais prendre le temps de vivre…

Seule dans son périple, elle ne parle évidemment pas mais pense et raconte les années passées en voix off. La violence patriarcale, raciste, homophobe, la montée des haines, le capitalisme sauvage et prédateur, l’abrutissement des masses, le réveil de quelques-uns stoppés à coups de matraques et de balles. L’auto-destruction cynique d’une humanité qui en même temps tente de s’accrocher avec ses mauvaises habitudes de taper sur tout ce qui voudrait proposer autre chose.
Elle fuit ce monde vérolé dans l’espoir d’en trouver un autre en train d’éclore. Risquant plus souvent sa vie en rencontrant ses congénères désespérés ou armés que face aux animaux sauvages. Mais c’est une autre rencontre totalement inattendue qui va tout changer…

Tom Tirabosco, auteur suisse, est un militant convaincu. Le but n’est pas juste de profiter de la mode et de sortir une histoire dans l’air du temps. Sa BD respire la sincérité, l’authenticité et l’envie de voir autre chose ressortir des cendres de notre civilisation prédatrice terriblement douée pour la destruction. Sa narration nous accroche et nous fait suivre les pas de cette jeune femme déterminée qui fera sans doute écho pour beaucoup d’entre nous. Et si souvent, tout semble perdu, la fin offre une lueur d’espoir à laquelle on ne croyait plus.


Mais au delà de l’histoire, ce qui marque le plus dans Femme sauvage, c’est le trait de Tirabosco. Le dessin est de toute beauté, tant dans sa description du monde, que dans la représentation de ses personnages. La mise en page sublime les images, avec des plans splendides, une finesse et une délicatesse des traits qui emportent totalement dans le récit.

Bref, difficile de décrocher une fois qu’on en a commencé la lecture et le récit de vie de cette anonyme en colère continuera sans doute longtemps à résonner…

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