20 août 2022

Fables psychiatriques

Volume unique par Darryl Cunningham, édité en VF par çà et là, 170x240mm, 192 pages, 19,00€. Sorti en mai 2013.

C’est totalement par hasard, en furetant en librairie, que je suis tombée sur Fables psychiatriques de Darryl Cunningham. Un auteur qui ne m’est pas totalement inconnu puisque son livre L’ère de l’égoïsme est dans ms étagères depuis déjà plusieurs mois (pas encore lu, j’ai un peu peur de devenir rapidement violente vu le sujet).

fablespsy01Comme son titre l’indique sans ambiguïté possible, le sujet ici abordé est la psychiatrie, et donc les maladies mentales. Darryl Cunningham a travaillé plusieurs années comme aide-soignant dans un hôpital psy (HP) pour patients difficiles en Angleterre et ce volume regroupe diverses petites BD qu’il a faites au fil des années, sur ses expériences quotidiennes, les malades qu’il a côtoyés et les maladies en elles-même, souvent très mal connues du grand public. Il ne s’en cache pas, le but est clairement de dédiaboliser, démystifier ces troubles mal compris, mal perçus, souvent associés à des dangers et de la violence.

Au premier abord, le dessin peut paraître simple voire sommaire. En fait, il accompagne plutôt bien la force brute et directe du propos mis en scène. On se plonge très rapidement dans les chapitres, passionnants, mêlant anecdotes, histoires de patients, explications plus techniques, ressentis de l’auteur. Il ne juge personne, ne fait preuve d’aucun misérabilisme larmoyant mais apporte un regard bienveillant et bourré de tendresse envers ces gens souvent brisés par un cerveau qui dysfonctionne. Démence sénile, Alzheimer, dépression, bipolarité, schizophrénie, suicide, il aborde chacun de ces thèmes par plusieurs angles en insistant bien sur le fait que dans maladie mentale, il y a d’abord maladie. Ce n’est pas une question de volonté, de caprice, de discipline ou d’intelligence, il y a un réel dysfonctionnement, biologique, chimique, simplement moins visible avec des examens et donc souvent moins reconnu. Alors qu’il n’y a aucune raison d’être plus bienveillant avec un malade du cancer qu’avec un grand dépressif : leurs souffrances sont différentes mais n’ont pas à être niées ou minimisées parce qu’on ne peut pas toujours sortir une radio ou un scan pour les prouver.

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Les séjours en HP ou les traitements médicamenteux peuvent être très douloureusement vécus par les malades et l’auteur ne cherche aucunement à les idéaliser ou les présenter comme indispensables. Chaque cas est différent et le plus important reste le mieux-être du patient.
Et cette tendresse et bienveillance affichées par Darryl Cunningham viennent sans doute aussi du fait que de soignant, il est aussi patient. Il explique au fil des histoires qu’il a également connu de sévères épisodes dépressifs, en plus d’une anxiété chronique, avec de grosses périodes de doutes et d’idées suicidaires. Son regard sur le sujet des troubles psy est alors double, technique côté soignant, avec des noms de molécules ou des informations précises sur les maladies, émotionnel côté patient, apportant alors une profondeur supplémentaire dans son écriture.

Avec cette BD, Darryl Cunningham parvient donc à apporter un regard posé et pertinent sur ces questions centrales de santé mentale. Son récit est important, passionnant, pousse à la réflexion sur notre propre rapport à ce sujet, qui d’une manière ou d’une autre nous touchera forcément. Sans doute à éviter quand même par les personnes très sensibles sur le sujet…

Une réflexion sur « Fables psychiatriques »

  1. J’étais tombé dessus par hasard à la bibliothèque et j’ai beaucoup aimé cet ouvrage. Comme tu le soulignes, il est effectivement question de maladies, qui ne se résolvent pas d’un coup de motivation ou de volonté.

    Le fait qu’il ait été soignant donne plus de poids à son propos, mais quand il avoue à la fin qu’il a également souffert de dépression, alors là on réalise qu’il sait vraiment de quoi il parle, étant passé des deux côtés. Je recommande également !

    Et puis encore plus si on lit des histoires de super-héros, comme les Batman où l’asile d’Arkham fait toujours l’association malade mental = fou dangereux qu’il faut interner (et qui va forcément s’échapper et qu’il faudra réinterner).

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