Série en cours par Nagabe, éditée en VF par komikku.
Sens de lecture japonais, 133x181mm, 7,90€.
Premier tome sorti en mars 2017.
Pour sa nouvelle série dans la même veine que The Ancient Magus Bride ou Somali et l’esprit de la forêt, komikku tape encore une fois dans le mille avec L’Enfant et le Maudit de Nagabe.
Une petite fille dans la forêt. Elle n’est pas seule ni perdue, profitant juste de quelques minutes de sieste dans cette jolie clairière. Mais le Professeur vient la chercher : elle ne devrait pas sortir de la maison sans lui. Car il faut se méfier des êtres de l’extérieur dont le simple contact peut vous maudire et vous rendre hideux…
Suite à ce que j’avais entraperçu des multiples avis positifs postés sur ce premier volume, je m’attendais à un récit onirique, délicat, léger. Je n’ai pas été déçue pour les deux premiers points : oui, l’atmosphère de cette histoire joue sur un ressenti très en dehors du temps, comme dans un rêve, loin de tout, avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse dans la relation pleine de tendresse que l’on découvre entre cette petite fille et le mystérieux professeur.
Mais la légèreté à laquelle je m’attendais n’est qu’une façade que le professeur tente de dresser autour de sa petite protégée pour lui laisser son innocence d’enfant dans un monde en fait particulièrement brutal, construit sur une vision très manichéenne et impitoyable.
S’il faut éviter de rencontrer et surtout de toucher des êtres de l’extérieur pour ne pas être maudit, la moindre suspicion fait de vous un ennemi à abattre sous prétexte de protéger les gens de l’intérieur. Pas besoin de preuve, aucune chance de pouvoir se défendre : tout individu susceptible de ne pas être “pur” est d’office condamné quelque soient ses actes, son apparence, ses dires.
Face à ce monde où la monstruosité supposée des uns est condamnée à mort par la cruauté légitimée sous prétexte de protection des autres, la petite fille continue de vivre sans se rendre vraiment compte de rien, sous la bonne garde d’un être qui n’est pourtant censé provoquer que le malheur autour de lui. Voilà pourquoi il essaie tant de faire sourire sa protégée, portant un fardeau d’autant plus lourd qu’il ne peut se résoudre à la mettre en face de la réalité cruelle et meurtrière d’un monde qui juge et condamne sur rien.
(Toute ressemblance avec un monde existant, son racisme, sa xénophobie et sa haine décomplexée ne serait sans doute que purement fortuite, bien sûr…)
Avec son dessin simple et délicat, son jeu d’ombres et de lumières, Nagabe nous embarque dans son univers à la fois si différent et si semblable. Dispersant des indices et des explications comme des petits cailloux dans la forêt, il/elle nous invite aux côtés de deux personnages totalement opposés qui n’ont que l’autre pour survivre. Comme dans tous les contes, rien n’est finalement tout blanc ou tout noir comme on le croirait au premier abord…
Le volume 2 est prévu en France pour le 11 mai 2017.