8 décembre 2022

Les Culottées vol. 1

Volume unique par Pénélope Bagieu, édité par Gallimard BD en septembre 2016, 190x260mm, 144 pages, 19,50€. 

Les Culottées vol. 1

En janvier 2016, Pénélope Bagieu lance un blog hébergé sur lemonde.fr, Les Culottées, où chaque lundi elle présente une femme “qui ne fait que ce qu’elle veut”. Autrement dit, une femme qui a osé briser les conventions sociales de son époque pour vivre selon ses propres idées.
Neuf mois plus tard (ha ha…), Gallimard BD accueille dans sa collection le premier recueil de ces portraits. Quinze femmes, de Clémentine Delait – femme à barbe à Wu Zetian – impératrice, qui ont chacune à leur manière marqué leur époque, même si les livres d’histoire ou la mémoire collective ont souvent préféré les laisser dans l’ombre.

Dans ces 15 portraits, vous avez de tout : une femme à barbe ou une impératrice chinoise, mais aussi une actrice effrayante, une femme trans prête à se montrer pour faire avancer les mentalités, une reine africaine, des sœurs révolutionnaires, une amoureuse se fichant des interdits, une créatrice de trolls, une danseuse noire à la générosité sans borne, une guerrière apache, une sirène végétarienne, une exploratrice primatologue, une gynécologue de la Grèce antique, une libérienne qui parle pour toutes celles qui ne le peuvent pas, et même une gardienne de phare en lutte contre l’érosion.
Dans un monde sexiste qui a une fâcheuse tendance à ne glorifier que les hommes, voilà un ouvrage salutaire qui explose les clichés. Les chapitres sont courts – le but est juste de présenter en quoi ces femmes ont fait quelque chose de remarquable, pas de décrire précisément leur vie – et on finit chacun d’entre eux par une belle double page colorée résumant le portrait.
Il n’est pas question ici de faire l’hagiographie de ces femmes mais bien de présenter des destins exceptionnels à leur niveau – parfois celui d’un pays, parfois celui d’une village – qui inscrivent les femmes dans l’histoire du monde, jusque-là souvent réservée aux hommes. Elles ont fait bouger les lignes, ont osé se dresser contre les normes, vivre leur vie, parfois en en payant le prix fort.

Il ne s’agit pas non plus de parcours purement individuels à la “si tu veux, tu peux”, adage ridiculement culpabilisant et réducteur, mais bien de construire un récit global de l’humanité où les femmes ont autant leur place que les hommes, quitte à devoir ruer dans les brancards car c’est précisément parce qu’elles se révoltent contre des limites qu’elles considèrent absurdes qu’elles laissent leur trace.

Les Culottées vol. 2

Ajoutons à ça le trait efficace et l’humour ravageur de Pénélope Bagieu, parvenant à raconter même les destins les plus tragiques sans pathos, mais avec une énergie lumineuse, une force libératrice.
Assurément, ces 15 femmes, et toutes celles qui ont suivi chaque semaine sur le blog, sont “culottées”. Refusant de se taire face à l’injustice, avides de connaissances, s’élevant contre les interdits et les dogmes d’une société depuis longtemps sexiste, prêtes à tous les sacrifices pour atteindre leurs buts, créant leurs propre route y compris à contre-courant de toutes les autres, et surtout de celles qu’on leur destinait… ces femmes n’ont absolument rien à envier au plus glorieux de leurs homologues masculins et leurs noms ne doivent pas être oubliés.

Les Culottées, c’est typiquement la BD lumineuse, drôle, rageuse, revigorante, féministe évidemment, à mettre entre toutes les mains. Surtout de ceux qui osent encore penser que les femmes n’auraient rien accompli de remarquable au fil des siècles, juste parce que l’histoire écrite par les hommes a tout fait pour les gommer…
Pour ma part, je vais continuer à me retenir de lire sur le blog pour le plaisir de découvrir ces femmes extraordinaires dans le second et dernier volume, prévu pour le 26 janvier 2017.

3 réflexions sur « Les Culottées vol. 1 »

  1. Je suis en train de lire le volume, après avoir suivi le blog -hélas arrêté, le projet tenant sur l’équivalent de deux livres. C’est très intéressant de découvrir des personnalités généralement assez peu connus, ayant eu des vies et des origines très variées. Le tout étant fait avec un humour et une empathie qui rendent les personnages décrits attachants. Etant particulièrement intéressé par l’histoire politique, j’ai notamment apprécié les BDs consacrées à Nzinga et à Wu Zetian.

    J’émettrais cependant un bémol : sur le blog, un commentaire avait souligné que l’existence d’Agnodice (la gynécologue grecque) n’était pas certaine historiquement : ce qui n’apparaît pas dans la BD qui lui est consacrée. J’ai fait une petite recherche sur internet et effectivement, sans être impossibles, son existence et son histoire ne sont pas prouvées.

    Du coup, j’aurais bien aimé que les chroniques soient accompagnées soit d’une petite chronique d’une historienne, soit d’une postface ou préface plus développée pour donner quelques détails supplémentaires. Et une courte bibliographie n’aurait pas été de refus non plus. Certes, on n’est pas dans un projet érudit du type de l’Histoire des femmes en Occident de Perrot et Duby. Mais ça aurait permis aux personnes intéressées d’en apprendre davantage.

    1. Ah c’est sûr que des petits textes purement factuels en plus, ce serait top. Mais ça demande des collaborations très diverses, un travail encore plus long (et des sous pour payer toutes ces personnes). Je ne crois pas que c’était l’objectif de cette BD. Et en eux-mêmes, tous ces portraits rapides sont déjà des invitations à aller chercher par soi-même si on veut en savoir davantage. Des petites graines de curiosité semées…

      1. C’est vrai, je n’avais pas pensé à l’aspect financier. Alors simplement une page avec les références (articles, livres, liens internet) utilisées par l’auteur. Après, c’est vrai qu’on peut aussi faire une recherche google si on veut trouver des infos de base : c’est ce que j’ai fait pour Agnodice.

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