8 décembre 2022

Adieu, mon utérus

Volume unique par Yuki Okada, édité en VF par Akata en février 2019.
Sens de lecture japonais, 127x180mm, 8,05€.

On continue ce mois de mars féminin cette fois-ci avec un manga on ne peut plus approprié, Adieu, mon utérus de Yuki Okada chez Akata.

Adieu, mon utérusYuki Okada, mangaka, a 33 ans quand elle va consulter son médecin pour des saignements inhabituels. Le verdict tombe rapidement : c’est une tumeur, un cancer du col de l’utérus. Elle va devoir subir une hystérectomie, lourde intervention qui nécessitera plusieurs heures au bloc. Commence alors un douloureux parcours  semé de doutes, de peurs et d’angoisses.

Yuki Okada nous propose donc de suivre son combat, depuis l’annonce de la maladie, jusqu’à sa sortie de l’hôpital et son traitement.
Elle adopte des traits assez ronds, enfantins pour dépeindre sa famille et elle, permettant d’alléger un peu un récit au sujet à la base pas très joyeux.

Sa famille justement est là en permanence, un soutien indispensable face à cette épreuve qu’elle ne sait pas du tout comment aborder. D’un côté, elle essaie un peu de nier la réalité, de s’afficher joyeuse et confiante, pour éviter d’inquiéter ses proches, dont son mari, mangaka comme elle mais sur une série hebdomadaire qui ne lui laisse quasi aucun temps libre avec sa femme et sa fille de deux ans. Yuki prend alors beaucoup sur elle pour qu’il puisse continuer à se concentrer sur son travail… mais son point de vue à lui finit par être abordé pendant l’hospitalisation de son épouse, alors qu’il doit assumer la grosse part de travail domestique dont il ne s’est jamais préoccupé jusque-là.

Yuki prend donc beaucoup sur elle mais on n’est pas dans un récit naïvement optimiste pour autant : l’autrice nous décrit ses pensées, ses peurs, ses angoisses, ses réactions inquiètes face à des déclarations de médecins pas forcément bien clairs, ses incertitude face à une maladie dont elle ne sait pas grand-chose. Tumeur, cancer, métastases, autant de termes qui effraient et font facilement disjoncter toute la partie logique et raisonnée du cerveau.
La jeune femme, bien que très soutenue par ses proches, va devoir affronter seule sa maladie, avec l’étape cruciale de l’opération qui déterminera toute la suite de son traitement. Son récit est alors d’une sincérité attachante, entre les nuits sans dormir, la nourriture pas top, les copines de chambrée dans la même galère, la télécommande pour appeler à l’aide inaccessible et les heures qui s’écoulent si lentement.

Elle ne nous cache rien, ni ses peurs, ni ses douleurs, mais pour autant, le récit n’a rien de plombant. Il regorge de vie et de bienveillance, et même d’humour, la mangaka sachant tout dépeindre avec pudeur et sensibilité, permettant de bien faire ressentir ses peurs et ses doutes sans donner envie de fuir sa réalité.
Elle s’attache même à essayer de décrire ce qu’ont pu ressentir ses proches, dont sa petite fille qui a vu disparaître sa mère durant une longue période sans vraiment savoir si elle allait la revoir.

Le cancer du col de l’utérus est un cancer dont on entend parler en terme de dépistage mais rarement en terme de suivi quand il arrive (contrairement au cancer du sein par exemple). C’est donc une excellente chose qu’il soit ici exploré plus en avant avec autant de sensibilité, permettant de nommer des choses dont on ne parle pas forcément facilement.
Ce manga est une excellente lecture, instructive, tendre, attachante.

PETITE NOTE INFORMATIVE
Je regrette un peu qu’Akata n’en ait pas profité pour ajouter une petite page d’informations pour ses lectrices françaises sur le suivi gynécologique.
Je vais donc rappeler que la meilleure manière d’éviter une issue malheureuse à ce genre de maladie, c’est le dépistage. Toute femme entre 25 et 65 ans devrait être suivie régulièrement par un·e professionnel·le, que ce soit son médecin traitant, un·e gynécologue ou une sage-femme (depuis 2009, les sages-femmes sont ainsi autorisées à faire un suivi de prévention gynécologique). Ce n’est pas un rendez-vous facile à prendre la première fois, c’est vrai…
L’examen pour dépister un cancer du col de l’utérus est le frottis, durant lequel le professionnel prélève un petit échantillon de cellules du col utérin. C’est indolore (mais on ne va pas se mentir, l’introduction du spéculum pour ouvrir le vagin peut être désagréable si on est très sensible) et ça prend moins de cinq minutes. Le prélèvement est ensuite analysé par un laboratoire et si des cellules pré-cancéreuses sont détectées, on pourra les retirer avant qu’elles ne dégénèrent en cancer (ce qui peut prendre plusieurs années).
Pour ce qui est de la fréquence de l’examen : “La Haute Autorité de santé (HAS) recommande de réaliser un frottis cervical tous les 3 ans chez les femmes de 25 à 65 ans, après deux frottis consécutifs normaux faits à un an d’intervalle.” (sources : Ameli.fr)

Bien évidemment, le suivi gynécologique n’est pas que pour contrer le cancer du col de l’utérus. Prévention et traitement des IST, contraception, prévention du cancer du sein, endométriose, kystes ovariens et syndrome des ovaires polykystiques, fibromes (pas forcément gênants mais peuvent le devenir), etc. Toute femme doit être suivie régulièrement.
Y compris celles qui n’ont pas de relations hétérosexuelles (les maladies se fichent de notre orientation sexuelle, même si on peut déplorer un gros manque d’informations pour le suivi gynécologique des lesbiennes, autant du côté des concernées que des professionnel·le·s).

2 réflexions sur « Adieu, mon utérus »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.