Série en cours par Gengoroh Tagame, éditée en VF par Akata.
Sens de lecture japonais, 127x180mm, 7,95€.
Premier tome sorti en septembre 2016, 180 pages.
Un manga de Gengoroh Tagame qui sort en France, ce n’est déjà pas super courant (jusque-là uniquement chez l’éditeur spécialisé H&O). Mais un manga familial de Gengoroh Tagame qui sort chez un éditeur manga connu, c’est encore plus rare ! Impossible donc de passer à côté du premier tome de Le mari de mon frère chez Akata.
Yaichi élève seul sa fille Kana. Mais leur quotidien est quelque peu bouleversé quand sonne à leur porte un imposant canadien, Mike Flanagan. Qui n’est autre que le mari de Ryoji, le frère jumeau de Yaichi, décédé de l’autre côté de l’océan Pacifique un mois plus tôt. Le jeune homme va devoir se confronter à ses préjugés face à cette rencontre déconcertante…
Non, ceci n’est pas un yaoi. Déjà parce que Gengoroh Tagame ne fait pas trop dans les androgynes imberbes : son truc, c’est plutôt les mecs massifs et poilus, les « bears » par excellence. Ensuite parce qu’on n’est pas là face à une romance comme dans un Ikumen After par exemple, mais dans un manga sur la famille et le deuil.
Tagame joue toujours plutôt la carte des mecs imposants, les deux hommes de cette histoire n’ont pas donc pas trop le physique des princes bishônen de shôjo manga. Et le mangaka aime insister sur le côté poilu de son personnage canadien, qui amuse tant la petite Kana. Il profite même des couvertures (sous la jaquette) pour jouer sur son style habituel, mec en slip, et latex.
Ah oui, car dans ses mangas habituels, Tagame n’hésite pas : c’est chaud, très très chaud, cru et BDSM. On peut même dire totalement porno, très violent, avec tous les fantasmes hardcore que vous pouvez imaginer (et même ceux que vous n’imagineriez jamais !). Vous pouvez en apprendre plus grâce à l’article de Bobo sur Nostroblog.
Mais évidemment, ce n’est pas le cas ici. Familial, souvenez-vous…
Le trait maîtrisé, précis et très reconnaissable de Tagame est ici au service d’une jolie histoire de choc des cultures, dans tous les sens du terme. Yaichi avait perdu de vue son jumeau avec qui il était pourtant tant lié dans leur enfance. Suite au coming out de son frère ? Sans doute un peu, car si l’homosexualité ne se heurte pas aux mêmes réactions au Japon qu’en France, elle n’est pas vraiment acceptée pour autant.
Yaichi a ainsi la tête pleine des préjugés habituels, le rendant mal à l’aise face à cet homme venu en quasi-pèlerinage dans le pays de son défunt mari. Il ne sait tout simplement pas comment réagir, n’ayant jamais été vraiment sensibilisé à ce sujet dont il ne sait rien, confronté à toutes les questions qu’il pourrait avoir. Heureusement la petite Kana, n’ayant pas encore la tête farcie de préjugés, n’a pas son pareil pour oser demander avec son innocence et sa franchise d’enfant tout ce qui peut lui venir par la tête, sans jamais risquer d’être influencée par des clichés négatifs. La fraîcheur au service du combat contre l’ignorance…
Ainsi, ce premier tome est bourré de bonne humeur, d’émotion et de bienveillance. Pas de sous-entendu foireux, de situations grotesques, juste le quotidien de trois individus apprenant les uns des autres, au delà des différences culturelles de tout genre. Tagame en profite même pour insérer quelques petits cours de culture gay entre les chapitres, avec pour débuter la question du mariage selon les pays ou le triangle rose, comme on peut le remarquer sur l’illustration de la jaquette.
Les seuls qui pourront hurler face à ce manga seront les réac bornés refusant toute évolution : il n’y aura qu’eux pour trouver à redire face au message chaleureux et respectueux que Gengoroh Tagame met en scène dans cette petite histoire de famille pleine d’amour et de tendresse. C’est drôle, plutôt intelligent dans les questions que se pose Yaichi, assez honnête pour accepter de voir ce qui peut le gêner dans cette situation et sa vision biaisée sur cette partie de la vie de son frère qu’il n’a jamais voulu connaître.
La fin du volume m’interroge sur la suite des événements, le chemin que l’auteur va choisir de faire suivre à ses personnages. Le tome 2 est prévu pour le 10 novembre 2016. J’ai hâte de lire ça !!
Merci pour cette chronique, j’hésitais justement à l’acheter. 🙂
Une très bonne chronique, comme toujours. J’ai hâte de lire mon volume maintenant, car ce manga me paraît aussi réussi que je l’espérais ^^
Je trouve que l’auteur a choisi la situation parfaite pour illustrer son propos : le rôle-pivot de la fillette, mais aussi le lien fraternel entre Yaichi et le disparu, qui va fatalement influer sur son point de vue.
J’ai tiqué sur le triangle rose de la couverture, en me demandant s’il y avait un rapport. Avec le recul, je trouve stupide d’avoir pensé qu’il pouvait ne pas y avoir de rapport étant donné la force de ce symbole.
« La fraîcheur au service du combat contre l’ignorance » très bien dit. C’est tout à fait ça. Jolie chronique, je partage pleinement ton point de vue.